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L’évolution du banditisme en Haïti : de 2001 à nos jours

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Il s’avère être une évidence que le banditisme fait partie du quotidien d’Haïti. De jour en jour, ce phénomène grandit pour devenir endémique. Les bandits sont partout et leurs gangs sont affichés en rouge sur la cartographie du pays. Pourtant ce phénomène qui a bien sûr des répercussions à tous les niveaux sur le pays, ne date pas d’hier. Il faut remonter dans le temps pour en comprendre l’évolution et sa place dans la société haïtienne d’aujourd’hui.

La prise de contrôle violente des territoires urbains, les kidnappings en série, les pressions psychologiques répétées sur la population et les massacres : le mode opératoire des bandits qui gangrènent Haïti aujourd’hui pèse lourd sur la société. Pourtant  l’augmentation de leur nombre se fait de façon exponentielle. En effet, selon la Commission Nationale de Désarmement, de Démantèlement et de Réinsertion, environ 3000 hommes armés feraient partie d’un seul  gang depuis 2019 ; chiffre qui risque d’augmenter.

Même s’il s’amplifie aujourd’hui, le banditisme en Haïti n’est pas né au cours de ces dernières années. Mais sa couleur change à travers les époques et les milieux. Ce disant, le banditisme a sa propre typologie.

La typologie du banditisme en Haïti

Le banditisme en Haïti peut revêtir diverse formes ou divers types. L’une de ses principales causes reste et demeure l’extrême précarité de la population haïtienne. Il faut rappeler que la moitié de celle-ci vit sous le seuil de la pauvreté, soit à moins de 2 dollars américains par jour. Si selon l’ONU, 95 bandes armées occupent environ un tiers de la  zone métropolitaine de Port-au-Prince, 170 dans tout le pays, ces hommes qui terrorisent la population viennent souvent de quartiers défavorisés où la pauvreté est soit à un niveau élevé, soit extrême.

Cependant, le banditisme en Haïti est souvent encouragé par l’activité de la politique du pays qui est un milieu de crise perpétuelle. En effet, pour acquérir et conserver le pouvoir, certaines personnalités politiques ont recours à l’utilisation machiavélique des gangs armés. Cette tendance, on l’a observée de manière récurrente  au cours de ces dix décennies. Mais, elle ne date pas non plus d’hier.

Le banditisme sous le régime Lavalas

L’émergence du régime Lavalas a inauguré l’ère de la soit-disant concrétisation démocratique du pays avec l’élection de Jean Bertrand Aristide, le premier Président démocratiquement élu d’Haïti par la voie du suffrage universel. À rappeler que la mémoire de la dictature sanglante des Duvalier qui utilisaient les Tonton makout et l’armée d’Haïti pour terroriser la population était encore fraîche.  Alors que l’espoir populaire  se portait sur l’avènement de la démocratie en Haïti, le régime Lavalas qui essuya un coup d’État majeur le 29 septembre 1991 a utilisé le banditisme comme moyen de se  maintenir son pouvoir et contrôler  la population.

Des individus, surtout des jeunes venant des quartiers populaires, utilisés comme des pions ont essayé, mais vainement, de consolider le pouvoir de l’ancien prêtre Jean Bertrand Aristide. Ils terrorisaient la population ; violaient comme bon leur semble. Parfois même, quand leur pouvoir paraissait illimité, ils pénétraient dans les enceintes des universités privées et de l’Université d’État. Ces groupuscules dont la fonction était de consolider le pouvoir lavalassien avaient un nom : c’était les « chimè ».

De 2001 à l’autre coup d’État qu’a subi le pouvoir lavalassien de Jean Bertrand Aristide, le banditisme politique a pris une  ampleur considérable dans le pays. Si les Volontaires de la Sécurité Nationale (VSN) ou les Tonton Makout avaient une couverture administrative qui justifiait leurs actions visant à terroriser la population, les chimè lavalassiens ne bénéficiaient pas de cette couverture. Ils se contentaient de répondre aux instructions du pouvoir en place tout en n’ayant aucun autre statut que celui de « chimè », ce personnage qui tue, terrorise et qui menace par la crainte qu’il inspire.

Les actions des chimè Lavalas ont  connu une interruption avec le nouveau coup de force que subit le régime lavalassien en 2004, le dimanche 29 février. Mais, sous l’égide de l’opération Bagdad,  les chimè Lavalas  firent leur grand retour pour revendiquer le retour du Président Aristide et leur ? intégration dans l’administration publique haïtienne.

Sous Préval

Dans un message adressée à l’ONU, le 3 août 2006, auprès du Secrétaire Général de l’époque, Kofi Annan, René Préval, Chef de l’État haïtien, a défini les deux types d’insécurité : « L’une est localisée à Martissant, aux Gonaïves et l’autre concernant le kidnapping est diffuse, on ne peut pas la repérer facilement ». À cette époque, le banditisme battait son plein.

L’ancien Premier Ministre sous Aristide qui a prétendument incarné le potentiel retour de ce dernier au pouvoir, a bénéficié du support de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti  en vue d’éradiquer le banditisme en Haïti.

L’amplification du banditisme avec l’avènement du PHTK

L’élection controversée de Michel Joseph Martelly a annoncé le règne du Parti haïtien Tèt Kale dans l’arène politique d’Haïti. Si pendant une certaine période, le banditisme a considérablement régressé en Haïti, avec l’émergence du pouvoir TètKale, ce phénomène a fait son grand retour dans le pays.

Sous le Président Martelly, le fameux chanteur qui a fait la promotion de ses bandi legal, le phénomène du banditisme a revêtu une autre forme dans les quartiers populaires. Les groupuscules ont été utilisés à des fins politiques sous le régime PHTK.

Mais la dérive du banditisme sous le régime du PHTK a connu son plus grand essor sous la présidence de Jovenel Moïse. En effet, sous le règne de l’ancien entrepreneur assassiné au pouvoir, les bandits ont fait la loi. Jouissant d’un pouvoir illimité, ils ont fait d’Haïti un pays invivable. La plupart des zones clé de la sphère métropolitaine sont paralysées par l’activité des gangs armés.

Si les bandits à travers leurs gangs ont fait la loi sous Jovenel Moïse, ce qui est étonnant, c’est le rapport que le régime de ce dernier a entretenu avec ces hors la loi. En effet, dans l’impunité totale, des groupes armés, tels que les G9, ont terrorisé la population comme bon leur semblait.

Le phénomène du banditisme en Haïti continue à faire son chemin  de plus belle quelques mois après l’assassinat du Président Jovenel Moïse. L’État qui subit les effets de la crise politique ne peut pas freiner ce phénomène qui s’installe dans le pays. La population par conséquent, en est la grande victime.

Jonas Reginaldy Y. Desroches

Email : jonasdesroches@gmail.com

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