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Intervention du Recteur Jacky Lumarque le 24 février 2023 à l’occasion de la rentrée des étudiants nouvellement admis à l’Université Quisqueya

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Jacky Lumarque, Recteur de l’Université Quisqueya

C’est un très grand plaisir pour moi de t’accueillir à l’Université Quisqueya, en ce jour particulier pour les étudiants nouvellement admis.

Permets-moi cette petite anecdote qui montre comment l’histoire nous poursuit parfois. Tout de suite après la création de l’Université, Jacques Edouard Alexis et quelques membres du Haut Conseil reçoivent la visite d’un jeune homme, qui aspirait à devenir graphiste, avec sous le bras un portefeuille de plusieurs dessins manuels. C’était ton frère Alain, interpellé par l’idée de ce projet universitaire particulier dans notre milieu, venu nous offrir spontanément un ensemble d’options exprimant sa  compréhension de ce que devrait être le logo de cette nouvelle université. C’est comme cela qu’un Paret, aujourd’hui fondateur de Positivis, encore une belle innovation dans notre milieu, est, en quelque sorte, entré dans notre histoire. Vous nous entendrez souvent dire que Quisqueya est une œuvre en fondation continue, où chaque nouveau venu apporte sa pierre, sur le modèle d’une nouvelle civilisation qui s’édifie par accumulation et assimilation des apports de chacun de ses acteurs.

Aujourd’hui, toi Robert, le petit frère d’Alain, tu viens poursuivre le tracé du chemin avec nous. Mais en tant que  représentant d’une institution financière qui se signale par son caractère distinctif : le Groupe ProFin dont tu es le président. J’espère que ce premier contact sera suivi de beaucoup d’autres visites qui seront une source d’inspiration pour nos étudiants, par ta fascinante personnalité, ton extraordinaire parcours professionnel, ton dynamisme, ta puissance de travail hors du commun, ton charisme et surtout ta générosité.

Tu as commencé ta carrière professionnelle alors que tu avais à peine 18 ans ! Tu as rejoint en effet la Citibank en juillet 1990, puis tu es parti la même année en France, à l’Université de Rouen en Haute Normandie  pour y effectuer des études en Sciences économiques ! Cela n’a pas traîné.

Tu reviens en Haïti 5 ans plus tard, avec une Maîtrise en Sciences économiques, spécialité Monnaie et Finance. Tu acceptes la proposition de la Unibank de devenir immédiatement officier de crédit et, en avril 2001, en pleine trajectoire d’une carrière montante, tu quittes la UB pour la Sogebank pour y devenir rapidement Directeur du Crédit aux grandes entreprises. À peine 29 ans ! En décembre 2007, tu es promu Directeur Général Adjoint de la Sogebank.

En 2013, fatigué de faire des choses ordinaires, tu affrontes un nouveau défi en créant ProFin, avec comme inspiration motrice cette idée de « Faire la Finance autrement ».

ProFin pénètre rapidement dans le cercle restreint des institutions financières haïtiennes en devenant l’une des toutes premières sociétés de promotion des investissements agréée par la Banque de la République d’Haïti. Cette Société est depuis le 7 mars 2016 habilitée à assurer l’offre de valeurs mobilières au public. Vous mettez rapidement en place toute une infrastructure de portefeuilles de placement ; vous organisez des ateliers sur l’investissement, des forums vulgarisant les notions financières et  vous conseillez diverses entreprises de la place dans l’émission de titres ou dans des montages financiers complexes.

Mais, surtout, il y a un volet dans l’innovation dont vous êtes porteur que je préfère te laisser développer toi-même : c’est l’inclusion financière, facteur essentiel dans la lutte pour éliminer la pauvreté et promouvoir une croissance économique partagée.

Il me semble que vous êtes déjà bien parti pour devenir rapidement un levier d’innovation financière «low cost », et au-delà, d’innovation financière frugale, c’est-à-dire une nouvelle approche faisant appel à l’ingéniosité, recherchant la qualité avec le minimum de ressources et restant connecté au plus proche des besoins des consommateurs. Les Haïtiens, dans certains domaines tels que l’art et l’artisanat, sont déjà passés maitres dans l’art de l’innovation frugale. La voie est tracée.

La vision dont vous êtes porteurs nous rappelle qu’il est possible de faire de la finance en Haïti, non pas seulement pour s’enrichir soi-même, mais pour devenir partie prenante d’une nouvelle pensée d’affaires, orientée vers la modernisation de nos structures, le progrès de notre société mais aussi et surtout le bien-être de tous les Haïtiens.

Ici, à l’université où nous avons fait le choix de la promotion de la connaissance, de la culture et des valeurs morales, nous sommes témoins et nous en prenons acte, des balbutiements au sein de notre secteur privé exprimant le désir de faire les choses autrement.

Pendant des décennies, politiciens et hommes d’affaires se sont coalisés, mais d’une façon éhontée depuis ces dix dernières années, pour faire de Haïti l’enfer qu’il est aujourd’hui pour la majorité des Haïtiens en particulier les pauvres. Sans lendemain apparent ; sans horizon perceptible. Sans espoir pour notre jeunesse qui ne voit son avenir que loin, loin du terroir.

Qui restera sur place ?

D’abord ceux qui n’ont pas le choix, s’ils n’ont nulle part où aller.

Resteront aussi sur place ceux qui, comme toi, Robert, ont choisi de rester.

Pour se battre.

Dans un nouveau combat.

Le combat d’une femme d’affaires, d’un homme d’affaires aujourd’hui, est certes pour continuer à créer de la richesse, mais aussi et surtout pour reconnaître que, sur le chemin tracé vers le progrès économique et social,  il y a des stops.

Oui. Stop. S.T.O.P.

Mwen pa di Ralenti non. STOP. Arrêt complet.

STOP à la corruption.

STOP à la dilapidation des biens de l’État en complicité avec les politiciens.

STOP au bras dessus, bras dessous avec les gangs.

STOP à l’évasion et à la fraude fiscales.

STOP au mauvais traitement des employés et à la violence sexuelle sur les lieux du travail.

Ici, à l’université, nous encourageons et  nous sommes prêts à accompagner cette prise de conscience que c’est le moment de commencer à faire les choses autrement. Chacun à son niveau propre. Comme un citoyen modèle. Mais aussi dans une action collective pour moraliser la vie publique et le secteur des affaires, promouvoir une croissance économique durable et partagée, et démanteler le système d’apartheid économique et social responsable en partie de l’enfer « insécuritaire » qui tend à faire de nous des esclaves de nous-mêmes.

Donc, rester sur place pour se battre.

Se battre  seul. Oui. Seul.

Rappelez-vous, les combats les plus importants gagnés par les Haïtiens l’ont été à contre-courant de l’histoire mondiale. Nous avons mené ces combats dans le sens des discours qui valorisent l’humain, en prenant au mot leurs auteurs, mais à contre-courant des pratiques qui ne s’alignent jamais sur les discours de générosité.

C’est ce qui explique pourquoi, encore aujourd’hui, les Haïtiens sont plus seuls que jamais.

Il n’y a qu’un chemin. Nous mettre ensemble. Coaliser nos forces, nos énergies  et nos talents.

Je ne vais pas plus loin dans mon introduction, laissant le soin à notre invité d’honneur de se présenter à vous, et de partager avec vous ses réalisations et sa vision de la nouvelle façon de faire des affaires en Haïti, en prenant la finance comme moteur de développement économique et social.

Chers étudiants, vous avez devant vous un homme exceptionnel qui voit loin et qui réussit tout ce qu’il entreprend. Comme vous l’avez appris au cours de votre semaine d’intégration, l’Université Quisqueya est née de la rencontre heureuse entre des universitaires et des hommes d’affaires qui ont cru en la possibilité de créer une institution privée d’enseignement supérieur et de recherche, remplissant une mission de service public, à but non lucratif, sans affiliation politique, ni appartenance religieuse.

Au fil des années, en dépit des lourdes conséquences du séisme du 12 janvier 2010, Quisqueya est devenue l’une des universités de premier choix en Haïti, réputée pour son dynamisme, la qualité de sa formation et la place d’excellence qu’elle occupe dans le domaine de la recherche et de la formation à la recherche.

Si je mentionne ici la naissance de l’Université Quisqueya, c’est pour souligner son profil entrepreneurial dès le début. C’est son ADN ! Nous avons créé un incubateur universitaire le 1er octobre 2021, puis conclu un accord de partenariat avec la Chambre Franco-Haïtienne de Commerce et d’Industrie le 6 juillet 2022 et enfin un accord a été signé le 15 février dernier avec la Digicel comme sponsor pour la communication.

ProFin et l’Université Quisqueya ont vocation à travailler ensemble, j’en suis persuadé. La présence de Monsieur Paret parmi nous aujourd’hui atteste l’intérêt qu’il manifeste à notre Université et à vous chers étudiants nouvellement admis !  Je l’en remercie vivement et lui passe sans plus tarder la parole.

Jacky Lumarque

Recteur de l’Université Quisqueya

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