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Les femmes sont doublement victimes de la situation d’insécurité qui gangrène le pays, selon le Recteur Jacky Lumarque

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Les femmes haïtiennes, l’insécurité et  l’émigration ont été le 9 mars 2023 au cœur des réflexions à l’Université Quisqueya. L’élargissement des réseaux du crime organisé, la faillite des institutions du pays repoussent la perspective d’une vie meilleure jusque par-delà les frontières haïtiennes. Pour les millions de femmes qui vivent en Haïti, la situation est loin d’être vivable en raison de l’insécurité grandissante. L’émigration n’apporte pas toujours les résultats escomptés.

La situation actuelle du pays pèse très lourd sur l’état des femmes haïtiennes. La violence des gangs et la crise économique viennent aggraver encore plus les inégalités qui existent au sein de la population. Peu à peu l’espoir d’un aller-mieux disparaît, et l’émigration  représente l’unique porte de sortie pour des millions de Haïtiens pour qui les conditions deviennent insupportables. Selon Jacky LUMARQUE, Recteur de l’Université Quisqueya, il s’agit là d’une situation des plus inquiétantes.

« Nous parlons beaucoup de la migration internationale, des Haïtiens qui partent vers l’étranger. Mais on passe à côté d’une migration encore plus inquiétante dans le pays. Il s’agit des déplacés internes », a affirmé M. LUMARQUE lors d’une conférence-débat organisée par le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR), la Bibliothèque de l’Université Quisqueya et Fòs Jenès ce 9 mars 2023 sur le thème « Femmes haïtiennes, insécurité et migration ».

Le calvaire des femmes face à l’insécurité

Les femmes sont doublement victimes de la situation d’insécurité qui règne dans le pays. Pour la psychologue Saïtha SALOMON qui intervenait lors de ce cette conférence-débat, la situation socio-sécuritaire vient aggraver encore plus les conditions de vie des femmes haïtiennes. « Ces conflits, cette insécurité, ces instabilités et déplacements ne sont pas sans conséquences sur la situation des femmes et des filles qui vivent dans le pays. Déjà, les droits des femmes étaient bafoués, ces situations créent encore plus de déséquilibres », a-t-elle indiqué.

Pour la psychologue, le viol sur les femmes et les filles est un phénomène qui s’est largement amplifié avec la montée de l’insécurité. Les témoignages rapportés par la psychologue sont poignants. « Dans la nuit du 8 juillet, des gens sont rentrés chez moi et ont abattu mon mari d’une balle à la tête et m’ont couchée sur son cadavre. Plusieurs hommes m’ont violé, puis m’ont fait sortir de la maison avant de l’incendier. J’avais avec moi un enfant de trois ans », a raconté une femme victime de viol à Saïtha SALOMON qui œuvre au sein de Kay Fanm, une organisation haïtienne spécialisée dans la protection des femmes.

« J’étais en route pour acheter un commerce. Arrivée à Canaan, des hommes sont montés dans la camionnette. Ils avaient déjà installé des cartons par terre afin d’y allonger toutes les femmes qui passeraient. Ils ont pris l’argent de mon commerce, m’ont mise sur les cartons, m’ont violée, et après nous ont dit de partir », selon une autre victime.

« Enceinte de cinq mois, j’étais sortie acheter au centre-ville de Port-au-Prince, des hommes m’ont violée et ont tué mon mari qui m’accompagnait alors », racontait une autre victime.

« Je marche et je vis la tête baissée »

Le traumatisme est sévère pour les femmes victimes de viols, selon Mme SALOMON. « Ces dames vivent avec plusieurs traumatismes, des ressentiments de peur pour leur vie ou celle de leurs enfants. Elles vivent avec un stress chronique, sans fin », a-t-elle expliqué. Les témoignages recueillis en témoignent.

« Depuis que c’est arrivé, je n’arrive plus à regarder quelqu’un droit dans les yeux. Je marche et je vis la tête baissée », lui a confié une femme adulte, dans la soixantaine.

« Je connais l’histoire d’un homme qui a noyé ses enfants dans la mer pour ensuite s’y noyer lui-même. Parfois, je sens que pour moi c’est aussi la seule chose à faire », s’est désolée une autre.

Depuis plus de quatre ans, l’activité criminelle rend la vie inhumaine dans certains quartiers de la capitale. Entre la guerre des gangs, les mauvaises conditions économiques et l’impossible accès aux services sociaux de base, beaucoup de quartiers ont régressé au triste rang de zone de non-droit. « Pas plus tard que mardi dernier, trois des femmes que nous avions l’habitude de recevoir ont été atteintes de projectiles. L’une d’elles a été atteinte en pleine tête », a regretté la psychologue. Pour le Recteur Jacky LUMARQUE, cette situation n’est pas une fatalité, les gouvernements sont restés inactifs. « L’insécurité actuelle est une insécurité de gouvernance, ce n’est pas un phénomène spontané ».

Une émigration dans les pires conditions

Quitter le pays est devenu, pour des millions d’Haïtiens, la première étape vers une vie meilleure. Cependant, pour la plupart, obligés d’émigrer de façon irrégulière, ils sont obligés d’effectuer le trajet dans des conditions infernales. Selon Me Dilia LEMAIRE, avocate et militante des droits humains, invitée à cette conférence, pour beaucoup de femmes haïtiennes, le voyage est terrible « pour la plupart des Haïtiennes qui traversent l’Amérique Latine pour se rendre à la frontière américaine, elles sont parquées dans des camps de migrants dont les structures sont mauvaises. Le surpeuplement, l’insalubrité, l’absence de produits de première nécessité  et bien d’autres défis auxquels font face les migrants dans ces espaces les placent – les femmes en particulier – dans une situation de grande vulnérabilité ».

Du côté de la République Dominicaine, l’accueil est des moins chaleureux. Les rapatriements massifs de Haïtiens en situation irrégulière n’épargnent aucune catégorie, en violation du protocole d’accord de 1999 sur le rapatriement par les deux pays. « La République Dominicaine a rapatrié pour l’année 2022, 161 986 Haïtiens, parmi eux 1 854 femmes enceintes, 34 894 femmes et 8 428 filles », a rappelé Saïtha SALOMON citant un rapport du GARR. Un phénomène qui se poursuivra, si l’on en croit le Président Luis Abinader pour qui le rapatriement des Haïtiens est une expression de la souveraineté de son pays.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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