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Haïti : la démocratie à l’américaine

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Il y aura des conséquences pour ceux qui font obstacle à la formation du Conseil électoral provisoire (CEP) en vue de la réalisation des élections dans le pays, menace l’ambassade américaine. Ce message ne doit en aucun cas constituer une surprise,  vu qu’à tout bout de champ on n’arrête pas de dénoncer  l’ingérence des USA dans la politique intérieure haïtienne.

À travers ce tweet, l’ambassade américaine entend  faire appel au retour à la normale de la démocratie haïtienne. « Une démocratie qui fonctionne bien exige que toutes les branches du gouvernement, y compris le parlement, jouent leur rôle », écrit l’ambassade avant d’inviter les parties prenantes à former un CEP avec des gens intègres et honnêtes.

En réalité, le gouvernement américain a toujours utilisé des mots tendres pour  manifester son ambition de voir ce pays se lancer sur la voie de la démocratie. Mais,  sous cette souplesse se cache une arrogance historique.

Parlant de démocratie, une chose s’impose: l’alternance du pouvoir. Et, cette alternance se fait à partir des élections, c’est-à-dire,  du processus qui mène le peuple à choisir ses dirigeants. Par la voix de la Constitution, la nation définit la manière de procéder sans besoin du diktat, ou de l’ingérence d’une super puissance qui ne s’exprime pas sur la conjoncture du moment. Aller aux urnes implique un minimum: la sécurité aux mandants et la confiance aux candidats. Dans le cas haïtien, ni l’un ni l’autre  n’est garanti, et ce, depuis plusieurs années.

Soulignons que, depuis 2018, le pays vit des jours sombres. Faut-il rappeler que l’exécutif est en butte à de nombreuses accusations, même de faire venir des mercenaires sur le territoire national ? Or, il ne se défend pas et la communauté internationale garde le silence. Il est accusé de générer l’insécurité, de fédérer les gangs, de planifier  des massacres dans les quartiers  populaires, or, l’ambassade continue de soutenir le Président sans réserve.Des situations de pays lock répétées, des manifestants froidement abattus, des innocents tabassés, des civils innocents massacrés, la démocratie n’était-elle pas, jusque-là gravement bafouée? Le CEP dans sa totalité  a jeté l’éponge, toutes les forces vives de la nation n’exigent qu’une seule chose: le départ du locataire du palais national. Compte tenu de tous ces faits réunis et si l’on ajoute à cela  le déficit total de confiance dont le Président est l’objet, pensez-vous que le passage en force changera quelque chose?

 À ce si bon professeur en démocratie (qui a échoué en 1915 et en 2004 !), faut-il  rappeler que la récompense d’un candidat ou d’un parti politique est l’apanage du peuple souverain? Si vous parlez de récompense comme d’une menace de devoir répondre par devant la justice, là encore les lois définissent les sanctions encourues par les délinquants. Quelle que soit la récompense ou la sentence, ce sont soit la justice haïtienne, soit les votants qui auront le pouvoir de décider.

Plusieurs échéances électorales sont passées  conduisant à un vide au parlement et à des agents intérimaires dans les municipalités. Le CEP était encore debout, il n’y avait pas nécessité jusque-là d’imposer le retour à l’ordre démocratique. Aujourd’hui, le chaos s’installe, même la police chargée d’assurer la sécurité nationale est en pleine dérive et corrompue de l’intérieur. Le remède américain à tout ça, ce sont les l’élections. Devons-nous nous préparer à l’intervention d’une nouvelle occupation étrangère, Madame l’ambassadeur? L’opposition et tous ceux qui occupent le macadam suivant le droit constitutionnel, doivent-ils se préparer à des répressions sauvages comme récompense ou à la suppression du visa?

Considérant les dénonciations de l’opposition faisant du gouvernement américain l’allié  inconditionnel  de Jovenel Moïse, ce qui l’empêche de renverser, dit-elle, le système ; considérant la faiblesse  dont fait montre l’opposition par rapport à l’ambassade américaine  au cours de ces trois années de protestation, il est facile de conclure que le dernier mot concernant l’avenir politique d’Haïti a toujours été celui du Blanc. Que l’on soit de l’opposition ou du pouvoir, le mot « récompense » revêt une signification différente.

Sans exagération, les hypothèses sont multiples. La récompense peut être la sanction de l’opposition qui refuse de se courber, tout comme elle peut être les baisers fraternels que celle-ci  recevra  si elle  continue de lancer des appels  à occuper le macadam. La diversion est possible si la communauté internationale maintient son comportement foncièrement raciste à notre égard, comme l’a dit Hubert Deroncerey.  Si l’on se place dans la perspective de la pérennisation voulue du chaos (telle est la politique de l’international depuis des siècles vis-à-vis du pays), ce mot « recommencer » est à prendre au sérieux et doit-nous faire réfléchir.

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