La campagne de l’intimidation!
3 min readLes affrontements entre gangs armés dans la Plaine du Cul-de-Sac engendrent un lourd bilan. Plus de 148 personnes ont été tuées dans des conditions de cruauté inouïe, entre le 24 avril et le 6 mai 2022, selon le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). Les maisons rapportées incendiées avoisinent la centaine. Environ 9000 familles ont dû fuir en catastrophe leur domicile. En l’espace d’une dizaine de jours, la terreur s’est abattue sur le Nord de Port-au-Prince.
Une semaine plus tard, la population continue de vivre avec la peur au ventre. Les menaces sont systématiquement présentes. Le gang « 400 mawozo » menace de revenir en force. Ce, sans délai. Parallèlement, la Police Nationale d’Haïti (PNH) laisse planer le doute sur sa capacité à protéger la population impuissante qui doit assister ses proches massacrés à coup de machette, criblées de balles, jetées dans des latrines et des puits. Comme ce fut le cas dans presque tous les quartiers populaires victimes de massacres, la plupart des cadavres (ceux qui n’ont pas été jetés) sont carbonisés.
Le scénario qui s’est produit dans les différentes zones de la Plaine, rappelle les actes barbares commis en novembre 2018 à La Saline. Lors de ce massacre, les dépouilles des pauvres assassinés et décapités étaient laissées aux porcs et leurs maisons incendiées. Cette situation fait également songer aux différents carnages de Bel’air, où des personnes âgées ont été brulées vives chez elles. Elle est également la reproduction de ce qui se passe depuis bientôt11 mois à Martissant. Tant que les autorités se montreront indifférentes à ce phénomène, les carnages vont probablement se poursuivre de quartier en quartier sans faire d’exception.
Deux semaines avant, la population qui habitait tranquillement la Plaine du Cul-de-Sac ne s’imaginait pas qu’elle pouvait être l’objet d’un si cruel carnage. Elle s’est fait prendre au piège des civils armés qui sèment impunément la terreur dans tous les recoins du pays. À la vérité, il est difficile d’indiquer à qui profite cette insécurité cautionnée par les autorités qui, de fait, ne font pas vraiment assez d’effort pour corriger la situation.
En ce qui a trait à ces homicides à répétition, l’État haïtien depuis quatre ans est aux abonnés absents. Il est facile de compter sur les doigts de la main le nombre d’opérations policières qui ont été réalisées pour combattre ce fléau et ses commanditaires. Depuis l’avènement de l’équipe actuelle au pouvoir, ces actes de barbaries sont rarement condamnés officiellement. Des organismes des Droits Humains et l’ONU notamment, déplorent et dressent des bilans controversés alors que l’État se mure dans son silence. À première vue, les autorités donnent à penser qu’elles ne se sentent pas dérangées par cette situation troublante et inhumaine.
Dans un contexte où l’exécutif fixe comme objectif la réalisation des élections contre vents et marées, aucun signe ne montre que la population souhaite réellement aller de l’avant pour atteindre ce but. La création d’un climat sécuritaire stable, obligatoire pour l’atteinte de ce rêve, est le cadet des soucis des hommes au pouvoir, paraît-il. Pendant dix mois, ils n’ont fait que se comporter en spectateurs. Aucune mesure n’est prise pour assurer, dans le bon sens, la continuité de l’État.
Un fait est certain, et le RNDDH le précise dans son rapport, que la Police nationale n’est pas au-dessus de tout soupçon. Ainsi, recommande-t-il la dépolitisation de l’institution policière qui, selon des dénonciations courantes, a tendance à appuyer, en situation de conflit inter-gang, un groupe par rapport à un autre. Qu’il s’agit de simples dénonciations ou de faits réels, l’État haïtien a du pain sur la planche. Pour pallier cette situation, il doit suspendre le règne de l’impunité en mettant fin à la protection des bandits, anéantir le trafic d’armes et de minutions et enquêter sur les policiers qui sont de mèche avec les gangs, comme l’exige l’organisme des Droits Humains, RNDDH.
Daniel SÉVÈRE