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La traditionnelle soupe au giraumon haïtien : des habitants de Gressier en parlent

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Alors que plusieurs habitants de Gressier mangent la soupe au giraumon chaque 1er Janvier, beaucoup  n’en connaissent pas vraiment le sens ou n’éprouvent aucun sentiment patriotique à la consommer. Et tandis qu’une poignée tient à perpétuer la tradition et tout ce qu’elle englobe, une catégorie abandonne l’idée de la soupe au premier jour de l’an.

Si la soupe au giraumon haïtienne est aujourd’hui candidate au classement mondial du patrimoine culturel immatériel (PCI), c’est une tradition qui, au fil du temps, a perdu un peu de son sens patriotique dans certains endroits du pays, comme c’est le cas dans la commune de Gressier. En effet, plusieurs personnes dans cette zone admettent qu’elles se soumettent à ce rituel du 1er Janvier uniquement par habitude, sans trop savoir pourquoi. Une jeune habitante de Colombier 9 en témoigne avec une pointe d’humour : « Je n’imagine pas un 1er Janvier sans manger notre soupe au giraumon. Chaque année nous en faisons une quantité qui pourrait nourrir la famille pendant toute une semaine et nous partageons avec des amis dans les quatre coins du pays ».  Elle déclare n’en avoir appris le sens que cette année.

Tous les habitants n’ont pas la chance de cette jeune fille et avouent ne pas connaître le sens de cette coutume. « Je tiens à consommer et partager la soupe chaque année parce que mes ancêtres le faisaient et m’ont appris que c’est ce qui devait être fait », affirme un vieillard. Une femme entre deux âges avoue : « Ma mère en faisait tous les ans lorsque j’étais enfant, la plupart des Haïtiens le font, alors cela devient une tradition, je le fais aussi ». La plupart de ces habitants ne conçoivent pas leur 1er Janvier sans cette soupe, sans toutefois chercher à en connaître l’origine, ni ressentir un quelconque sentiment patriotique. Dans ces cas-là, le repas est plus associé au premier jour de l’année qu’à l’indépendance.

Parallèlement, une autre catégorie, tout en reconnaissant l’aspect national et culturel de cette tradition, avoue n’en être pas adepte. En plus de ceux qui ne le font pas à cause de leur religion, cette catégorie regroupe aussi des gens qui ne voient tout simplement pas la nécessité de dépenser une somme qu’ils jugent « irraisonable » pour une soupe qu’ils peuvent boire à n’importe quel moment de l’année. « La soupe au giraumon le 1er Janvier est importante pour tous les Haïtiens puisque, avant, les esclaves n’y avaient pas droit. Je respecte cette tradition, mais je ne la pratique pas, à moins qu’un ami ne me fasse don d’un giraumon », confesse une dame.

En plus de cette lourde liste, le candidat au classement mondial du PCI voit se perdre chaque année quelques-uns de ses fidèles pratiquants à Gressier. Ces abandons découlent principalement d’une raison économique. « Cette année, il m’aurait fallu environ 750 gourdes pour acheter un giraumon moyen au marché. Ensuite, il aurait fallu acheter la viande à un prix élevé. J’ai préféré abandonner l’idée. Je ne suis pas malade », déplore une gressiéroise. Une autre mentionne qu’elle a fait un choix : « La soupe au giraumon du 1er Janvier représente beaucoup pour nous, Haïtiens, c’est vrai. Mais entre la soupe, le copieux repas du 2 Janvier et les enfants qui ont besoin d’outils pour le retour en classe le 4 Janvier, un choix raisonnable s’impose ». Le coût de la vie est donc un sérieux concurrent à cette pratique. Toutefois, la cause de la reddition est parfois plus profonde : « Indépendance, certes, mais qu’en avons-nous fait? Je n’en suis pas assez fier pour dépenser mon argent dans la soupe ».

Ce n’est, malgré tout, pas la fin de la traditionnelle soupe au giraumon. Il y a encore des gens qui en comprennent tout le sens et qui tiennent à perpétuer la tradition avec toutes ses valeurs : « Le partage, c’est la plus grande satisfaction de cette tradition. Les amis, les voisins, tous y ont droit même s’ils n’ont pas pu en faire », déclare avec enthousiasme une gressiéroise. D’autres affirment aimer tellement ce repas, qu’ils ne se limitent pas à la consommer une fois l’an. Et puisqu’il a été jugé bon de placer cette tradition au rang de PCI, puissent les responsables veiller à sa pérennisation et garder un œil sur l’évolution de son sens à travers le temps.

Ketsia Sara Despeignes

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