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Augmentation croissante du prix des produits de première nécessité : des économistes tirent la sonnette d’alarme

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Haïti s’enfonce de plus en plus dans l’abîme. La pénurie de carburant devient récurrente. L’insécurité roule à vive allure. Le pays fait face à une cherté exagérée de la vie.

Le prix des produits de première nécessité continuent d’augmenter à un rythme effréné. Si cela continue, on peut s’attendre à des bouleversements socio-politiques dans le pays, selon l’économiste Djim Guerrier. Tandis que, d’après l’économiste Guy Mary Hyppolite, cette situation risque de plonger encore davantage les citoyens  dans une grave insécurité alimentaire. Des propos tenus lors d’une interview qu’ils ont accordée au journal Le Quotidien News.

La situation économique difficile dans laquelle se trouve le pays suscite de part et d’autre des réactions. Le coût de la vie augmente. Le pouvoir d’achat de la population diminue considérablement. L’avenir est incertain. Les prévisions sont inquiétantes pour l’avenir d’Haïti. « On ne peut pas à coup sûr déterminer ce qui va se produire dans le futur. Même si ce futur est assez proche (…).Toutefois, on peut se référer au passé de notre pays ou à celui d’autres pays qui ont des configurations similaires à la nôtre pour tenter d’anticiper sur notre futur.  De ce fait, si les prix des produits continuent d’augmenter, surtout ceux des biens de première nécessité, on peut s’attendre à des bouleversements sociaux et politiques dans le pays », affirme l’économiste Djim Guerrier.

Les événements survenus dans notre pays en disent long. Si nous prenons les périodes au cours desquelles le taux d’inflation a atteint des pics élevés, nous observons à chaque fois des troubles sur les scènes politique et sociale, a rappelé M. Guerrier qui, par la suite, souligne  « comme c’était le cas en 1994 où le taux de l’indice des prix à la consommation avait atteint un pic de 39.3 % (le plus élevé à date), ou en 2003 avec 28,7 %. Aujourd’hui, nous sommes à environ 29% en glissement annuel. Alors on peut s’attendre à des remous politiques et sociaux», a-t-il ajouté.

Cependant, Guy Mary Hyppolite de son côté est certain que cette cherté de la vie existant dans le pays ces jours-ci peut plonger la population davantage dans l’insécurité alimentaire. Cela, il faut l’éviter. Et pour y arriver, celui qui a fait des études en économie à l’Université Quisqueya propose quelques  pistes de solutions. « Ramener la sécurité sur tout le territoire national pour faciliter la circulation des biens et favoriser des investissements dans l’agriculture et même des subventions ciblées dans ce secteur », exhorte-t-il précisant que « tout pays qui se respecte doit nourrir ses citoyens ».

La population haïtienne est  confrontée à une cherté exagérée de la vie, qu’est-ce qui explique ce phénomène ?

La vie semble toujours avoir été chère pour la population haïtienne, les données de la Banque centrale sur Haïti montrent que le pays n’est pas en mesure de garder longtemps une tendance à la baisse de l’indice des prix à la consommation et que passer la barre des 10% d’inflation en glissement annuel est tout ce qu’il y a de plus normal pour le pays, explique le directeur du département économique de la Fondation Educative de Louverture Cleary, Djim Guerrier. «  Cela veut dire que la population vit une réalité où les prix sont toujours élevés. La cause principale à la cherté des biens et services est la faiblesse de la production nationale. Le pays n’arrive pas à produire assez pour satisfaire sa demande interne.  De cela découle notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Tenant compte du profit que doivent réaliser les importateurs malgré les coûts d’acquisition et de transport des produits, leurs prix ne pourraient ne pas être élevés», précise-t-il.

Par ailleurs, il y a aussi un autre aspect à prendre en compte, selon Djim Guerrier, c’est « l’effet du taux de change ». « En raison de notre dépendance par rapport à l’importation, tout changement du taux de change se répercute automatiquement sur le prix des produits. 

Enfin, il y a l’effet de l’insécurité qui a un double impact sur les prix. « D’une part, les propriétaires des magasins qui se font rançonner par les hommes armés augmentent leurs prix pour pouvoir couvrir ce coût ; d’autre part, à cause de l’insécurité, les marchandises peinent à circuler sur tout le territoire. Puisque les différents départements sont quasiment séparés les uns des autres, le peu que nous produisons arrive difficilement sur les marchés, accentuant ainsi la rareté des produits locaux », explique le coordonnateur au programme d’éducation de l’organisation non-gouvernementale Work.

L’économiste Guy Mary Hyppolite, quant à lui, souligne que l’économie nationale est une économie informelle et une économie de rente. « Elle se base sur l’importation. On importe beaucoup plus qu’on exporte », affirme-t-il.

Si les prix des produits de première nécessité augmentent à ce point, il faut pointer l’État du doigt, pensent les gens. M. Hyppolite propose un ensemble de mesures aux autorités en vue de résoudre le problème « (…) Les autorités peuvent prendre des mesures pouvant aider à résoudre le problème au fur et à mesure. Premièrement, le gouvernement doit chercher à réduire  l’hémorragie le plus vite que possible. Cela passera par l’augmentation des dépenses publiques en termes d’allocations sociales, afin d’atténuer la misère des plus vulnérables et aussi de désamorcer tout bouillonnement de mouvements populaires. Ces premières mesures de court terme permettront à la population de patienter jusqu’aux effets des autres mesures de moyen et long terme ».  

Ensuite, parallèlement aux programmes d’allocations sociales, « le gouvernement doit mettre en place des politiques visant à renforcer la production nationale. Par exemple, la mécanisation de l’agriculture pour renforcer la production agricole ; des investissements dans l’industrialisation pour que nous soyons en mesure de transformer les matières premières (il est absurde qu’en 2022, Haïti exporte de la mangue et importe du jus à base de mangues !) ; puis, stabiliser la politique et éliminer définitivement les bandits armés afin de redonner confiance aux investisseurs étrangers. Pour un pays comme Haïti, l’investissement direct étranger est un impératif pour son émergence (alors que le climat de l’insécurité fait fuir même les investisseurs locaux) », estime l’économiste.

Guy Mary Hyppolite ajoute par ailleurs que si les décisions tardent à venir  du côté des autorités étatiques, c’est parce qu’elles « ont toujours eu leur propre agenda qui n’implique pas le bien-être de la population. Du moins, le bien-être ne fait pas partie de leurs priorités. Cette affirmation ne fait exception d’aucun gouvernement qu’on a eu sur les 50 dernières années ! Ces gouvernements sont toujours bien imbus de la situation de l’économie du pays et de la manière dont vit le peuple, ils ont toujours eu des « experts » travaillant pour leur compte, mais ils n’ont jamais pris les décisions adéquates ».

 En ce qui concerne la classe sociale la plus touchée par l’augmentation du coût de la vie, M. Guerrier relativise. « Si j’essaie d’analyser la question selon l’approche sociologique de classes, je peux me référer aux différentes théories pour affirmer que la  catégorie de population la plus touchée par cette cherté de la vie est celle des consommateurs finals. Il en est ainsi, dans la mesure où les entreprises font absorber leurs coûts par les consommateurs à travers les prix qu’elles fixent. La conséquence est que si les coûts de l’entreprise augmentent, et que les prix des produits augmentent eux aussi,le pouvoir d’achat du consommateur, lui,  diminue », conclut-il.

Jackson Junior RINVIL

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