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Madame, rebandez-vous les yeux pour La Saline

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Le 13 novembre 2018, le quartier de La Saline a vécu une soirée noire. Les tueurs arpentaient les rues et pénétraient dans les maisons laissant derrière eux une coulée de sang et des cris de désespoir. Ce soir-là, la vie des résidents ne valait pas plus que celle d’un chien. Leurs cadavres étaient laissés aux porcs, traînés sur des tas d’immondices, dans les rues. C’était horrible de voir les images des corps décapités, d’écouter des parents raconter des scènes inhumaines, etc. Une tragédie tout simplement. Un récit qui a révolté les consciences. Bref, un carnage. C’était en effet le premier massacre de l’ère de Jovenel.

Pour les habitants de cette banlieue, il ne peut y avoir d’évènements plus terribles que cette tuerie du 13 novembre où le papa assiste innocent et démuni au lynchage de son fils ou de sa fille. L’enfant regarde ses parents assassinés et carbonisés. Deux ans après, c’est avec le cœur lourd qu’on se souvient de tout cela.

Les organismes des droits humains, l’ONU, entre autres, ont parlé d’un massacre d’État. Une tuerie planifiée par un pouvoir qui est sensé être payé pour garantir le bien-être du peuple. De hauts cadres de l’État sont mis en cause au point même que le président ait décidé de lâcher, comme il l’a fait pour Wilson Laleau, les deux principaux suspects : l’ancien  délégué départemental de l’Ouest Joseph Pierre Richard Duplan, et le directeur général d’alors du Ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales (MICT), Fednel Monchéry.

En guise de justice pour les victimes, le pouvoir, selon les organismes des droits humains, multiplient ses forfaits. Quant à la suite du dossier, la justice sous coupe réglée fait du surplace. Les responsables mis en cause, au lieu de s’inquiéter, reçoivent des promotions. Jimmy Chérisier dont le nom est cité dans tous les massacres est devenu le leader incontournable du G9. Le redoutable chef qui fait la leçon même au DGPNH. Quant à La Saline devenue tristement célèbre, elle continue de faire le deuil des victimes.

Empilant un lot de dossiers sans suite, toute la société a les yeux rivés sur cette dame qui a laissé tomber depuis des lustres son bandeau et qui a saboté sa balance. C’est devenu une tradition que la justice est rendue en Haïti aux plus fortunés. Ceux qui sont au pouvoir, ceux qui arment les malheureux désespérés, ceux qui font de la frontière une passoire pour la contrebande, ceux qui peuvent aisément soudoyer des juges, ceux qui n’hésitent pas à kidnapper ou tuer, ceux qui peuvent à volonté faire disparaitre du greffe du TI des pièces à conviction et ceux qui sont attachés aux apatrides.

Ce ne sont pas les plaintes qui manquent. Ce ne sont pas des plaignants qui entravent le processus. C’est plutôt le caractère partial de la justice qui en constitue le frein. La justice, de plus en plus politisée, vend pour un bol crasseux son pouvoir à l’exécutif. Monferrier Dorval est assassiné, il part et c’est normal, plusieurs centaines de petites bourses sont mortes, c’est la règle. Un recherché par la justice arrête et remet à la police un civil dont le statut est identique au sien, c’est de la citoyenneté ! Des centaines de laissez-pour compte croupissent derrière les barreaux sans passer devant leurs juges, c’est la justice. Pauvre Pays ! Injuste société !

La coupe étant pleine, elle doit être renversée. Nous appelons la femme à se rebander les yeux et à rétablir l’équilibre de la balance qu’elle tient dans sa main. Il n’est pas question que la justice soit ainsi écrasée. Il est inacceptable que les autorités continuent de piétiner ce pouvoir. Il est intolérable qu’aucune arrestation ne soit enregistrée dans ce massacre qui a révolté le monde entier. Le gouvernement est mis au pilori.  Les responsables des massacres défient la justice. Le pouvoir massacre, la justice cautionne. Quelle horreur !

Occasion pour inciter les autorités judiciaires à se ressaisir. Vivre avec ce souvenir est traumatisant pour les habitants et riverains de la Saline. Devoir vivre sans abri, être condamné à l’errance, se retrouver sans travail, ne sont pas des réalités faciles à digérer. Ne parlons pas des enfants.  Ils ne peuvent plus aller à l’école ou sont devenus indigents. C’est une perte immense et irréparable pour ceux qui ont perdu un parent ou leurs deux parents dans cet acte qui n’a pas de nom. Allons vers cette réforme que clame sans cesse le chef de l’État, même au-delà de votre volonté M. le président, ayez pitié pour ces démunis. Exigez la poursuite du processus.  Ces morts hantent le quotidien des Haïtiens. On a trop souffert, on a trop pleuré. Que les dirigeants de l’État arrêtent leur simulacre et que l’opposition cesse de faire semblant.

Daniel Sévère

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