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La fuite des cerveaux d’Haïti : un phénomène qui s’amplifie

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La crise haïtienne s’étend avec la plus grande évidence qui soit. Proportionnellement à cette crise, la fuite des cerveaux se manifeste ces derniers temps comme une réalité qui grandit de plus en plus. Si ce phénomène fut bel et bien réel dans le pays, il devient aujourd’hui un phénomène qui se manifeste de façon  récurrente en Haïti.

Des professionnels, des intellectuels chevronnés, des étudiants,  des scientifiques qui auraient pu être utiles à Haïti, toute une panoplie de « belle tête » font tout ce qu’elles peuvent pour fuir le pays. Les raisons sont diverses. Parfois c’est à cause de l’insécurité ; parfois aussi c’est à cause de la vie chère. Mais les Haïtiens qui sont formés dans un pays qui n’offrent rien, font tout ce qui est dans leur pouvoir pour ne pas rester en Haïti. Ce phénomène, bien évidemment, atteint son paroxysme ces derniers temps. Les jeunes et les vieux, s’ils n’ont pas résolu à fuir, le pensent incessamment.

Un pays invivable        

Les problèmes en Haïti sont aussi diverses qu’ils sont complexes. Passant par l’insécurité pour arriver à la vie chère, la terre haïtienne repousse systématiquement ses enfants. Par rapport à la crise qui sévit en Haïti, la solution la plus envisageable pour les Haïtiens est de fuir leur pays. « N’importe quand on peut être kidnappé ou tué par une balle dont on n’a même pas été la cible au préalable. Je suis vieille, mais je ne conseille pas à un jeune de rester dans ce pays mangeur d’homme. Car Haïti est un pays invivable, »  a dit froidement Jolette (nom d’emprunt utilisé pour préserver l’identité de la personne concernée) une septuagénaire qui vit à Delmas 19 et qui a l’habitude de voir ses proches tués par balles.

Les jeunes Haïtiens qui vivent en Haïti, ne sont pas épargnés de cette tendance à la complainte. Quand ils ne craignent pas pour leurs vies, ils envisagent de laisser Haïti parce que « ce pays ne leur offre rien ». Mackenson Louis Jean, jeune enseignant de 21 ans a confié au journal: « La seule façon de réussir sa vie, est de laisser Haïti derrière soi »,

Rester ou mourir

Beaucoup de cerveaux qui fuient Haïti, le font à contre cœur. Ils le font, comme la « logique » l’exige, pour essayer de sauver leurs peaux constamment menacées par la terreur. Ainsi, une alternative se dresse devant cet Haïtien qui est formé pour servir son pays : rester ou mourir.

La dernière vague de l’insécurité qui  a engendré la mort du docteur Mackindi Guerrier, témoigne de cet état de fait. L’assassinat du professeur Patrice Dorénencourt n’en est pas moins illustratif. En effet, les intellectuels haïtiens qui font partie, pour la plupart de la classe moyenne, sont sujet de l’insécurité.  Par conséquent, ceux qui partent pour aller ailleurs le font pour éviter de mourir.

« Un choix difficile »

Quitter Haïti pour aller ailleurs n’est pas toujours un choix de cœur pour tous. Certains le font contre leur volonté et contre leur amour propre même. Jocelyne Clairesaint qui se dit préoccupée par la situation d’Haïti, témoigne : « si les grands pays qui connaissent l’importance des personnes formées accueillent les cadres haïtiens, ces derniers ne sont pas pourtant les bienvenus. Laisser son pays pour aller vivre ailleurs est un choix difficile. » Cette Haïtienne qui vit au Canada depuis les années 70, connait bien la situation : « on est souvent victime de racisme systémique qui nous empêche de nous sentir chez nous ».

Quand on fait le choix de laisser son pays derrière soi, selon Fritzie Duval vivant aussi au Canada, nous pouvons faire face à la détresse et la dépression. Cette femme de parents immigrés haïtiens, se met à la peau de ceux  qui laissent Haïti pour aller ailleurs.

Ezéchiel Germinal qui vit en Turquie depuis cette année pour ses études, connait bien ce choix difficile.  « Ma famille se sent mieux parce que je suis loin d’Haïti. Mais s’il y avait de la sécurité dans le pays, je ne l’aurais pas laissé. Même s’il n’aurait pas de travail, j’aurais créé quelque chose quand même. »

« Même si je suis bien accueilli, j’aurais été plus à l’aise dans mon pays » se désole John Sterolein Vallon, étudiant en Histoire au niveau de la maîtrise qui est déterminé à poursuivre ses études pour aider au mieux qu’il le pourra,  ce pays réduit en cendres.

Jeune spécialiste en génie civil, Marc-Ansy Laguerre assure qu’il a tout droit fait face au choc culturel lorsqu’il a exécuté son choix d’étudier aux États-Unis.  Toutefois, il affirme qu’il a bien fait l’expérience avec d’autres cultures. Mais par-dessus tout « il se sent préoccupé par la situation d’Haïti qui pour lui, avance de mal en pire ».

La nostalgie qui exige

Laisser le pays pour aller vivre ailleurs a une conséquence sur ceux qui font ce choix difficile. La plus grande conséquence reste la nostalgie. Ezéchiel « aimerait bien retourner en Haïti pour retrouver sa famille et ses amis, mais le moment, dit-il, n’est pas favorable ».  Il faut, selon lui, que le problème de la sécurité soit résolu.

Ansy n’est pas trop loin de cette réalité. En revanche, « il aimerait bien partager ses compétences avec le pays,  mais les conditions actuelles ne sont pas favorable à son envie ».

L’État doit, par conséquent, répondre au besoin de la population. Il doit créer un terrain où l’Haïtien se sent à l’aise. Un terrain qui, selon Fritzie, doit se pencher sur les avantages sociaux. « Mais nous devons avoir des dirigeants qui ont la compétence », d’après Jocelyne.

Pendant ce temps, Haïti ne finit pas d’être sous l’emprise de la misère la plus extrême. Ce pays qui expulsait déjà ses enfants, devient définitivement un pays invivable pour ses fils et filles. Et par conséquent les cerveaux fuient !

Jonas Reginaldy Y. DESROCHES

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