sam. Déc 21st, 2024

Le Quotidien News

L'actualité en continue

Jean-Jacques Dessalines, plus qu’une pierre dans la construction de la première République noire du monde !

8 min read

Homme discipliné avec un fort caractère, Dessalines est le père de la Nation haïtienne. Commandant de l’armée indigène, engagé dans la lutte pour l’Indépendance d’Haïti, il s’est donné corps et âme dans cette bataille décisive. Premier chef d’État haïtien, il a combattu avec toute la force de son cœur pour arriver à réaliser l’une des plus grandes et des plus significatives révolutions de l’histoire de l’humanité.

Venu au monde sur la terre d’Haïti, le 20 septembre 1758, Jean-Jacques Duclos, de son nom de baptême, a fait ses premiers pas sur l’Habitation d’Henri Duclos à la Grande Rivière du Nord. Selon certains historiens, la génitrice du premier chef d’État haïtien serait morte quelques temps après son accouchement. Avant de passer de vie à trépas, elle aurait confié son bébé à Victoria Montou, une guerrière, à laquelle elle demanda d’élever son enfant de manière à ce qu’il sache se battre en lui apprenant le goût de la liberté.

Connue sous le patronyme de Grann Toya, Victoria Montou était l’une des esclaves de l’Habitation Duclos et travaillait dans les champs. Elle était très attachée au petit garçon travailleur et entêté qu’était Jean Jacques. Elle l’éleva avec rigueur et tendresse. Talentueuse guerrière, Grann Toya, lui enseigna comment se battre au corps à corps et comment lancer un couteau sans manquer sa cible. Jean-Jacques était très attaché à cette tante qui lui répétait incessamment qu’il faut toujours se battre pour les causes justes et pour la liberté !

Comme la plupart des esclaves de Saint-Domingue (Haïti), Jean-Jacques travaillait durement dans les champs de l’Habitation Duclos, populairement appelé : « habitation Vye Kay ». Observant tous les faits et gestes des colons, mesurant leurs méchancetés face à ses semblables et pris d’une grande rage quand il  voyait la souffrance de sa tante, unique membre de sa famille, il commença très jeune à se poser des questions sur le pourquoi et le comment de l’esclavage. Et très tôt, il se dit qu’il  fallait l’éradiquer peu importe ce que cela  pouvait coûter.

De Jean-Jacques Duclos à Jean-Jacques Dessalines

À l’époque coloniale, les esclaves étant considérés comme les propriétés de leurs maîtres ne possédaient pas d’acte de naissance. Ils adoptaient tout simplement le nom de leurs propriétaires. Étant esclave de Duclos, le futur Empereur portait le nom de ce dernier, d’où sa première appellation. Jean-Jacques était un esclave rebelle bien que travailleur. Sa rébellion lui laissa des cicatrices sur la peau et dans l’âme. Il fut marqué dans sa chair par les fouets et les bastonnades.

Ne pouvant plus supporter l’entêtement de son esclave, Duclos décida de le vendre à un Noir libre. L’histoire ne retient pas l’année de son départ de l’Habitation Duclos, mais on suppose que Jean-Jacques approchait un peu de la trentaine. Installé dans son nouveau foyer, Jean-Jacques, devenu, entre-temps, Jean-Jacques Dessalines, était charpentier sur l’Habitation Des Salines. Sur cette habitation, il reçut des traitements plus humains, raison pour laquelle il garda ce patronyme même après l’Indépendance.

Son empreinte dans la révolution haïtienne

Il est impossible de parler de la révolution haïtienne sans parler de la cérémonie du Bois-Caiman, qui a été l’élément déclencheur de cette révolution. En effet, tout a éclaté le 14 août 1791, lors de la cérémonie du Bois-Caïman où les esclaves ont décidé de prendre leur destin en main et de choisir la liberté envers et contre tout. Cette cérémonie vaudou  coordonnée par Dutty Boukman et François Biassou eut lieu dans la plaine du Nord. Dessalines rejoignit alors les troupes des esclaves et s’engagea dans la lutte pour la liberté. Comme convenu, dans la nuit du 22 au 23 août, la colonie de Saint-Domingue était en flammes. Les plantations du Nord incendiées, un millier de colons tués, c’était le premier soulèvement général des esclaves.

Dessalines, grâce à son sens de la responsabilité et son indiscutable discipline, figure parmi les personnages les plus importants de la lutte pour l’Indépendance. Son influence sur la bataille de l’Indépendance a été très grande et son empreinte indélébile. Reconnu comme un grand stratège, Dessalines a usé de son intelligence militaire pour mener à bien la lutte. Il s’engagea et s’impliqua dans la bataille dès 1791. Déjà, il possédait les aptitudes et la discipline d’un guerrier,  l’héritage de Grann Toya. Mais le plus important, c’était dans ses veines  la rage de vaincre, la rage d’être libre et c’est cela qui l’a motivé!

Il a commencé à combattre dans la troupe de Toussaint Louverture au côté d’Henri Christophe en 1794. Toussaint avait une grande estime pour Dessalines et ne tarda pas à le placer au rang de commandant de régiment et de colonel en 1795, puis de général de brigade en 1799. Après la déportation du précurseur de l’Indépendance, Toussaint Louverture, Dessalines prit les rênes de la révolution. Il mena à bien plusieurs batailles décisives.

Il utilisa des stratégies incroyables contre l’armée française. Il était le commandant en chef accompagné de Louis Daure Lamartinière, lors de la bataille de la Crête-à-Pierrot, contre l’expédition Leclerc venue de France. Dessalines et tous les esclaves de Saint-Domingue décidés à arracher leur liberté des griffes de la métropole se sont donnés corps et âmes dans la bataille de Vertières, le 18 novembre 1803. L’armée indigène commandée par le général Dessalines et François Capois, assistée par de nombreux femmes et hommes volontaires, a remporté la bataille décisive face à l’armée de Donatien Rochambeau. Ce fut la dernière bataille dans le cadre de la guerre de l’Indépendance.

Et le 1er janvier 1804, aux Gonaïves, Jean-Jacques Dessalines proclama l’Indépendance d’Haïti. Dessalines rebaptisa la terre Haïti, en mémoire de ses premiers habitants, les indigènes. C’était la naissance d’une nation, la naissance de la première République noire indépendante du monde. La proclamation de l’Indépendance fut célébrée de manière vibrante et connut une grande résonance partout dans le monde ! Dans un discours en un créole poignant, Dessalines dit haut et fort qu’il fallait couper les ponts avec le système esclavagiste, colonialiste et raciste et préserver même au prix fort l’Indépendance durement acquise. Dessalines et ses principaux généraux signèrent l’acte de l’Indépendance d’Haïti et déclarèrent l’abolissement du régime colonialiste et esclavagiste sur les terres d’Haïti. Un nouvel air soufflait sur Haïti !

Le gouvernement de Dessalines et sa mort

Après la proclamation de l’Indépendance d’Haïti, Dessalines fut désigné Gouverneur général à vie d’Haïti par les principaux officiers de l’armée indigène. Ce choix fut approuvé par la population et peu de temps après, il fut couronné Empereur de la République naissante par le père Jean-Baptiste-Joseph Brelle, dit Corneille Brelle. Devenu entre-temps Jacques 1er, le premier Empereur de la République d’Haïti avait une vision assez large du monde, voulait le bien pour la Nation et préserver la liberté à tout prix ! Il pratiquait une politique de souveraineté nationale, de justice sociale et prônait la prospérité nationale.

Grâce à son intelligence, sa discipline et son sens de la responsabilité, Dessalines prit un ensemble de mesures pour maintenir l’Indépendance et établir l’égalité entre les sujets. Ce sont ces ensembles de mesures qui ont occasionné sa mort, deux ans après l’Indépendance. Jacques 1er avait pris des mesures rigides qui rendirent mécontents les hauts fonctionnaires. Les mulâtres réclamaient les terres de leurs pères, alors que les Noirs réclamaient ces mêmes terres, mais Dessalines décida que toutes les terres étaient la propriété de l’État et interdit les propriétés privées, sauf si le propriétaire était Haïtien.

Cela provoqua des polémiques surtout dans le Sud du pays. Les gens du Sud se soulevèrent contre l’Empereur. Il prit connaissance assez tard du complot et de la trahison de ses plus fidèles sujets. Alors qu’il se préparait à entreprendre une réforme agraire dans l’intérêt des fils de la Nation qui ne possédaient pas encore de terres, il fut assassiné le 17 octobre 1806 à Pont-Rouge.

Cela fait 215 années que l’empereur a été assassiné. Aucun progrès n’a été fait en matière de droits humains. Aujourd’hui encore, il existe cette même polémique pour le pouvoir, les inégalités ne sont que plus frappantes et plus criantes, la Nation ne fait que tourner sur elle-même comme une toupie, en répétant les mêmes erreurs du passé. Il n’y a plus d’union, il n’y a plus de Nation. Le système politique du pays est en ruines, la société est aux abois, les fils et les filles de la Nation périssent sous le poids de la misère et de l’insécurité.

La vision de Dessalines est restée au stade de l’abstraction. Rien n’a été fait pour la concrétiser. Le héros national, le père même de la Nation avait une vision qui certes a été tuée au Pont-Rouge en 1806, mais 215 années plus tard, rien n’a été fait pour ressusciter ses aspirations et donner vie aux efforts qu’il a consentis pour nous donner la liberté. Aujourd’hui, nous devons nous poser une question : Continuerons-nous à assassiner Dessalines tous les jours par nos actions ou allons-nous nous rebeller en prenant notre destin en mains, comme nos ancêtres l’ont fait lorsque la situation était invivable ? Dessalines ne s’est jamais résigné à vivre sous le régime de l’esclavage. Maintenant, il est temps de prouver que nous sommes réellement les fils et filles de la terre d’Haïti !

Leyla Bath-Schéba Pierre Louis

Pleyla78@gmail.com

Laisser un commentaire