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Dysfonctionnement des systèmes judiciaire et pénitentiaire : l’État de droit peine à prendre forme en Haïti

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Le respect des règles édictées semble être un exercice des plus difficiles en Haïti. La crise institutionnelle est quasi-totale dans le pays. Rares sont les quelques institutions publiques à garder encore un semblant de normalité. La justice, autant que toute autre, est à genoux, avec une année judiciaire 2021-2022 des plus anormales.

Nominations illégales, grèves, vandalisme, violation de droits humains, le système judiciaire haïtien est en crise. Dans son rapport « Dysfonctionnement des systèmes judiciaire et pénitentiaire : le RNDDH plaide pour le respect des droits aux garanties judiciaires » du 11 novembre 2022, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) fait le point sur l’année judiciaire 2021-2022, une année pleine d’incertitudes et de difficultés pour tous dans le pays.

« L’année judiciaire 2021-2022 s’est déroulée dans un contexte difficile caractérisé par des scandales au sein de l’appareil judiciaire », a rappelé l’institution de défense des droits humains. Éclaboussé par des scandales de toutes sortes, entre irrégularités et luttes politiques avec un Exécutif de fait, le système est dysfonctionnel, et les deux plus grandes instances du Pouvoir Judiciaire, la Cour de Cassation et le CSPJ ne sortent pas du lot. « Le 1er octobre 2021, entre la fin de l’année judiciaire 2020-2021 et le début de l’année judiciaire 2021-2022, un Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) partiellement constitué, a été installé en marge de la Loi », se souvient le RNDDH.

Selon l’organisation, toute tentative de nommer des juges à la Cour de Cassation en dehors des dispositions constitutionnelles serait inconstitutionnelle pour le moment, en raison de l’impossibilité de la formalité due à la vacance présidentielle. « Selon l’article 175 de la Constitution de 1987, les juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la République sur une liste de trois (3) personnes par siège soumise par le Sénat », lit-on dans le rapport.

Une justice sous la menace

La justice haïtienne a été l’une des entités qui a le plus souffert du grand banditisme qui s’est installé dans le pays. « Au moins 4 arrêts de travail ont été enregistrés. De plus, les impacts de l’insécurité sur le déroulement de l’année judiciaire ont été énormes. Au moins 10 avocats et 2 magistrats-tes ont été enlevés et séquestrés contre rançon, blessés par balles ou assassinés », indique le RNDDH.

Au cours de l’année judiciaire 2021-2022, au moins six espaces judiciaires dont des tribunaux et des parquets ont  subi des attaques et des dossiers ont été détruits ou emportés, rappelle l’organisation. Le Parquet près le Tribunal de Première Instance de Jérémie a été saccagé et partiellement incendié ; dans le Palais de Justice de Port-au-Prince, les archives ont été détruites et plusieurs dossiers de justiciables emportés ; le Parquet près du Tribunal de Première Instance de la Croix-des-Bouquets a été incendié par les bandits en représailles à une opération policière ; le Palais de justice de Petit-Goâve a été attaqué puis incendié, le Tribunal de Paix lui aussi saccagé le même jour ; il y a eu un incendie au Tribunal de Paix des Cayes ; une attaque a eu lieu contre les locaux du Tribunal de Paix section sud, du Tribunal de Première Instance et de la Cour d’Appel des Gonaïves, et les bureaux de l’Etat Civil des Gonaïves ont été vandalisés.

De même, des relocalisations ont été enregistrées au cours de cette année judiciaire 2021-2022. « Le 4 avril 2022, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) a ordonné le transfert du Décanat du Tribunal de première instance de Port-au-Prince au Tribunal de paix de Port-au-Prince, section sud ; le 26 avril 2022, l’administration du Barreau de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince a été relocalisée ; à la fin du mois d’août 2022, le Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince a été autorisé à emménager au local de l’OPC, à Lalue. Quelques jours plus tard, le Décanat a quitté le Tribunal de paix où il s’était réfugié, pour venir cohabiter avec le Parquet ; le 4 août 2022, le CSPJ a ordonné au Décanat du Tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquets de se relocaliser à la bibliothèque municipale de Tabarre », rappelle le RNDDH.

Population carcérale en grand danger

Les conditions de détention se sont nettement dégradées dans le pays ces dernières années. Entre la surpopulation carcérale, l’insécurité alimentaire et sanitaire, et la détention préventive prolongée, le système carcéral haïtien est infernal. « 172 détenus sont décédés de janvier à octobre 2022, parmi eux, 24, du choléra. De plus, les détenus-es sont malnutris, n’ont pas droit à la récréation et ne disposent pas de médicaments, les infirmeries des prisons étant vides » lit-on dans le rapport du RNDDH.

Le nombre de prisonniers augmente, mais la justice haïtienne peine à leur garantir un procès. « Le RNDDH veut pour preuve le fait qu’en octobre 2021, à l’ouverture de l’année judiciaire en question, 82 % de la population carcérale étaient en attente de jugement. À sa fermeture en septembre 2022, 84 % de cette population, attendent d’être fixés sur leur sort, soit une augmentation de 2 % ». Pour cette nouvelle année judiciaire 2022-2023, la situation reste tout aussi grave, et l’espoir d’une amélioration reste difficile à envisager.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@user

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