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Haïti/déportation : GARR et d’autres organisations de la société civile s’adressent au chef de l’État haïtien

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Son Excellence, Monsieur le Président Jovenel Moïse,

Nous, représentantes et représentants d’organisations de la société civile haïtienne, exprimons notre solidarité envers tous les peuples du monde entier qui souffrent énormément de la pandémie du COVID-19. Nous partageons une pensée spéciale en faveur des compatriotes haïtiens qui sont aussi parmi les millions de victimes de cette maladie.

Nous, signataires de cette note, voulons élever la voix pour dénoncer les déportations de ressortissantes et ressortissants haïtiens initiées par le gouvernement américain dans ce contexte si difficile. Nous vous demandons de ne plus accepter des expulsés haïtiens en provenance des EtatsUnis et de tout autre pays désireux de le faire. Il est donc nécessaire de négocier avec ces pays qui clament souvent être amis de notre République en vue d’un moratoire.

Nous avons appris que 101 compatriotes haïtiens sont déportés, ce lundi 11 mai 2020, à l’Aéroport Toussaint Louverture de Port-au-Prince. Selon certaines sources, d’autres déportations sont prévues dans les prochains jours. Mais, avons-nous la garantie que ces personnes ne sont pas infectées par le COVID-19 et qu’elles ne représentent aucun risque de propagation de la maladie sur le territoire haïtien ? On se le rappelle lors de la déportation vers Haïti, le 7 avril 2020, d’un groupe de soixante-un (61) migrants par les États-Unis, le chancelier haïtien, Dr Claude Joseph, avait déclaré que ces migrants n’étaient pas porteurs du nouveau coronavirus. Pourtant, trois (3) parmi eux ont été testés positifs pendant qu’ils étaient encore en quarantaine. Une situation qui représente un danger sanitaire pour Haïti.

A cet égard, différents secteurs aux Etats-Unis dont des hommes et femmes de loi, des organisations de droits humains, des médias, pour ne citer que ceux-là, n’ont pas hésité à critiquer sévèrement l’Administration de Trump d’avoir choisi d’expulser des ressortissantes et ressortissants haïtiens dans un contexte de crise pandémique ou même les systèmes de santé les plus forts n’ont pas pu résister.

Nous, signataires de cette note, sommes préoccupés par rapport à la propagation de la maladie en Haïti. Le bulletin officiel du Ministère de la Santé Publique (MSPP) en date du 10 mai 2020 fait état de 182 cas confirmés dont 15 décès. Vous savez aussi bien que nous que c’est possible d’avoir plus de personnes infectées puisque dans la politique adoptée, votre gouvernement n’a pas fait le choix de tester un nombre élevé de la population.

Nous sommes davantage préoccupés par rapport à l’incapacité de votre administration à assurer un maximum de contrôle sur le territoire national en particulier à la frontière entre Haïti et la République dominicaine où des centaines de migrantes et migrants haïtiens arrivent presqu’au quotidien. Seulement pour le mois d’avril 2020, 23429 personnes sont retournées à travers les différents points frontaliers. Malheureusement, elles ne sont pas toutes testées en arrivant en Haïti.

Nous partageons la position des experts interdépendants de l’ONU qui ont plaidé à Genève, le 27 avril 2020, en faveur des mesures alternatives plus légères quant au sort des personnes migrantes en contravention avec l’immigration américaine. Lors de cette rencontre d’experts, Felipe González Morales, le Rapporteur spécial des Nations-Unies sur les droits des migrants, a plaidé pour des mesures alternatives, qui sont essentiellement non privatives de liberté, des solutions d’hébergement et de soins de proximité moins restrictives, visant à respecter les droits de l’homme des migrants et à limiter le recours à la détention d’immigrants.

Par ailleurs, nous voulons attirer votre attention sur la nécessité de prendre des mesures urgentes pour accompagner les compatriotes haïtiens bloqués depuis mars aux Etats-Unis et dans d’autres pays. Ils/elles y sont restés contre leur volonté en raison des mesures restrictives pour contrer le COVID-19. Il est de votre responsabilité de faciliter leur retour, tout en appliquant à leur égard les mesures de contrôle sanitaire nécessaire.

C’est quasiment la même situation pour des milliers de migrantes et migrants haïtiens qui se trouvent en République dominicaine. Etant actuellement au chômage, ils/elles ne peuvent pas survivre suite aux mesures de confinement et de couvre-feu mises en place sur le territoire voisin. N’étant pas été touchés par les différents programmes du gouvernement dominicain, ces gens sont en train de mourir de faim. Ils lancent un SOS pour avoir le support de votre gouvernement en vue de rentrer dans leur pays.

Face à toutes ces difficultés auxquelles sont confrontés les migrantes et migrants haïtiens, nous, représentantes et représentants d’organisations de la société civile haïtienne, signataires de cette note, vous adressons les recommandations suivantes :

1. Négocier un moratoire en vue de la suspension des déportations des ressortissantes et ressortissants haïtiens dans le contexte pandémique en provenance des Etats-Unis.

 2. Faciliter le retour en Haïti des compatriotes haïtiens bloqués avec un visa non-immigrant aux Etats-Unis (et éventuellement dans d’autres pays) à cause du COVID-19.

3. Accompagner les migrants haïtiens en difficulté en République dominicaine en facilitant soit leur retour dans le pays ou en les supportant par des programmes économiques via l’Ambassade d’Haïti à Santo Domingo et les consulats.

4. Renforcer la vigilance au niveau de la frontière haïtiano-dominicaine dans le contexte pandémique en vue d’un vrai contrôle sanitaire des personnes qui reviennent du territoire dominicain.

5. Mettre en place des programmes sociaux pour assister les migrant-e-s retournés et les populations frontalières.

Pour authentification _______________________

Angénor Brutus Coordonnateur du GARR

Organisations signataires :

 1. Angénor Brutus, Coordonnateur du Groupe d’Appui aux Rapatriés et Refugiés (GARR)

2. Antonal Mortimé, Co-Directeur Exécutif Défenseurs Plus

3. Jocelyne Colas, Directrice nationale de Commission Episcopale Nationale Justice et Paix, (CEJILAP)

4. Ilfodotte Valcourt, Sant Pon Ayiti

5. Manise Elie, Coordonnatrice du Réseau Frontalier Jeannot Succès (RFJS)

6. Romaine Louis, Òganizasyon Fanm Kreyòl Beladè (OFKB)

7. Pierre Garot Néré, Directeur Exécutif du Collectif des organisations pour la Défense des droits des migrants rapatriés (CODDEMIR)

8. Ansy Nicolas, Coordonnateur de Solidarité Haïtienne de Défense des Droits Humains (SOHDDH)

 9. Jésula Blanc, Coordonnatrice de la Plateforme Genre du Nord-Est (PGNE)

 10. Rouselène Pétion, Mouvman Fanm Beladè (MFB)

11. Samuel Charles, Directeur ai Centre d’Action pour le Développement (CAD)

12. Léo D. Pizo Bien-Aimé, Coordonnateur Général du Centre de Réflexion et de Recherche sur la Migration et l’Environnement (CERREMEN)

13. Samenta Salomon, Association des Femmes dévouées pour le développement de la commune de Belladère (AFDDECB)

14. P. Jean Robert Déry, SJ, Directeur National du Service Jésuite aux Migrants/Solidarite Fwontalye-Haïti (SJM-SFw-Haïti)

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