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La pénalisation de l’avortement coûte-elle plus cher que sa dépénalisation ?

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Jusqu’à aujourd’hui, l’interruption volontaire de grossesse est considérée comme un crime en Haïti, punie par le Code Pénal de 1835. Le nouveau Code Pénal de 2020 avait annoncé sa dépénalisation sous condition, mais lui, il a  avorté, une mise en application étant encore différée pour 2024. Entretemps, des milliers de femmes continuent à recourir à l’avortement clandestin, une des principales causes de décès maternel et de morbidité dans les pays en développement. Pour la militante féministe, Mialove Barthélémy, la pénalisation de l’avortement a plus de conséquences que sa dépénalisation.

L’OMS estime que, dans le monde, 61% des grossesses non désirées se terminent par un avortement provoqué, soit environ 73 millions d’avortements provoqués chaque année. De ces avortements, près de 45% sont non sécurisés, 97% de ces derniers sont entrepris dans les pays en développement avec des lois anti-avortement. Pour l’organisation, l’avortement non sécurisé constitue « l’une des principales causes – mais évitables – de décès maternels et de morbidité. Elle peut entraîner des complications physiques et mentales ainsi qu’une charge sociale et financière pour les femmes, les communautés et les systèmes de santé ».

L’avortement pénalisé en Haïti

Mialove Barthélémy est étudiante en droit, militante féministe, et elle travaille pour une organisation qui accompagne les femmes et les filles dans le sud du pays. Selon elle, la législation haïtienne est très rigide par rapport à l’avortement, elle l’interdit dans tous les cas, et tous les acteurs du processus sont pénalisés. « La loi haïtienne contraint les femmes à mener à terme leur grossesse, qu’elles le veuillent ou non, et peu importe les raisons pour lesquelles elles auraient voulu avorter, ou être contraintes de le faire », explique la jeune étudiante.

Évoquant l’esprit de la loi, elle rappelle que le Code Pénal a été rédigé en 1835, et, de ce fait, les normes sociales de l’époque, les mœurs, la religion, y laissent largement leurs empreintes. « La législation haïtienne, surtout en ce qui a trait à l’avortement, date de presque deux siècles. Elle ne reflète pas la réalité haïtienne qui pousse un très grand nombre de femmes et de filles à avorter, et ceci dans des conditions presqu’inhumaines, clandestines, par des procédés traditionnels, ou en utilisant des remèdes et des médicaments non prescrits parce qu’elles ne peuvent pas avoir l’aide d’un médecin professionnel », explique-t-elle. En effet, l’OMS estime qu’en Amérique latine et en Afrique, la majorité des avortements, soit près de 75%, sont réalisés de façon non sécurisée. Et chaque année, entre 4,7 % et 13,2 % des décès maternels peuvent être attribués à un avortement non sécurisé.

« Qu’on les pénalise ou non, des avortements auront lieu ! C’est une pratique qui date de longtemps, et elle est beaucoup plus répandue aujourd’hui. Le droit à la santé sexuelle et reproductive n’est pas un laisser-aller, c’est un droit fondamental. La pénalisation de l’avortement est beaucoup plus lourde de conséquences pour la société d’aujourd’hui que sa dépénalisation. Il conviendrait donc de revoir la législation haïtienne, en régulant les conditions de l’avortement, car c’est un droit des plus fondamentaux », a-t-elle ajouté en citant son enseignante la professeure Mirlande H. Manigat, « la loi est fille de son temps ».

Une dépénalisation sous conditions

Le Code Pénal de 1835 est clair à propos de l’avortement. Les peines sont lourdes. « Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, violence, ou par tout autre moyen, aura favorisé l’avortement d’une femme enceinte, qu’elle y ait consenti ou non, sera puni de la réclusion. La même peine sera prononcée contre la femme qui se sera procuré l’avortement à elle-même, ou qui aura consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet, si l’avortement en est suivi. Les médecins, chirurgiens et les autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens qui auront indiqué ou administré ces moyens seront condamnés à la peine des travaux forcés à temps, dans le cas où l’avortement aurait eu lieu », lit-on dans son article 262.

Cependant, en cas d’entrée en application du nouveau code, l’interruption volontaire de la grossesse en Haïti deviendra légale jusqu’à la douzième semaine de gestation, mais dans des conditions bien précises. « Il n’y a pas infraction lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ou lorsque la santé physique ou mentale de la femme est en danger », lit-on dans son article 328. Ce nouveau code empêche également que les femmes soient contraintes à l’avortement qui devra être réalisé avec le consentement de la femme, et dans une institution médicale. Le non-respect de ces conditions entraînerait une peine de cinq à sept ans d’emprisonnement et une amende de 50.000 à 100.000 gourdes pour les contrevenants.

C’est une initiative que Mialove Barthélémy salue, quoiqu’elle estime que cela ne représente qu’un premier pas vers l’accomplissement du droit à la santé sexuelle et reproductive des femmes. De son côté, l’OMS estime que les avortements sont « une intervention sanitaire sans risque quand ils sont pratiqués selon une méthode recommandée par l’OMS et adaptée à la durée de la grossesse et quand la personne pratiquant l’avortement a les compétences nécessaires ».

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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