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GRAHN – Diaspora – Haïti : une trilogie toxique

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En lisant l’article de Nancy Roc, sur Alter-Presse*1, [19-10-2020], résumant les 10 ans de GRAHN – Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle – j’ai été chiffonné par son constat assez légitime, qui me laisse dans une sorte de léthargie mortifère, tant mon étonnement fut singulier. 

Avec toute la bonne foi et toute la sincérité déployée par plus de 500 scientifiques ou professionnels haïtiens et étrangers, pour offrir à la nation, ce qu’il y a de mieux, les bons samaritains de Grahn-Monde, qui pensaient croiser le fer avec le destin d’une nation marquée par les déveines, ne récoltent que les fruits aigres-doux de la surprise. En fait, le désintéressement des décideurs de l’élite économique ou la tiédeur des détenteurs du pouvoir passé et présent, laissent à désirer devant leurs projets si innovants et porteurs d’espoir pour la modernité.

Au départ, le titre bien choisi de l’article, « Les Haïtiens sous-estiment le plus beau cadeau offert à Haïti », annonce sa couleur. Il s’avère réellement navrant, extrêmement déprimant. Ce qui augure bien de lendemains incertains pour cet effort titanesque de ces revenants, armés uniquement de leur rêve pour ressusciter le pays moribond.

Et la journaliste continue, parlant de l’Académie des Sciences : « Un cadeau de taille totalement ignoré par les autorités haïtiennes… Haïti était le seul pays de la Caraïbe qui ne s’était pas doté d’une [telle] Académie. Ce vide a été comblé par Grahn-Monde en 2016 ».

Telle une supplication, elle a rapporté l’invitation du Président de Grahn, le Dr-Pr. Samuel Pierre qui réitère, un peu agacé : « Dites-leur qu’il y a ces projets (25 en tout), supportez-les et réalisez-les ! Nous avons fait la preuve de leur faisabilité… On est ouvert à ça, car on ne travaille pas pour un parti politique ; notre seul parti, c’est Haïti! ». Et Mme Roc, de renchérir : « Leur appel n’a pourtant pas été entendu et Haïti est en train, une fois de plus, de perdre une opportunité ». Plus navrant que cela, tu meurs! Et c’est une certitude pour l’expatrié qui brûle de ce désir d’aider. Notre prolifique Dr. Jean Mathurin l’avait déjà constatée : « Vivre avec l’image d’Haïti, c’est mourir tous les jours! ».

La cause première de ce désintéressement proverbial

Pour éclairer la lanterne des sceptiques, permettez que je m’appuie sur une anecdote surannée, aux accents contemporains, déroulée en 1937, dans le canton de Moron, bourgade située à 24 km de Jérémie, pour vous décrire ce type de mentalité axée sur l’égocentrisme, que couvent nos politiciens, nos élites, depuis des générations.

Suite à une visite du président Sténio Vincent dans la Grand’Anse, Me. Félix Philantrope*2, le meilleur avocat de l’époque, prépara, sur commande, un discours de bienvenue, très chaleureux, qui sera prononcé par Joseph Bélizaire, alias Ti Joe Bélizaire*3, candidat à la députation de Moron et les régions subsidiaires.

Ce jour-là, les mains nues, le cœur altier, et sûr de son texte mémorisé, le candidat, dans une envolée oratoire, digne des grands tribuns de l’Europe de 1791, avait ébloui la galerie. Même si 95% de l’assistance étaient analphabètes, tout le patelin se congratulait : francé fè micalaw*4. Les applaudissements nourris des invités ne laissaient aucun doute sur les chances du candidat-député. Le président, médusé de découvrir ce Robespierre de l’arrière-pays, acquiesça d’un sourire cordial.

Entretemps, dans l’euphorie, un des officiels en profita pour vendre, en quelques secondes, son poulain au 1er magistrat de la nation. Il se pencha à son oreille et lui suggéra de soutenir Ti Joe Bélizaire sur la route du Parlement.

La réponse du président ne se fit pas attendre. Du tac au tac, il rétorqua : « Ou fout fou! Neg ki palé fransé tan kou blan saa! Ce plas moin yan ou vle l’vin pran*5 ». Et Joe Bélizaire, victime de l’obscurantisme qui a douché ses espoirs, ne fut jamais élu député de Moron.

En repensant à la célèbre diatribe du Pr Manigat, qui soutint « qu’il y a une lutte constante contre l’intelligence dans ce pays », nous pourrons ajouter que la rédemption tant rêvée pour cette nation risque d’attendre encore un autre siècle.

Depuis toujours, sur cette île allergique à la connaissance, si on rêve de décrocher la lune, il valait mieux jouer au con avec les cons et cacher son érudition, à l’instar de l’élite d’affaires, très instruite et diplômée des meilleures universités d’outre-mer. Cette dernière expose le faux tableau d’un groupe composé d’abrutis et d’ignares, pour mieux manipuler les clowns du pouvoir, détenteurs de l’assiette au beurre. C’est viscéral. Rien n’a changé sous le ciel bleu d’Haïti-Toma!

Donc, tous ces détours rocambolesques résument ma façon d’exposer les raisons de la nonchalance de nos dirigeants envers GRAHN, ce think-thank de l’espoir, inspiré d’humanisme, qui « veut donner un sens à la vie », avec sa cargaison de plus de 500 scientifiques et intellectuels de toutes disciplines, dédiés à sa cause, à l’aube de l’Intelligence Artificielle (IA).

Si nos politiciens avaient à cœur le bonheur, le bien-être de leurs collectivités, leur premier geste aurait été de saisir ces mains altruistes, venues des quatre coins du monde, pour redonner vie à l’agonisant en phase terminale. Avec des projets aussi électrisants, de ces scientifiques dévoués et ultra expérimentés, qui ont laissé leurs empreintes dans la réussite des pays Occidentaux : Que voudrait, Haïti, de plus?

La majorité de nos compatriotes devraient extirper de leur idée cette fausse conception, que le pouvoir demeure le socle de lancement de la fusée de la richesse. Cette certitude débilitante nous transforme, depuis notre jeune âge, en corrompus précoces à idée fixe, élevés dans l’étoffe de la magouille. La faiblesse de nos institutions scolaires, incapables d’inculquer à nos jeunes l’esprit de créativité, l’esprit d’inventivité, se révèle un des ferments de la vocation innée de ces rêveurs impénitents, issus d’une jeunesse à la fois victime et bourreau d’une culture toxique. De cette carence, nous sommes condamnés à toujours sculpter, de nos mains, nos propres dictateurs à placer à la tête de la nation.

Or, ces scientifiques expérimentés de GRAHN, ne sont-ils pas, précisément, les unités dédiées à créer un « Aysien nouveau, un Aysien tou nèf », avec des possibilités multisectorielles, destinées à nous catapulter vers le nirvana? Ce serait le point de départ vers une certaine sécurité, une certaine stabilité chère à l’investisseur, tant national qu’international.

Solution : l’exemple des autres devrait aiguiller nos décisions

Si certaines nations émergentes, telles que l’Inde, le Ghana, le Rwanda, le Botswana, le Vietnam, la Thaïlande, la Corée-du-Sud, pour relancer leur économie défaillante, avaient rapatrié leur diaspora instruite et expérimentée, ce ne fut pas par sympathie ou par compassion, mais au préalable, par prévoyance, par opportunisme, pour exploiter le filon providentiel de leurs brillants cerveaux.

Aujourd’hui les fruits ont respecté la promesse des fleurs. Les scientifiques indiens réintégrés, ont contribué à l’émergence de leur pays à tous les niveaux. 2019 fut « L’année du grand retour » au Ghana, sous l’instigation du président Nana Akufo-Addo. Tandis-que, chez-nous, la tradition continue et la formule, inscrite en lettre de sang, sur la banderole virtuelle, nous avertit péremptoirement : « Diaspora rete lwin. Kampe sou bwizin ou! Ou pap fout vin pran plas nou*6 ». Quel salmanaza!*7   Kilè iyorans ap sispan anestesie rezonman nou???  Hum! Ce rèl kay Mac-Orel*8!

Max Dorismond

mx20005@yahoo.ca

 GRAHN: Institut des Sciences des Technologies et des Études Avancées d’Haïti à Milot

NOTE

1 – L’article de N. Roc : https://www.alterpresse.org/spip.php?article26306#.X5A8jBlKuyU

2 – Maître Félix Philantrope est le père de mes amis et congénères : Valère-C. Philantrope, Roseline Philantrope, Marc-Antoine Gauthier, feu Julio Gauthier, Nephtalie Gauthier…etc.

3 – Joe Bélizaire est le père de feu l’ingénieur Danel Bélizaire décédé en juillet 2018.

4 – « Francé fè micalaw : « Le discours était riche en contenu de la langue de Molière »

5 – « Ou fout fou…» Avec ce gars qui s’exprime aussi bien! Ma présidence serait en danger!

6 – « Diaspora rete lwin… » : « Diaspora stop. Reste au loin. Y’a aucun job pour toi. »

7 – Quel salmanaza : Quelle idiotie, bêtise, erreur etc…

8 – Kilè iyorans… : Quand l’ignorance cessera-t-elle de nous retarder? C’est alarmant!

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