Les transferts de fonds ne sont pas toujours une aubaine pour le développement
4 min readL’émigration apporte un mieux-être dans les pays d’origine. Les transferts de fonds sont un élément substantiel pour les familles qui sont dans les pays d’émigration. Ils dépassent de très loin l’aide publique au développement. Sans cela, la situation économique dans certains pays serait encore pire.
La théorie de la gestion de portefeuille est utilisée pour analyser les causes de l’émigration dans les pays en développement, ainsi que les raisons qui poussent les migrants à effectuer des transferts de fonds à leurs familles. Contrairement au modèle de Lewis qui conçoit la décision d’émigrer comme un choix individuel, la théorie de la gestion de portefeuille appréhende le départ d’un individu comme le résultat d’une décision familiale ou collective.[1] Les transferts de fonds des émigrants est l’un des moyens par lequel les intéressés répondent aux besoins de leur famille. Ils contribuent au développement de la société du pays originaire. Cependant, mis à part le bien-être que le transfert apporte aux familles dont la plupart d’entre elles dépendent, cela peut être un problème pour l’économie dans la mesure où il contribue à engendrer l’inflation.
Il est évident qu’à un certain niveau les envois de fonds sont incontestablement un soulagement. En ce sens, dans le cas d’Haïti, il faut souligner que « L’arrivée des flux de transferts dans le milieu rural haïtien, conséquemment à l’émigration, a entraîné le financement de beaucoup d’activités informelles. Bien entendu, c’est aussi le cas en milieu urbain, car l’économie haïtienne est informelle pour une grande partie. Dans les campagnes, on assiste à une prolifération des petits marchands ambulants. Dans les villes, les marchés s’élargissent. »[2]
Des experts de la Banque Interaméricaine de Développement, eux, reconnaissent que ces transferts ont permis aux bénéficiaires de lutter contre la hausse du coût de la vie, d’envoyer leurs enfants à l’université, de construire des maisons ou de payer les loyers.[3]
Il est important de souligner que certains pays tirent de la migration de substantiels bénéfices du fait des transferts de fonds.
Cependant dans le cas d’Haïti, par le fait que les transferts passent par le circuit informel et sont utilisés dans le marché informel, ils dollarisent le marché haïtien, ce qui entraîne la dévalorisation de la gourde. Les transferts des migrants haïtiens augmentent les revenus des bénéficiaires, et contribuent largement à créer de l’inflation dans l’économie haïtienne.[4] La dollarisation n’a pas seulement pour conséquence la dévalorisation de la gourde haïtienne, elle emprunte aussi très majoritairement le circuit informel non contrôlé par la Banque Centrale et elle est difficilement quantifiable par les instances gouvernementales.[5]
Par ailleurs, nous pouvons ajouter le problème de l’insécurité en Haïti et la politique de regroupement familial qui découragent les gens à s’investir dans l’économie du pays. Ils ne répondent qu’à leurs besoins essentiels en attendant de rejoindre leurs proches dans les pays d’accueil. Ainsi, ces potentiels émigrants, n’ayant ni espoir dans le pays, ni confiance dans sa gouvernance, ne trouvent aucun intérêt à y investir.[6] Aussi il faut rappeler que beaucoup d’émigrants haïtiens préfèrent confier l’argent à quelqu’un, qui s’emploiera à le remettre au destinataire plutôt que d’opter pour les maisons de transfert.
Les émigrants apportent un soutien considérable compte tenu des flux de transfert de fonds, à titre d’exemple la diaspora haïtienne. Toutefois, ces flux n’ont pas d’impact réel au développement économique à cause du mode de gouvernance des autorités haïtiennes. Le prélèvement de taxes sur chaque envoi de fonds nous interroge sur son utilisation.
Eddy Junior BONET, Internationaliste
eddyjrbonet@gmail.com
[1] Pourquoi migrer ? Le regard de la théorie économique
[2] Bénédique Paul, « Migration et pauvreté : impacts économiques et sociaux des envois de fonds sur l’inégalité et la pauvreté », LASER, Université Montpellier 1, 16 octobre 2008,
[3] Ibid.
[4] Op.cit., Bénédique Paul, « Migration et pauvreté : impacts économiques et sociaux des envois de fonds sur l’inégalité et la pauvreté ».
[5] Bénédique Paul, « Migration et pauvreté : impacts économiques et sociaux des envois de fonds sur l’inégalité et la pauvreté », LASER, Université Montpellier 1, 16 octobre 2008,
http://ged.u-bordeaux4.fr/Paul_Migration_Pauvret%E9_Haiti.pdf, consulté le 8 décembre 2018.
[6] Op.cit., Catherine Wihtol de Wenden, La question migratoire au XXIe siècle : Migrants, réfugiés et relations internationales.