jeu. Avr 25th, 2024

Le Quotidien News

L'actualité en continue

Créoliser

4 min read

L’ imaginaire haïtien est le produit du croisement des cultures, des civilisations les plus fortes au monde: la civilisation française, les civilisations africaines, la culture amérindienne. Nous sommes des ingrédients dont les sauces américaines, espagnoles,anglaises,et hollandaises, ont modulé la saveur. Nous sommes nés du frottement entre les races et les cultures s’ affrontant pour une posture hégémonique à travers le monde. Oui, nous sommes une valeur ajoutée dont le soubassement est le vodou, le communautarisme africain et le spiritisme amérindien. Fiers de tout cela, les haïtiens se cherchent encore à travers l’ autre. L’ être haïtien est appelé à devenir à chaque fois à partir du néant, de l’ être ambiant, ou du nihilisme envahissant et fréquent. Certes, c’ est en modifiant le donné qu’ on s’ attribue de l’ être, qu’ on redéfinit ce qu’ on a nommé sans nous et contre nous.


L’ haitien repense et déparle depuis la colonisation et l’ esclavagisation des structures du sud. Reprenant les mêmes symboles, les mêmes canons et clichés de l’ occident, nous devrions être à même de corriger et de reformater ceux_là nous ayant encodé la haine, l’ hypocrisie et le ressentiment dans l’ ADN. En fait, après trois siècles d’ esclavage les grenadiers ont comme reconquis l’ imaginaire occidental en réalisant l’ exploit de la plus grande révolution politique , sociale et économique du monde après la révolution américaine et la révolution française. Oui, les esclaves se sont révoltés et, du coup, ont renversé l’ ordre universel activé de manière arbitraire et redéfinissent les enjeux et changent les rapports de forces entre maîtres et esclaves, gouvernants et gouvernés. L’ évolution est dans la nuance, la rupture d’ avec un ordre jugé caduc et injuste par les dominés et les révoltés, mieux les nouveaux maîtres dont les leçons des esclavagistes ont aguerris et réveillés.

Nous dénonçons les mêmes rapports de force au 21 e siècle, le moment où le monde devrait connaître la dimension de civilisation la plus élevée dans l’ histoire écrite des humains.


Pour l’ heure, Haïti est une Société de consommation dont aucune loi du marché libre ne justifie le cours des choses. Nous avons cessé de modifier et de moduler la fréquence des donnés imposés aux êtres du sud. Oui, au plus haut niveau de l’ organisme étatique haïtien on ne pense pas, on liquide. On ne fait qu’ improviser au jour le jour et surfer sur le donné qu’ on pourrait, si la volonté et la conviction y étaient, maîtriser et influencer. C’ est le même qui nous revient sous des formes variées, faute de pouvoir transcender, gloser et moduler sur la fréquence de manière efficace et rationnelle. On a assez copié et ressassé les mauvais modèles d’ ailleurs, l’ heure est venue qu’ on filtre l’ opinion et le faux-semblant en vue de l’ idée de l’ idée. C’ est en refaisant qu’ on fait neuf. Voir clair c’ est aller au-delà et en deçà de ce qui fait écran. Si l’ on patine dans le chemin de l’ histoire c’ est qu’ on n’ a pas assez creusé , absorbé pour dégager l’ horizon vers le sommet des nuages de notre propre saleté.


La valeur ajoutée haïtienne est dans l’ improvisation et la modification du donné déjà pensé, biaisé et imposé aux dominés et affaiblis. Issus de trois civilisations fortes et éclairées, Haïti devrait profiter de cette riche diversité pour créer et remettre aux civilisations génitrices de l’ haïtianité leur monnaie d’ échange en signe de contribution aux civilisations émergentes du nouveau monde né de la victoire des hommes libres sur les prophètes arguant la haine, l’ hypocrisie; véhiculant la suprématie raciale comme étant la vision pour surveiller et punir et s’ accaparer du graal du sud.


La nouvelle philosophie doit émerger de l’ examen des pensées fausses transmises aux esprits zombifiés et inhibés par le système kraze zo et pezesouse. C’ est en créolisant qu’ on arrive non pas à gommer le donné mais à l’ absorber, le triturer en vue de la crème, c’ est à dire l’ idée de l’ idée en vue de la construction d’ une structure plus humaine, plus ouverte, plus juste, plus démocratique, plus fraternelle et plus équilibrée. Créoliser c’ est improviser à partir du donné pour aboutir à l’ idée et porteuse de génie, de civilisation, d’ espoir, d’ humanité.

Le nouveau système émergera du l’évaluation des valeurs et des idées véhiculées et adoptées par les minorités composant la nouvelle mosaïque, le nouveau tissu mondial. Créoliser c’ est blanchir le cadrant en vue de décolorer et redessiner le visage de l’ homme dans la toile. Le nouveau nom à mettre sur le visage faisant écran est humain. Il surgit des symboles et des valeurs de tous les clivages et de toutes les strates rassemblés autour de l’ idée d’ un coexister pacifique en vue du partage équitable du monde, c’ est à dire de l’ héritage commun .

Par Rodrigue Adrien, philosophe et écrivain, depuis Bois patate

Laisser un commentaire