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Jean Dorcely Dede, un artiste de 82 ans qui continue de chérir sa passion

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Jean Dorcely Dede, peintre, comédien et écrivain, est un artiste qui se veut un père pour ses protégés, ces jeunes talents qu’il prend sous ses ailes au centre de « Sosyete Koukouy » qu’il a instauré en Haïti en 1996. Depuis son retour dans le pays, le « samba » de 82 ans ne fait que profiter de son art. Découvrons ce grand personnage qui continue de marquer de son empreinte l’art haïtien.

Jean Dorcely Dede voit le jour en 1941 à la Plaine du Cul-de-Sac, dans une modeste famille de paysans. Fils unique de sa mère, il grandit au milieu des siens dont la plupart ne savent ni lire ni écrire, et qui pratiquent le vaudou comme religion. Tôt dans cet environnement fortement spirituel, il découvre sa passion pour l’art, notamment le dessin dans lequel il s’exerce avec passion. « Dès mon plus jeune âge, je savais que j’avais du potentiel en dessin et que je voulais devenir artiste », se rappelle le peintre de 82 ans.

À la fin de ses études au Lycée Toussaint, il intègre le Centre d’Art pour découvrir la peinture durant moins de deux ans. Il rejoint après un centre culturel à Carrefour où se rencontrent intellectuels et artistes partageant leur passion commune pour l’identité culturelle haïtienne. En 1968, fort de son talent, il réalise sa première exposition à l’Institut Français d’Haïti, sous le thème, « A la recherche de la peinture moderne haïtienne », qui s’avère un grand succès. Deux ans plus tard, il récidive de plus belle à l’Institut Haïtiano-américain. Jamais deux sans trois, il réalise une nouvelle exposition au Bicentenaire, plus précisément à la Chambre de Commerce d’Haïti, en 1976, à l’occasion du bicentenaire de l’Indépendance américaine. Une dernière prestation qui attire les faveurs de l’Ambassade des États-Unis en Haïti, grâce auxquelles il participe à plusieurs expositions sur le sol américain, notamment à Washington et à Harvard University.

Malgré les débuts d’une carrière annonçant les couleurs, le jeune peintre de l’époque, va observer une longue période de répit, quand il décide de s’installer à Miami. « J’ai passé environ 17 ans sans utiliser un pinceau. J’avais presque abandonné cet art », confie Jean Dorcely Dede, dans une interview accordée à Le Quotidien News. À en croire ses mots, il ne pouvait pas exprimer son art dans l’environnement dans lequel il évoluait aux États-Unis.

S’il n’arrive pas à pratiquer  à l’étranger son premier métier de cœur qu’est la peinture, Dede trouve en revanche un doux refuge dans le théâtre qu’il a appris au Conservatoire national d’art dramatique. Jean Dorcely Dede, professeur d’art dramatique, chérit de beaux souvenirs dans le théâtre. Il a su convaincre le grand dramaturge haïtien, Nono Numa, de sa maîtrise du jeu de la scène. Dans la pièce Anacaona, reine martyre, il a joué le rôle du grand prêtre qui, au préalable, devait être interprété par un autre comédien qu’il a remplacé. Cela a été l’une de ses prestations les plus marquantes. Et c’est d’ailleurs, cette prestation qui lui a permis d’obtenir le rôle de Don Diègue dans la réadaptation en créole  de « Le Cid »  de Pierre Corneille. Après quoi, Dede, comédien passionné, est apparu dans plusieurs autres pièces interprétées ici comme ailleurs.

Jean Dorcely Dede revient en Haïti en 1995, après 17 ans à l’extérieur, avec l’enthousiasme de reprendre goût aux pratiques de l’art, notamment la peinture qu’il avait mise au placard. Un an après son retour, il instaure dans sa ville Sosyete Koukouy, un mouvement visant à valoriser le créole haïtien. Dans ce centre, il se plaît à partager son savoir artistique avec les jeunes qu’il prend sous ses ailes, les initiant à l’art de manière bénévole. Il en profite aussi pour réaliser des œuvres sortant de l’ordinaire. « Étant un peintre surréaliste, j’adore transformer la réalité », affirme Jean Dorcely, qui exposera des dizaines de tableaux sous des thèmes qui lui sont chers comme « Ici commence la vie », « le modernisme » et « fanm gwòs ». Pour lui, la peinture représente beaucoup de choses, il croit que l’humanité doit la connaissance de son histoire en grande partie à l’art.

 “Pise nan rèv

 Nanpwen bagay dous konsa

 Men lè w reveye  lè maten

 Fò w pa fache si yo rele w pisannit’’

Jean Dorcely Dede est en outre un écrivain, un poète qui aime à caresser les mots pour en faire de belles rimes. Si l’auteur de « Òfeliz » a découvert tôt sa passion pour l’écriture, ce n’est que récemment qu’il a commencé à rendre public ses vers dignes de son talent. En effet, il a publié son premier ouvrage, un recueil de poésies intitulé « Zwing », paru en 2013

“Gen yon koulèv k ap ekri memwa l

 Li di depi l koulèv l ap ranpe

 Men lè l rive isit

 Li sezi wè politisyen ranpe pase l’’

Composer des petits textes avec ce genre de punchlines, est l’un de ses principaux passe-temps. En dix ans, il a déjà publié 22 recueils de poèmes, de nouvelles et de romans. Il est en train de préparer la sortie de nouveaux titres. « J’ai failli rater le train de l’écriture, dit l’auteur de ‘’Apye pou meksiko’’. J’ai écrit tellement de textes, sans savoir si j’aurai le temps de tous les publier », s’inquiète le ‘’samba’’ créole, avec un air rempli de satisfaction.

En somme, le brillant artiste aux cheveux gris s’assoit confortablement au carrefour de l’art, où il échange passionnément avec la peinture, le théâtre, et l’écriture. Âgé de 82 ans, il se veut un père pour ses protégés, ces jeunes talents qu’il prend sous ses ailes au Centre de ‘’Sosyete Koukouy’’. Du haut de son âge, il continue de marquer de son empreinte l’art contemporain haïtien.

Statler LUCZAMA

Luczstadler96@gmail.com

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