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Covid-19:Haïti exige du staff « Le Journal de Montréal » une note d’explication et d’excuses

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L’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d’Haïti, WeibertARTHUS, accrédité au Canada, exige des responsables du journal dénommé Le Journal de Montréal « une note d’explication et d’excuses à l’égard de la communauté haïtienne pour les torts moraux qu’ont pu causer certains termes inappropriés utilisés » dans son article intitulé : « Deux vols en provenance d’Haïti bourrés de cas de COVID », publié en date du 16 janvier 2021 au sein du groupe Quebecor. 

Dans une note adressée au Rédacteur en Chef du journal, Dany Doucet, le 17 janvier 2021, Dr Weibert ARTHUS note et applaudit la décision du journal d’abroger de son site cet article problématique, tout en affirmant que « le mal est déjà fait ». Selon cette note de l’ambassadeur d’Haïti au Canada, « le choix malheureux des mots utilisés porte atteinte à la dignité et contribue à renforcer une stigmatisation souvent dénoncée du peuple haïtien ». À cet effet, le diplomate haïtien estime que le simple fait pour le journal de supprimer cet article de son site « ne l’efface pas dans l’entendement des milliers de personnes qui ont pu le lire », a-t-il fait remarquer dans la note.

Dans son article, Le Journal de Montréal avait rapporté que deux avions de la Compagnie Air Transat (vol TS663 et vol TS665), assurant le trajet Port-au-Prince/Montréal, les 10 et 13 janvier 2021, transportaient des personnes « infectées de cas de Covid-19 » et qu’au moins une personne déclarée positive se trouvait dans toutes les rangées. Les mots ont leur sens. Le but de l’article est de laisser comprendre que le peuple haïtien vient aggraver, sur le territoire québécois, la situation liée au COVID-19. L’idée est de faire en sorte que la population québécoise monte au créneau contre la communauté haïtienne. Dans une plainte adressée au Conseil de presse le 17 janvier 2021, l’avocat montréalais Fernando Belton estime que l’article est « xénophobe à l’égard de la communauté haïtienne ».  En effet, le professionnel en droit soutient que le journal utilise toujours le terme « ÉCLOSION » pour parler du virus. Pourquoi utiliser maintenant le terme « INFESTATION »? Pour Monsieur Fernando Belton, « l’utilisation même de ce terme a comme conséquence de comparer les Haïtiens à des rats ». Plus loin, il soutient que c’est aussi très discriminatoire : « l’article ne fait aucune mention des centaines de vols venant des destinations du Sud dans la même période. Pourquoi viser précisément les vols venant d’Haïti? », se questionne-t-il. Malheureusement, les patrons de certains journaux québécois sont de connivence avec les milieux souverainistes et identitaires de droite. En témoignent les commentaires xénophobes et racistes suite à la publication de cet article. Les préjugés ont la vie dure.

Remontons le temps pour comprendre le poids des mots : quand le Sida avait fait son apparition au début des années 80 dans les grandes métropoles urbaines occidentales, la communauté haïtienne de Montréal, qui était déjà ostracisée et stigmatisée, avait été associée à cette maladie. Dans un article intitulé « le sida à Montréal : les Haïtiens d’abord plus frappés que les gais », publié le 1erdécembre 2011dans les colonnes du journalLa Presse, il a été rapporté « que les premières années du fléau se sont déroulées pour notre communauté sous le signe de la peur, de la confusion et de la honte ». Certains membres des communautés issues de la diversité ethnoculturelle et sexuelle, particulièrementles haïtiens et les homosexuels, étaient considérés comme les principaux porteurs du virus. En raison de cette publication, de nombreux haïtiens avaient perdu leur emploi. Ils ont donc été expulsés de leur maison et ont été traités de “sales étrangers”. Une telle marginalisation n’avait fait qu’accentuer l’intolérance vis-à-vis de la communauté haïtienne. Par exemple, à l’époque, certaines entreprises de Taxi se vantaient ouvertement de ne pas embaucher de chauffeurs haïtiens. La communauté haïtienne était également banniedu secteur de l’alimentation dans la province. Ce tort historique à la communauté haïtienne n’a jamais été réparé.

L’ambassadeur Weibert ARTHUS, en tant que chercheur et docteur en histoire des relations internationales, n’est pas dupe. Il connait bien cette tranche d’histoire.Sans nul doute, c’est ce qui expliquesa note auprès de la rédaction du journal, demandant des explications et des excuses relatives à l’article. Une réaction qui a une double pertinence pour la communauté haïtienne à Montréal : historique et sociologique. L’avocat Fernando Belton donne écho à la démarche de l’ambassadeur : « Je demande que le journaliste soit sanctionné et que le Journal de Montréal s’excuse », exige-t-il dans sa plainte.

À noter que les Airbus 330-200 de la compagnie Air Transat, assurant la liaison entre Port-au-Prince et Montréal, contiennent en moyenne 50 rangées et peuvent transporter entre 332 et 345 passagers. Selon un avis du gouvernement canadienen date du 7 janvier dernier, les voyageurs à destination du Canada doivent présenter la preuve d’un test de dépistage négatif à la Covid-19 avant l’embarquement. Cependant, les voyageurs en provenance d’Haïti sont assujettis à cette mesure jusqu’au 21 janvier. 

Jeff Civil

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