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Marché noir : Notre « Soup Joumou » à l’épreuve du coût de la vie

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Actuellement classée patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO, la « soup joumou », appelée en français soupe de giraumon, est ancrée dans l’histoire et la tradition haïtienne. Pourtant, la tradition de la soupe de l’indépendance le 1er janvier est en difficulté depuis des années, marquée par la vie chère et le marché noir.

Préparée, distribuée ou consommée chaque 1er janvier alors que le pays commémore la proclamation de l’Indépendance, la « soup joumou » haïtienne est ce symbole de célébration de l’Indépendance, cette tradition perpétrée à travers les siècles, rappelant cette histoire d’union improbable qui a abouti à la naissance de cette nation. Pourtant, à chaque nouvelle année, on assiste à un peu plus de citoyens se démarquant de cette pratique. Les raisons peuvent varier : croyance, fierté perdue. Toutefois, le plus grand obstacle à la soupe reste le prix des produits qui grimpent alors qu’approche la date.

En effet, les vendeurs n’hésitent pas à réclamer des prix exorbitants pour le giraumon, principal ingrédient de la soupe. Le 30 janvier, à Gressier, 250 gourdes était le prix minimum pour se procurer un minuscule giraumon. « Ni plus, ni moins. C’est aux gens de savoir s’ils veulent ou non consommer cette soupe », commente une vendeuse, alors que le client s’en allait dépiter, décrétant qu’il n’y aurait pas de soupe pour lui cette année.

Ce scénario a été vécu par plusieurs personnes qui n’ont pas pu respecter la tradition cette année. « Il n’y avait pas de soupe chez moi cette année. L’année 2021 a été difficile et le coût des produits nous a dissuadés de faire quoi que ce soit. », déclare Fedner. Certains préfèrent préparer la soupe  à une autre période puisque dès le 3 janvier, les giraumons coûtent deux fois moins cher. C’est le cas de Jacqueline qui n’en prépare qu’au milieu de l’année depuis plusieurs années surtout avec le beau repas du 2 janvier qu’il faut préparer aussi.

 À Saint-Louis du Sud, le tableau a été quelque peu semblable à  celui de Port-au-Prince. Jephtanie souligne qu’une pénurie de la denrée a fait grimper les prix dans sa section et ses alentours. « Les gens ont planté mais il n’y  a pas eu de pluie. Aussi, il a été difficile de se procurer un ‘joumou’ », explique-t-elle.

Malgré ce marché noir et le fait que les prix sont imposés par les vendeurs, beaucoup de citoyens sont restés attachés à cette pratique inscrite dans le patrimoine haïtien. « J’ai dû dépenser 150 gourdes pour un giraumon miniature. Quand je dis miniature, c’est réel. On aurait dit une pomme et il n’était même pas arrivé à terme », déclare avec humour Fernande qui explique les sacrifices qu’elle a consenties pour ne pas s’écarter de la célébration du 1er janvier. Même scénario pour Gine qui, de son côté a dépensé 250 gourdes.

Qu’en est-il de la soupe de l’Indépendance ?

« On peut préparer de la soupe le 1er janvier et ne pas consommer la soupe de l’Indépendance », affirme tranquillement un homme d’âge mûr alors qu’il boit sa soupe avec un grand sourire. En effet, selon lui, la soupe de l’Indépendance est marquée par le partage. Elle est échangée entre voisins et est préparée tôt. Encore une fois, le coût des produits est venu perturber cet aspect de la tradition : certaines maisons ne partagent plus et se contentent de consommer le repas en famille.

Toutefois, la perturbation n’est pas générale et le partage continue de se pratiquer dans certains endroits du pays. C’est le cas de plusieurs communes de Jérémie où les habitants ont préparé la soupe en grande quantité afin de partager avec tout le monde. Puisse cette pratique résister à tous les obstacles.

Ketsia Sara Despeignes

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