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Rappelez-vous que vous êtes des êtres humains !

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Ce titre peut paraître un peu provocateur dans la mesure où la raison qui distingue les êtres humains des animaux est mise en doute. La crise à laquelle le pays fait face actuellement est à première vue conjoncturelle. Mais, à bien observer chacun des acteurs et les difficultés qui entravent un dénouement heureux de ce marasme sociopolitique, il apparaît que le problème est  par essence structurel. Ce qui porte à croire qu’Haïti fait face avant tout à une crise ressources humaines.

En effet,  l’emphase est le plus souvent mise sur le Gouvernement et les hommes politiques. C’est légitime de penser ainsi puisqu’ils sont les responsables de la gestion du pouvoir et de l’administration de la Cité. Ils sont sur le devant de la scène et ils participent à la pérennisation de la crise. Ils multiplient les actes de corruption et  ont sur les bras les innombrables homicides et violations des droits humains. Ils handicapent les institutions publiques. Ils sont porteurs du germe du chaos.

Partant des constats de la conjoncture, il est de bonne guerre de questionner le niveau de moralité de nos dirigeants. Ils fuient délibérément leurs responsabilités et donnent l’impression que l’anormal est la norme. Ils se montrent allergiques à la démocratie et à l’État de Droit. Pire, ils essaient d’exercer sur la population une sorte de violence symbolique.

Cela fait déjà dix mois que les gangs prennent en otage la troisième circonscription de Port-au-Prince. Huit mois que le pays est plongé dans l’un de ses chaos politiques les plus graves. Huit mois qu’un Gouvernement, le plus illégitime de l’ère démocratique haïtienne, fait du surplace, se réfugiant dans le mutisme et renforçant les bandes criminelles par son laxisme. Huit mois que les acteurs n’arrivent pas à s’entendre sur une solution concertée. Ce, en raison de la méfiance qui les caractérise. Chacun veut avoir la plus grande part du gâteau et s’assurer de l’amnistie pour ses actes.

On n’est pas sans savoir que l’une des principales caractéristiques de l’être humain, c’est sa capacité à s’organiser en communauté. En Haïti, malheureusement, c’est le contraire qui est observé. On dirait que le mal nous est tombé dessus comme une malédiction et que personne ne l’a occasionné. Sur ce territoire qui a écrit l’histoire de l’humanité d’un encre indélébile, on voit progressivement la tendance égoïste et mesquine du « Chacun pour soi » se substituer à « L’union fait la force ».

Comme à l’accoutumée, l’exécutif a rendu hommage au vaillant soldat, stratège et précurseur de l’indépendance, Toussaint Louverture, cette semaine. Quelle est la valeur de votre offrande florale à ce grand diplomate alors que vous foulez au pied la Constitution ? Que signifie votre geste quand vous abandonnez la population au bon vouloir des gangs armés ? Comment exprimer votre gratitude à l’égard de cette icône nationale quand des quartiers entiers sont dépeuplés et que les victimes vivent dans des conditions exécrables ? Toussaint Louverture n’avait pas combattu l’esclavage pour en arriver à ces résultats. Il serait plus fier si le Premier Ministre n’était pas indexé dans l’assassinat du Chef de l’État. Si Joseph Jouthe et Lucmane Délile (respectivement anciens Premier Ministre et Ministre de la Justice d’un même Gouvernement) n’avaient pas donné ce spectacle gratuit et de mauvais goût à la nation cette semaine. Si le Gouvernement se mouillait pour faire avancer le dossier relatif à l’assassinat du Président et du Bâtonnier Monferrier Dorval. S’il se montrait déterminé à redresser la Justice, à renforcer la Police, à ramener la paix et la sécurité. Le droit à la circulation est naturel. Comme on respire, on est libre aussi de circuler. Pourquoi enlève-t-on ce droit au peuple ?

Être humain implique le respect pour l’autre et le respect des normes. Il est temps de réfléchir en profondeur à notre propre nature. Il est temps de prendre conscience du niveau de bestialité qui nous caractérise tous. Allant du commun des mortels qui décide de jeter sur la voie publique des camions de matériaux destinés à la construction, en passant par les psychopathes qui financent les gangs armés, par les gens du secteur privé qui paient pour la circulation de leurs biens et de leurs marchandises, par des pans entiers de la population qui, par opportunisme ou impuissance, font corps avec les bandits, pour arriver aux politiciens friands d’instabilité, de gangstérisme, de corruption et d’anarchie. Comme être humain, on doit pouvoir se parler. Rappelez-vous que la raison et la conscience doivent toujours être des vecteurs qui orientent nos actions.

Daniel Sévère

danielsevere1984@gmail.com

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