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Habitation Breda, lieu de mémoire de Toussaint Louverture !

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La région Nord d’Haïti est marquée par les premières villes de la colonisation avec ses constructions françaises et ses fortifications. Son riche patrimoine historique l’a aidée à être classée en 1995 au rang de patrimoine national. À Breda du Haut-du-Cap, lieu où naquit Toussaint Louverture, et où se trouvent de nombreuses habitations coloniales, l’histoire ne cesse d’émerveiller.

La première mention de l’existence de l’habitation Bréda du Haut-du-Cap a été faite en 1703. Elle a  été achetée par Pantaléon de Bréda d’une réserve de « bois debout » qui l’établit en sucrerie. Elle se trouve dans la deuxième section du Haut du Cap, dans la ville du Cap-Haïtien, deuxième ville d’Haïti. À la mort d’Élisabeth Bodin de Bréda, veuve de Pantaléon, en 1752, son patrimoine a été partagé entre ses trois enfants : Élisabeth de Bréda d’Héricourt reçoit une partie des Manquets et un tiers de la poterie-tuilerie de Bréda et l’habitation d’Héricourt à la Plaine-du-Nord. Marie-Anne de Bréda de Noé reçoit une partie des Manquets et un tiers de la poterie-tuilerie de Bréda et l’habitation au Limbé. Et Pantaleon II de Bréda qui reçoit Bréda du Haut-du-Cap, un tiers de la poterie-tuilerie de Bréda et l’habitation Bréda à la Plaine-du-Nord. Entre temps, vers 1743 est né l’esclave Toussaint à Bréda du Haut-du-Cap.

Pour Ducanès JEAN-PIERRE mémorant en histoire à L’Institut d’Études et de Recherches Africaines (IERAH/ISERSS) de l’Université d’État d’Haïti, Bréda était une plantation située à proximité de la capitale coloniale et n’était pas connue des historiens parce qu’elle figurait parmi les grands foyers d’exploitation, et qu’elle n’était pas parmi les plus riches habitations. Mais, elle est devenu célèbre pour avoir favorisé l’émergence du nègre créole éleveur de chevaux Toussaint Bréda (nom qu’il portait jusqu’à sa distinction lors de la guerre franco-espagnole). Issu du maillon le plus faible de l’échelle sociale de l’époque, ce dernier dut gravir les marches jusqu’à devenir lui-même propriétaire.

Toussaint est esclave de la famille propriétaire de l’habitation Bréda du Haut-du-Cap. Son père se faisait appeler« Déguénon-Hippolyte Gaou ». « Gaou » est un titre, celui de commandant en chef des armées dans le royaume du Danhomè, redoutable voisin du royaume d’Allada. En langue fon : c’est un nom assez répandu dans le sud du Bénin, qui désigne une personne âgée, un « vieux » et, par extension, un sage. C’est donc un nom symbolique, dans la tradition des dynasties royales.

Toussaint Bréda, du nom de la plantation où il est né esclave, enfant chétif qui devient l’un des meilleurs cavaliers de l’île, gardien de bêtes qu’on retrouve cocher, messager et intermédiaire entre les esclaves rebelles de la plantation et leurs maîtres dans les années 1770. Le Bayon de Libertat, au service de qui Toussaint est affecté, eut maintes fois l’occasion d’apprécier les qualités de l’esclave et de plaider en sa faveur auprès du membre de la famille qu’il fréquentait le plus régulièrement. Il fut alors affranchi en 1776. Devenu le « nègre libre » Toussaint Bréda put néanmoins continuer à travailler au service de Bayon de Libertat, qui géra les habitations Bréda jusqu’en juin 1789 au rachat de la liberté de sa femme Suzanne et de leurs enfants.

Lorsqu’il devient l’une des figures majeures de l’insurrection d’Haïti, en 1792, il est âgé de cinquante-deux ans. Il écrit et parle la langue des esclaves, son père lui a transmis sa connaissance des plantes médicinales de l’île, il en a parcouru tout le territoire et y entretient de puissants réseaux, il parle le français, c’est un fervent catholique et il est proche, sinon membre, de la franc-maçonnerie.

Lorsque l’Espagne déclare la guerre à la France régicide en janvier 1793, les indigènes s’allient avec l’Espagne. Toussaint désormais nommé Louverture, devient général dans les forces espagnoles qui envahissent les territoires fertiles du nord de Saint-Domingue que les puissances européennes convoitent depuis longtemps. Après que la Convention a aboli l’esclavage par décret, il change de camp en février 1794.

Cependant, la paix ne dura pas. La colonie échappe alors au contrôle de la métropole. Le Premier consul Napoléon Bonaparte, jaloux de l’influence et de la stratégie de Toussaint envoie alors une armée de 25 000 hommes commandée par son beau-frère le général Leclerc pour déposer Toussaint et y restaurer l’ordre ancien. Après une résistance de plusieurs mois, Toussaint, abandonné par ses officiers, dépose les armes en mai 1802. Un mois plus tard, le 7 juin 1802, il est trahi par Leclerc qui l’arrête et le déporte vers la France. Toussaint Louverture décède le 7 avril 1803 au fort de Joux, situé dans le Doubs en Franche-Comté.

Toutefois, selon Ducanès, portant le flambeau du grand révolutionnaire de la révolution des esclaves à Saint-Domingue donnant naissance à la République d’Haïti, Toussaint n’a jamais eu en tête de faire une sécession totale avec la métropole. Il a juste voulu diriger la colonie à sa guise en tant qu’unique chef. Donc, au lieu de Saint-Domingue colonie française, son vœu était plus  plutôt un territoire d’outre-mer, autrement dit un État associé à la France.

En guise de références, on peut consulter: « Jean-Louis Donnadieu, un  GRAND SEIGNEUR ET SES ESCLAVES, Le comte de Noé entre Antilles et Gascogne 1728-1816, recensé par Bernard Gainot, Annales historiques de la Révolution française, mis en ligne le 13 décembre 2011. URL : http://journals.openedition.org/ahrf/12170 ;

DOI : https://doi.org/10.4000/ahrf.12170  et  Sudhir Hazareesingh, 2020, Toussaint Louverture. Trad. de l’anglais par Marie-Anne de Béru. Flammarion, coll. « Grandes biographies », 592 p.

Geneviève Fleury

genevievef359@gmail.com

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