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Le carnaval malgré tout…

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Ce dimanche 19 février 2023, Port-Au-Prince a lancé son carnaval autour du thème « Rekonsilyasyon pou lapè ». Si la grande foule n’était pas au rendez-vous, des milliers de personnes sont quand même sorties dans les rues, bravant les territoires contrôlés par des bandits, pour se défouler. Les grands noms de la musique haïtienne, Djakout, Barikad Crew, RAM et bien d’autres, n’ont pas répondu à l’appel. Toutefois, d’autres formations musicales, Rockfam Lame a, et des artistes comme Izolan, l’ex-chanteur de King Posse, Sammy B, ont choisi quand même de fouler le Champs-de-Mars pour le plaisir des carnavaliers.

Ce dimanche aussi, malgré les décibels qui retentissaient dans les rues de la capitale, les ravisseurs n’ont pas non plus chômé. Le chef de protocole du Palais National, Marc Marie Yves Mazile ainsi que son chauffeur ont été kidnappés à Delmas 31. Quelques jours avant, c’est au volant de sa voiture que Me Yvon Pyram a rendu l’âme, après avoir été attaqué par des malfrats circulant à moto. Depuis plus d’un an, le pays n’est que l’ombre de lui-même. Circuler dans certains quartiers de Port-au-Prince devient un acte de bravoure. Dehors, l’insécurité bat son plein. La liste des victimes de cette situation infernale est longue…Journalistes, hommes d’affaires, hommes politiques, professeurs d’université, médecins, étudiants et même le citoyen lambda n’est épargné.

« Alors, on danse » pour reprendre le fameux refrain de cette chanson de Stromae. Du carnaval, semble-t-il, on ne peut pas s’en passer. Le carnaval malgré tout ! Le carnaval contre vents et marées. On se souviendra de cette déclaration de l’une des grandes voix de la musique Rasin disant que : « Se ti kòb kanaval la m ap tann pou m peye lekòl pitit mwen ». Cette année, on se demande si l’on pourra encore danser et chanter au rythme de « Kè m pa sote » ? Ou plutôt, on se dit « Mizè m nan mouda m pwoblèm nan mouda m, m pa nan pale fransè » (Vwadèzil). Dans ce contexte de fragilité et d’insécurité généralisée, certains diront peut être que l’Haïtien est insensé. Comment peut-il jubiler en ce moment où des milliers de familles pleurent leurs enfants tués ou portés disparus ? Quand des policiers deviennent la cible des malfrats ? Quand les médecins résidents de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) sont en grève, réclamant de meilleures conditions de travail ?

Entre-temps, on continue à danser. On danse pour oublier. On danse pour faire semblant. Ou du moins, on n’a rien compris de la gravité de cette situation chaotique dans laquelle patauge le pays ? Le carnaval est thérapeutique me dira-t-on. Il peut calmer le chagrin, dissiper nos douleurs, etc…

Mercredi des cendres, fini les festivités. Nous nous réveillerons sans doute jeudi matin, avec nos chimères et nos misères. Nous nous réveillerons encore une fois, avec la peur dans le ventre. Peur de circuler dans ces mêmes rues où l’on a dansé par crainte de se faire enlever.

Max Grégory Saint Fleur

maxsaintfleur@gmail.com

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