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Mes congénères et la culture de l’insignifiance

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Citez-moi un autre qui est revenu investir dans la promotion de la jeunesse !

À la suite d’une réflexion sur les ex-dirigeants d’Haïti et leurs complices qui se sont exilés avec une partie des avoirs de l’île, depuis des temps immémoriaux jusqu’à nos jours, je m’étais posé une question : que sont devenus ces fonds détroussés ? Ont-ils profité à leurs héritiers éparpillés aux quatre coins du monde, fouettés ou bercés par les caprices du temps,à leursdescendantsqui ont, sans nul doute, remué ciel et terre pour changer de patronyme, aux fins de ne laisser à l’histoire aucune prise pour les accrocher à titre de « fils de… »

Ont-ils connudu succès ou son revers ?Nul ne peut le confirmer. Or, vivre caché sous un pseudonyme comme les généraux allemands en cavale en Amérique latine, après la seconde Grande Guerre, c’est évoluer et mourir dans l’indigence et l’indifférence,même multimillionnaire, quand le passé tordu et têtu ne reste dans l’ombre que grâce aux vertus apaisantes de la dissimulation. Ainsi, en exil, ces ex-politiciens cleptomanes, ou leurs bénéficiaires, qui vivotent sur des histoires familiales réinventées ou écrites à la porte du roman,seraient tôt ou tard des apatrides si l’avenir venait à changer de trajectoire. Comme pour les Noirs sous les bombes en Ukraine,ces derniers temps, le «train sifflera trois fois » sans eux.

Juste à titre d’exemple, février 2022, à la série « Enquête » de la télévision de Radio-Canada, en rapport au scandale de corruption éclaté au grand jour dans le cadre de l’opération SwissLeaks sur le secret bancaire1,on présentait la saga d’un ancien ministre de Baby Doc décédé à Paris, Frantz Merceron, dont la femme et les enfants étaient venus s’installer incognito à Montréal. Depuis la mort de la mère, la descendance se débat jusqu’à présentcomme la diablesse dans l’eau bénite pour libérer l’héritage paternel bloqué « à la banque HSBC suisse2 ». Voilà un exemple entre mille où des progénitures, victimes malgré elles, se retrouvent le plus souvent seules face à l’imprévisible cruauté du destin.

Ces types de réflexion qui chambardentde temps à autrema quiétude m’avaient inspiré un article sorti sous le titre de « Lettre ouverte à un Pharaon d’Haïti ». Mais aujourd’hui, face à l’exploit inverse d’unautre ex-président, dont, parfois, les bouches folles ont tendance à médire sans discernement, peut-être avec objectivité, je n’en disconviens pas, je dois rendre un hommage sans commune mesure à ce visionnaire charismatique qui a choisi d’ancrer sa dernière caravelle à l’envers de la tradition : il s’agit de Jean-Bertrand Aristide.

C’est un personnage que je ne connaisque grâce aux médias, mais à constater ses réalisations dans l’île à son retour,je pense lui enlever mon chapeau. Aristide n’a pas été se faire blanchir au pays du maître. L’Histoire offre parfois de curieux et ironiques revers. Il a jugé nécessaire de retourner en Haïtipour déposer son havresac à Tabarreet achoisi de s’investir dansl’enseignement en construisant des édificesutilitaires qui brillentaujourd’hui de toute leurflamme sous des vagues de lettres bleu marine,dans laplaine.Je ne peux qu’applaudir pour ces monuments érigés en l’honneur de la connaissance et du savoir.

À entendre certaines langues déblatérer sur son projet, je leur accorde ce droit, puisque la démocratie le commande,cependant, ne nous contentons pas de contempler simplement notre nombril, ayons le sacré courage de dire aussi merci.

Afortiori, une partie du vide sidéral de l’instruction supérieure a été colmatée. D’expérience, Aristide a compris que l’éducation, l’enseignement, la qualification, la morale demeurent des atouts inaliénablespour exorciserle banditisme, l’escroquerie, l’opportunisme, à l’assaut du pouvoir.Ainsi va la vie, nul ne peut plaire à son père et à son beau-père en même temps.

Le grand gagnant dans cette saga ne s’avère en dernier lieu que Haïti. Un complexe universitaire,associé à un hôpital moderne, adossé à une fondationde bienfaisance, se révèle être trois cadeaux lumineux de cet ex-président.

Quel héritage les autrespillards qui ne sont jamais revenus ont-ils laissé au pays ? Simplement la manie du vol à tout prix! Nos congénères, en souvenir de ces ex-pensionnaires qui ne partent jamais les mains vides, agissent par mimétisme.Tous nous laissent avec la nette impression qu’ils avaient développé cette tare dès le berceau. Ils« veulentle bien du pays » et ils se l’arrachent à vue d’œil, au vu et au su de tous. Souvenons-nous de Petro-Caribe, etc!Tous jouent à l’intelligent ! Ils sont toujours en campagne électorale. Cette attitude débonnaire nous porte à évoluer en chiens enragés, avides de richesses faciles, à un point que la jeunesse désœuvrée se soit découvert un autre hobby dans le kidnapping armé.

Constatant la faiblesse structurellede nos infrastructures éducatives, pressentant le désir d’une jeunesse avide de savoir, le voisin dominicain, tanné de croiser notre face misérable sur son territoire, nous avait gratifiés d’une institution supérieure, l’Université du Roi Christophe dans le Nord. En l’espace de deux années, c’en était fini de ce don. Ne survitque le squelette du bâtiment. Tout a été dérobé, pillé et laissé à l’abandon. Nous avons le vol ajouté à notre ADN.

Or, sous l’assaut des éternels assoiffés, Aristide n’avait pas terminé son mandat.Et le moins qu’on puisse dire,son retour fut bénéfique pour Haïtien référence à quiconque avait occupé le même fauteuil.

Entre l’oligarchie politique, bourgeoise ou commerciale, ciblez-moi quelqu’un d’autre à qui Haïti doit réserver une telle chandelle ?

On ne trouvera personne… personne !J’ai la certitude, hormis la mauvaise foi, d’entendre murmurer ce doux mea culpa : « Nous regrettons de l’avoir éprouvé, de l’avoir destitué.Nous avons préféré écouter notre ignorance, notre avarice et le Core group. Ce fut une erreur impardonnable ».

Pleurez sur vous pour avoir succombé au chant des sirènes. Maisconsolez-vous, vous n’êtes pas les seuls à tomber dans ce panneau. : VolodymyrZelensky de l’Ukrainese mord aujourd’hui les doigts à pleines dents, pour avoir écouté la voix des insatiables. « Ban’mpeyi’m, paban’m konsèy3 ».

Max Dorismond

– NOTE –

1 –Opération SwissLeaks – Sources: Dans la liste des pays ayant le plus de dollars impliqués, Haïti est 135ème avec un petit $23.6 millions de dollars dont 10 millions sont détenus par un seul client sur un total de 10. Frantz Merceron est le politicien du groupe avec un peu plus de 1.2 million de dollars américains chez HSBC Suisse… Le scandale met à nu un système bancaire facilitant fraude fiscale et blanchiment d’argent à l’échelle de la planète avec 180,6 milliards d’euros transitant, à Genève, par les comptes de plus de 100.000 clients et de20.000 sociétés offshore, entre le 9 novembre 2006 et le 31 mars 2007… Frantz Merceron accompagne aussi les Duvalier dans leurs achats immobiliers à l’Étranger. Il en profitera pour s’offrir un petit pied-à-terre d’une valeur de 2.3 millions de dollars dans la charmante rue Guynemer longeant le côté ouest du Jardin du Luxembourg. De 1983 à 1985, en deux ans à la tête du ministère des finances, il aura détourné l’équivalent de $59,870,876(Patricia Camilien)(4 avril 2019).

2 – https://laloidemabouche.ht/2019/04/10/anbadiktati-frantz-merceron/amp/?utm_source=ReviveOldPost&utm_medium=social&utm_campaign=ReviveOldPost&__twitter_impression=true

3 – Traduction : Laisse-moi ma chance. Reprends tes conseils. 

Max Dorismond

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