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De l’influence de la communauté internationale sur les élections en Haïti ?

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Le renouvellement du personnel politique des principales institutions républicaines bloquées depuis plusieurs années reste un défi de taille. À nouveau Haïti se voit confrontée à sa chimère de toujours qu’est l’organisation des élections. Si le gouvernement en place bénéficie du soutien de la communauté internationale pour entamer une telle démarche, le doute plane sur l’intérêt réel de cette dernière à voir le processus se dérouler alors que les conditions ne sont guère propices. N’y a-t-il pas lieu de d’ébaucher une petite rétrospective historique sur l’influence de ladite communauté des pays amis sur les élections en Haïti ?

Des élections libres, honnêtes, démocratiques, transparentes et inclusives, c’est le refrain quotidien des acteurs tant locaux qu’internationaux quand il s’agit de renouveler la classe politique haïtienne. Le même refrain chanté en chœur depuis 1990 même si parfois l’application de ces principes représente en Haïti des défis peu connus des sociétés démocratiques. Aussi voit-on à chaque élection organisée en Haïti depuis plus de trente ans une présence de plus en plus renforcée du « blanc », soit au niveau de l’observation électorale, soit au niveau de l’accompagnement technique ou financier, soit dans les cas les plus graves, au niveau aberrant de l’arbitrage du verdict des urnes, territoire sacré d’expression de la Souveraineté populaire.

Ainsi en décembre 1990, pour la première fois, une mission d’observation des Nations Unies a apporté son soutien à un processus électoral en dehors des cadres classiques de la décolonisation ou du règlement d’un conflit (Béatrice Pouligny-Morgant, 1998).Dans un article paru dans la revue Pouvoir dans la Caraïbe, la chercheuse française de l’IEP de Paris explique que les premières interventions de la communauté internationale dans les élections en Haïti ont été motivées par le souffle victorieux du nouvel ordre mondial, du triomphe de la démocratie comme modèle de gouvernance, de l’effondrement du bloc de l’Est et des régimes autoritaires, y compris celui des Duvalier en 1986. Bref, l’influence internationale en Haïti est entrée par la grande porte de la démocratie libérale.

Pour le professeur et historien haïtien Victor Benoit, Haïti a fait le choix de cette démocratie libérale, qui implique le processus démocratique, c’est-à-dire la tenue d’élections régulières pour renouveler les représentants du peuple. « Il n’y a plus de démocratie directe, on n’est plus en Grèce antique ou le peuple monte sur l’Acropole pour décider de tout par lui-même. Il faut des représentants légitimes du peuple qui assurent le fonctionnement de l’État et c’est par les élections que nous devrons les choisir. Les élections sont donc incontournables et indispensables », argumente-t-il.

La tenue d’élections honnêtes et crédibles exige une certaine transparence dans le processus, qui explique l’importance de l’observation locale et parfois internationale. Néanmoins, au-delà de ce rôle d’observateur, les partenaires internationaux s’arrogent le droit d’interférer dans les affaires les plus intimes de l’État haïtien, notamment grâce à l’aide publique, au financement budgétaire, au financement de l’organisation des élections et à l’appui technique et institutionnel que fournit l’international à l’État Haïtien de moins en moins capable  d’assumer ses responsabilités.  

« Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous mentir, nous sommes bien sous l’influence de la communauté internationale. La tenue des élections en Haïti est malheureusement soumise aux dictées de l’étranger, faute de la crédibilité et de la probité des acteurs nationaux », soutient le professeur Benoit. Une situation qui dure depuis trop longtemps, selon certains analystes politiques.

 « On est passé de la simple observation électorale internationale à l’arbitrage des urnes », renchérit Raynold Cantave, un « mémorant » en science politique à l’Institut Supérieur d’Etudes et de  Recherches en Sciences Sociales (ISERSS) de l’Université d’État d’Haïti. Déplorant la pression constante et ouverte qu’exercent les pays amis d’Haïti sur les dirigeants et l’ingérence des ambassadeurs et chargés d’affaires occidentaux dans la politique intérieure du pays, Mèt Ben dénonce : « il n’y a qu’en Haïti qu’on voit exister un syndicat d’ambassadeurs appelé Core Group, s’exprimant ouvertement et continuellement sur la conduite de la politique intérieure d’un État ».

Sur les enjeux que représenteraient les futures élections, le professeur d’histoire insiste sur la nécessité de « rétablir la confiance tant des acteurs locaux que des partenaires internationaux dans les institutions démocratiques du pays. Il faut faire savoir que le pays fonctionne, c’est essentiel pour la stabilité sociale et économique ». La jeunesse haïtienne aussi a besoin d’être rassurée dans le fonctionnement continu de l’État, c’est l’un des enjeux majeurs de ces prochaines élections, poursuit-il.

Cette présence mal supportée des yeux et des mains de l’international dans les affaires politiques de l’État haïtien et principalement au niveau de l’organisation périodique des élections est un fait historique, à en croire l’historien Benoit, auteur de « Batailles électorales et crises politiques en Haïti : 1807-1957 »  (2019),  causé par le manque de colonne vertébrale de la majorité de nos hommes politiques, argue-t-il. Néanmoins, par rapport à la conjoncture actuelle, il ne faut pas se faire d’illusions. On est obligé de composer avec l’influence internationale, mais pour sortir de là, il faut bien que les futurs dirigeants du pays soient patriotiquement engagés à réduire cette influence qu’exerce l’étranger dans les affaires intérieures haïtiennes, insiste le professeur.

Entre temps, les conditions indispensables à la tenue des prochaines joutes électorales ne semblent toujours pas réunies. L’insécurité bat son plein, des communes entières échappent au contrôle de l’Etat, le kidnapping fait des ravages sur la population et sur l’économie, sans oublier l’inexistence jusque-là d’un Conseil Électoral fiable et crédible, à même de rétablir la confiance dans l’organisation du processus démocratique afin de ramener le pays, par la voie des élections, à l’ordre constitutionnel indispensable pour la stabilité politique et sociale.

Daniel Toussaint

danieldavistouss@gmail.com

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