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Haïti, quand l’impunité devient la règle et la justice une exception !

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Depuis plus d’une décennie, la République d’Haïti vit l’un des plus grands moments de crise de son histoire. 35 ans après avoir initié sa transition démocratique, l’État de droit tant rêvé ne voit toujours pas le jour. Avec une justice prise au piège par les pouvoirs politiques, traitée en parent pauvre, et une faiblesse accrue des forces de l’ordre dans le pays, l’impunité est reine et les crimes ne cessent de se répéter. 

Les assassinats, la prolifération d’armes, de munitions et des réseaux criminels tiennent désormais la première place dans le quotidien haïtien. Citoyens ordinaires, juges, bâtonniers de l’Ordre des avocats, professionnels, militants, religieux, personnalités politiques, artistes, médecins, journalistes, présidents en fonction, la menace armée frappe partout, et ne connaît aucune limite. À chaque crime, les cris se multiplient afin de réclamer justice pour les victimes. Cependant, quel que soit le rang de toutes ces victimes, leur sexe, leur couleur de peau, la femme aux yeux bandés est aveugle, sa balance penche du côté des armes, et son glaive est émoussé.

Entre grèves, conflits avec le pouvoir Éxécutif, nominations frauduleuses, manque de moyens techniques et financiers, le système judiciaire haïtien peine grandement à traduire les criminels par-devant la justice. Tandis que les morts s’empilent, et que les prisons débordent, peu de citoyens présumés criminels se retrouvent face à la justice pour répondre de leurs actes. Selon un rapport du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BUNUH) fait au Secrétaire Général de l’ONU en date du 13 juin 2022, la surpopulation carcérale est intolérable, de même que le nombre de détenus en attente de procès. « Au 1er juin, le taux d’occupation global des prisons haïtiennes était de 287,77 %. Les prisons comptaient au total 11 531 détenus, dont 405 femmes, 247 garçons et 19 filles, dont 9 549 (82,81 %) étant en attente de jugement », avait-il précisé.

Les actes criminels se multiplient

L’impunité dont jouissent les réseaux criminels fait augmenter les actes de grand banditisme dans le pays, et ils sont de plus en plus fréquents. Le 24 octobre dernier, aux Cayes, une métropole de la région Sud du pays, le journaliste de la radio Lebon FM Garry Tess, porté disparu depuis le 18 octobre, a été retrouvé mort, sous un pont, avec des traces de violences physiques. Plus tard, le 25 octobre, à Delmas 40-B, le journaliste de Magik9 et du quotidien Le Nouvelliste, Roberson Alphonse, a reçu plusieurs projectiles lors d’une attaque contre sa personne. Le 28 octobre, Éric Jean-Baptiste, candidat aux dernières présidentielles, ainsi que son chauffeur et garde du corps Peterson Vernius ont été assassinés par des individus lourdement armés à Laboule 12. Le dimanche 30 octobre, le journaliste Romelson Vilcin a été tué dans la cour du commissariat de police de Delmas 33, après avoir reçu une bonbonne de gaz lacrymogène à la tête ; et le citoyen Douckenley Dupiche a été mortellement atteint d’une balle perdue à Martissant. Ce même jour, un peu plus loin dans la commune de Tabarre, Auguste Alexis, professeur à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques à Port-au-Prince, a été enlevé et séquestré, de même que l’ingénieur-agronome Anthony Dessources, un dirigent du parti politique Fanmi Lavalas un jour auparavant.

La liste des dernières victimes est longue. Tandis que des familles pleurent leurs morts et leur désespoir, les autorités poursuivent leurs parades, en présentant leurs sympathies sur Twitter. Face à la menace armée, la seule solution envisagée, à savoir une intervention militaire étrangère, semble être incertaine. Tandis que les puissances internationales s’affrontent sur la nature de leur intervention, des chefs de gangs ainsi que des personnalités politiques sont sanctionnés par les États-Unis et le Canada, au moyen d’une interdiction de fouler le sol de l’El Dorado américain, ainsi que de gels de avoirs.

Dans une déclaration du Secrétaire d’État des États-Unis Antony Blinken ce  4 novembre 2022, le Président du Sénat haïtien Joseph Lambert, ainsi que son épouse, ont été sanctionnés par la nation étoilée pour « une importante corruption et une violation flagrante des droits de l’Homme », et d’autres personnalités politiques sont également dans le collimateur. « Cette désignation impose des conséquences pour ceux qui sapent la démocratie par des activités de corruption et des violations des droits de l’Homme », lit-on dans cette déclaration. Tandis que le Gouvernement du Dr Ariel Henry était à son plus bas, le vent semble désormais tourner à son avantage. Des opposants ainsi que des chefs de gangs sont sanctionnés, et le terminal pétrolier de Varreux a été repris par la Police Nationale d’Haïti (PNH). Cependant, la population reste toujours vulnérable face à la menace, sans protections, et surtout sans espoir de justice.

Est-ce que le système judiciaire va enfin reprendre son  bon droit dans l’intérêt même de la société et conclure les nombreuses enquêtes qui se poursuivent sans fin? Il n’est que d’attendre !

Clovesky André-Gérald PIERRE

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