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La gourde de nouveau en chute libre après les efforts de la BRH

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Après les dizaines de millions de dollars  injectés sur le marché haïtien pour freiner la dépréciation de la gourde, celle-ci connaît de nouveau une forte et rapide dépréciation. Entre les deux mois de crise du carburant, une production nationale à son plus bas et les requins de la finance, la monnaie nationale est à genoux, et l’agonie se poursuit.

De 129.0846 gourdes pour un dollar américain le 5 novembre 2022, le taux de référence de la BRH est passée à 132,6753 gourdes le 12 novembre. En huit jours, le dollar a gagné plus de trois gourdes à l’affichage, mais les compteurs s’affolent sur le marché informel avec un taux qui courtise les 160 gourdes pour le dollar. Les images et sons de la crise monétaire parlent d’eux-mêmes : ruée à la banque, longues files d’attente, limitation des retraits de dollars des comptes d’épargne. Deux mois au cours desquels tous les efforts des autorités monétaires se sont révélé vains, la gourde ne s’est point relevée.

Les réactions précitées sont celles qui témoignent d’une économie au bord de la ruine. Les acteurs économiques cherchent beaucoup plus à effectuer des retraits que des dépôts, les rats veulent à tout prix abandonner le navire. Et avec une tendance accrue d’épargner plus en dollars qu’en gourdes, la demande en dollars auprès des banques commerciales et autres institutions financières est forte, et elle gagne vite en valeur. Pour l’économiste Djim Guerrier – contacté par Le Quotidien News­, – les manipulations du taux de change par les banques commerciales au moyen du secteur informel desservent la gourde, le dollar s’y vend à un taux supérieur à celui de référence.

Selon lui, la spéculation négative pousse tous les acteurs à vouloir garder le plus de dollars possible. « La crise arrive, le prix du dollar va augmenter, alors autant en garder le plus possible ». Une politique des banques commerciales pour y parvenir, limiter les opérations de retraits en dollars de leurs clients. « Les banques commerciales ont fixé la limite pour les retraits à cent dollars par client. C’est un signe très clair qui montre que les banques veulent garder le plus de dollars que possible, et à tout prix », explique-t-il.

À une production locale faible, une gourde tout aussi faible

Il est généralement admis chez les économistes que la production nationale est garante de la valeur de la monnaie locale. Depuis quelques décennies, le niveau de la production haïtienne ne cesse de baisser, et la gourde  avec elle, l’importation renforce le dollar, le peso dominicain et les autres monnaies des pays exportateurs. Ces deux derniers mois, la crise du carburant a accéléré le processus. « À cause de la crise, la production locale s’est affaiblie davantage. Tant que le pays aura une faible production nationale, sa monnaie sera dévaluée par rapport aux autres monnaies, dans notre cas par rapport au dollar », explique le professeur Djim Guerrier.

Les injections de devises ne peuvent pas remplacer les activités de production, selon l’économiste. « La Banque centrale l’admet, ce sont des mesures à effets immédiats, et ils sont de courte durée », fait-il savoir. « Ces dernières mesures se sont révélées d’autant plus inefficaces que, quelques semaines après, il y a eu cette crise qui a tout chamboulé », ajoute-t-il en précisant que les grands acteurs économiques du secteur privé récupèrent les devises, et l’économie réelle en est privée. « La récurrence de cette mesure fait qu’elle ne marche plus. Les acteurs économiques, surtout les banques commerciales les anticipent, et l’économie devient insensible par rapport aux injections ».

Une alternative, injecter les liquidités directement dans l’économie réelle, à travers des secteurs clés comme l’agriculture ou dans l’industrie de transformation, mais elle serait encore plus dangereuse selon l’économiste : ce n’est pas la mission de la BRH. « Ce serait là une politique plutôt budgétaire que monétaire », prévient-il. Si la politique économique de l’État se risquait à de telles manœuvres, ce serait le symbole de sa défaillance parce que cet État financerait ses entreprises nationales avec une monnaie différente de la sienne, ce serait reconnaître l’infériorité et la faiblesse de sa monnaie.

Créer une nouvelle monnaie non plus ne présente pas de meilleure garantie. « Créer une nouvelle monnaie nationale ne changera rien,  elle sera toujours dépréciée. Le problème n’est pas de quelle monnaie est-ce qu’il s’agit, mais le problème réside dans la structure de l’économie elle-même et dans l’incapacité de l’État de mener une politique économique efficace », explique Djim Guerrier. La meilleure option demeure celle du renforcement de la production nationale, plus efficace et elle garantit le long terme. « Le seul et unique moyen de combattre l’inflation, c’est par la production nationale. On ne peut pas combattre la dépréciation de la monnaie nationale avec une production locale aussi faible », explique l’économiste. Les autorités  parviendront-elles à emprunter ce chemin, des décennies après l’avoir abandonné ?

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@user

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