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Les élections et le défi de légitimité en Haïti

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Face aux promesses d’organisation de prochaines élections dans le pays, les obstacles politiques, sociaux et économiques se multiplient et se complexifient. Le peuple haïtien, qui subit les lourds effets de cette crise multidimensionnelle, attend de son gouvernement dénué à la fois de légalité et de légitimité, des élections d’où sortiront, probablement, des élus légaux et légitimes. Dans le meilleur des cas, une telle réalisation relèverait d’un véritable exploit car en Haïti, depuis 1990, légitimité et élections semblent être des ennemis historiques.

D’une manière générale, dit-on, la légitimité renvoie au fait qu’un dirigeant ou une institution ou bien même un acte politique est accepté par la communauté concernée. Dans le cadre d’un État de droit démocratique ou plus particulièrement de la démocratie représentative ou même électorale, devenue une sorte d’étalon universel de régime politique depuis le triomphe du modèle libéral après l’ère bipolaire, cette question de légitimité trouve sa place au centre des grands débats politiques surtout en Haïti où ladite démocratie participative et représentative peine à prendre forme. En effet, un représentant légitime suggère une élection légitime, dans un cadre légal organisé par une institution elle-même légale et légitime. Ce qui pose problème dans le contexte actuel des choses en Haïti.

L’idée qu’il existe au moins trois formes de légitimité, charismatique, traditionnelle et légal-formelle nous vient de Weber. Dans l’idéal démocratique la conjugaison de ces trois formes serait la meilleure option. Toutefois, explique le professeur d’Université Jean-Claude Chérubin, le parcours historique de l’expérience démocratique haïtienne permet de comprendre que c’est souvent loin d’être le cas. De la légitimité charismatique du leader en 1990, on est passé à celle légal-formelle en 2006 pour finalement entrer dans l’illégitimité totale depuis au moins une décennie.

La science politique a systématisé les critères de légitimité et de légalité des élections, parmi lesquels le principal reste leur tenue à intervalles réguliers, détaille le sociologue et professeur de l’Université Quisqueya (UniQ). En effet,  les élections en elles-mêmes ne sont un critère distinctif suffisant du régime démocratique, même selon la définition minimaliste de Schumpeter, que si elles ont lieu à intervalles réguliers.

À part cela, on connaît les autres ; l’égalité des votes, une personne une voix, la transparence des résultats, le respect du secret des urnes, l’équité de la compétition, etc. « Toujours est-il qu’en Haïti les élections respectant les prescrits de la loi et de la Constitution sont parfois légales sans pour autant être légitimes soit à cause du faible taux de participation, soit par l’opacité du processus ou encore de l’ingérence étrangère dans les dites élections. Et quoique le taux de participation n’ait pas d’impact sur la légalité des élections, n’empêche qu’indubitablement il entache la légitimité des représentants qui en sont issus », a-t-il fait remarquer. Ce qui, soit dit en passant, c’est un facteur majeur de crise et d’instabilité politique.

Ainsi, ceux qui restent comme représentants des institutions politiques actuelles jouissent d’une très faible légitimité, se pose la question de la légitimité des futures élections qu’ils auront à organiser. Jean-Claude Cherubin explique que : « l’issue la plus probable est la légitimité sans la légalité constitutionnelle parfaite. Puisqu’on est déjà dans une situation d’illégalité et d’illégitimité, il faut trouver un accord politique établissant une rupture avec les pratiques antidémocratiques tout en ouvrant la voie sur la tenue d’élections crédibles, transparentes, honnêtes et inclusives ». En d’autres termes, il faut changer la crise en opportunité de saut qualitatif vers la démocratie en trouvant un accord politique jouissant d’assez de légitimité pour permettre aux acteurs de dénouer la crise, poursuit-il.

Toutefois, bien au-delà des difficultés présentes demeurent des problèmes qui, historiquement, ont entaché la légitimité des élections ayant eu lieu en Haïti sous l’ère de 1987. Les violences électorales, le manque de transparence, les scandales de tabulation, l’influence des électeurs par des pots-de-vin, sans oublier l’ingérence ou même le diktat de la communauté internationale dans le verdict des urnes ont depuis les premières joutes de 1990 sapé la confiance des Haïtiens tant dans la machine électorale que dans les hommes politiques et encore plus dans la bienveillance de l’observation étrangère. Et tandis que l’heure tourne, que la crise s’aggrave et que les vides institutionnels se multiplient, la responsable du Bureau Intégré des Nations-Unies en Haïti juge pour sa part « [qu’il soit] très peu probable que des élections qui permettraient un retour à la gouvernance démocratique aient lieu cette année ».

Daniel Toussaint

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