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Maurice Sixto, le grand maitre de « lodyans » en Haïti

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Journaliste, animateur de radio, enseignant et l’un des plus grands « lodyansè » du pays, il est difficile d’entendre ce timbre de voix sans se détourner de son chemin, cligner des yeux ou laisser échapper un sourire. En effet, Maurice Sixto est cette voix qui, de toutes les manières, captent l’attention. À travers ses « lodyans » poignants, il dénonce, exhorte et fait rire. Maurice Sixto, la voix de « Ti Sentaniz » a cette tendre façon d’utiliser sa voix et ses histoires comme un miroir à l’aide duquel chacun peut se regarder!

Né le 23 mai 1919 dans la cité de l’indépendance, Maurice Sixto est cette voix enjouée qui a arraché des éclats de rire aux générations des 20e et 21e siècles. Fils d’Alfredo Sixto, un ingénieur originaire des Iles Vierges, précisément de Saint-Thomas et de Maria Bourand, petite-fille du Baron de Vastey, lui-même écrivain et homme politique, Maurice a, entre autres, grandi entre les Gonaïves et Port-au-Prince. Le jeune diseur a entamé ses études chez les Frères de Gonaïves, puis les a achevées à l’institution Saint-Louis de Gonzague. 

Après avoir achevé ses études classiques, Maurice Sixto s’inscrit à l’Académie Militaire qu’il quitte trois mois plus tard. C’est à partir de là, que sa carrière dans la presse va véritablement débuter. Avec sa charmante voix, il n’est pas étonnant que Maurice ait été animateur de radio, notamment à la radio « HHBM ». Il a fait ses débuts en tant que journaliste à Le Matin, un journal très réputé de l’époque. Maurice n’avait qu’une tête mais était coiffé d’innombrables chapeaux ! Car, outre sa carrière dans la presse, Maurice a été également professeur d’anglais, de français et de littérature, interprète et traducteur à l’Ambassade des États-Unis.

Durant sa carrière, il n’a pas uniquement évolué en Haïti. Suite à sa nomination en tant qu’attaché de presse à l’Ambassade du Liberia, il part au Congo en 1962 où il enseigne le français, le latin, l’anglais et les sciences sociales. Son passage dans ce pays lui a valu le prix du meilleur professeur à Kinshasa en 1976. Ces 9 ans passées sur le continent africain ont été sans doute très enrichissants pour l’humoriste haïtien car c’est là qu’il fit la rencontre de sa compagne de vie, sa deuxième épouse Marie Thérèse Torchon et c’est aussi sur les terres d’Afrique qu’ont pris naissance ses premiers « lodyans », un genre littéraire haïtien dont les caractéristiques sont très proches du conte.

Par ailleurs, durant son passage au Congo, il a fort malheureusement été diagnostiqué de glaucome, trop tôt dans sa vie, vers l’âge de 24 ans. En dépit d’une multitude d’interventions chirurgicales en vue de le soulager de son mal, Maurice était atteint de cécité en 1969 et dû abandonner son métier d’enseignant pour revenir en Haïti où il ne demeura que quelques années avant de s’installer définitivement aux États-Unis vers les années 70. Cependant, sa cécité n’a jamais été un obstacle dans sa carrière artistique, car en dépit de son handicap, il a produit une quantité considérable d’œuvres qui figure aujourd’hui au patrimoine culturel du pays.

Ses œuvres très connues de tous sont des chefs-d‘œuvre. À travers « l’oraliture » de Maurice Sixto, on peut remarquer à vue d’œil, les marques de la réalité d’haïtienne d’hier et d’aujourd’hui.  Ses « lodyans » ne sont pas que des divertissements, même s’ils suscitent le rire, car en analysant des textes comme « Lea kokoye », « Ti Sentaniz » ou encore « Dictature », il décrit les mœurs de la société haïtienne, touche à des problèmes  sociaux et politiques. Racontés en créole et en français, ses « lodyans » sont autant dénonciatrices qu’humoristiques. D’une part, le maître raconte les aventures de ses personnages avec humour, d’autre part, il dénonce les plus vieilles habitudes de la population haïtienne.

Détenant dans son palmarès environ 50 « lodyans », Maurice Sixto est reconnu en Haïti comme le maître de l’audience haïtienne et certains le décrivent même comme le précurseur de ce genre. Maurice Sixto a reçu divers prix, comme le prix du meilleur diseur à New-York en 1978 et celui du meilleur conférencier et d’autres encore.  Sa vie prit fin d’une tragique manière le 12 mai 1984 aux États-Unis.

Maurice Sixto a laissé une légion d’enregistrements sonores dont quelques-uns publiés à titre d’œuvres posthumes, en héritage à la nation haïtienne. Dans chacun de ses « lodyans », il offre à ses auditeurs l’occasion de faire une introspection, d’identifier et de comprendre les phénomènes sociaux et politiques qui rongent la nation. Plus que de l’humour, la voix de Maurice Sixto s’est faite dénonciatrice ! Maurice Sixto est de toute évidence l’un des plus grands « lodyansè » que le pays a connu, et compte tenu des valeurs artistiques et culturelles de ses œuvres, beaucoup se posent la grande question : Pourquoi ses œuvres ne figurent guère dans les programmes d’enseignement haïtien, à l’heure actuelle ? 

Leyla Bath-Schéba Pierre louis

Pleyla78@gmail.com

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