Pétion-Ville, entre gloire et décadence
4 min readLe 23 septembre prochain, la commune de Pétion-Ville fêtera les 190 ans de sa fondation. Créée par un décret-loi sous la présidence de Jean-Pierre Boyer en 1831, elle appartient à la lignée des agglomérations urbaines créées après l’indépendance, pour la protection civile et la préservation des ressources stratégiques de l’État. Après avoir été un centre commercial et touristique très huppé, elle est revenue au point de départ avec une forte densité démographique. Aucune perspective pour ses 190 ans, un cri d’alarme s’impose.
Placée à une altitude de 98 mètres sur la Coupe Charbonnière, Pétion-Ville a une superficie de 165,49 km2 et comprend 6 sections communales qui sont Montagne-Noire, Étang-du-Jonc, Bellevue-Lamontagne, Aux-Cadets, Bellevue-Charbonnière et Soisson-la-Montagne. Elle est pourvue d’une rivière, de sept sources et de cinq lagons. Elle comprend 54 quartiers qui sont desservis sur le plan scolaire par deux lycées nationaux (le lycée national de Pétion-Ville et le lycée Benoit Batraville) et 4 lycées municipaux. On y retrouve la majorité des commerces, entreprises financières et hôtels de standing international d’Haïti (Kinam, Royal Oasis, Karibe, El Rancho), les conseils d’administration des banques et des grandes sociétés qui contribuent majoritairement à l’assiette fiscale.
À Pétion-Ville travaille une très large population dont les taxes et impôts alimentent une grande partie des recettes de l’État. On y trouve des restaurants pour tous les goûts : italiens (Portofino, Il Vignetto, Fior Di Latte), canadiens (le Saint-Pierre), chinois (le coin de Jacqueline), francais (La Voile, l’Observatoire de Boutilliers, la Lorraine), créole (Assiette Créole, le P’tit creux, la Réserve), américains (Michael’s modern american steakhouse, Smokey’s bar and grill, et libanais (le Beyrouth). Diverses galeries d’arts exposent des œuvres créées par des artistes locaux. La Galerie Monnin ouverte depuis 1956 ; la Galerie d’art Nader, une galerie familiale qui pratique le commerce de l’art, la Galerie Marassa, La Fondation Seguin qui tente de limiter les dégâts de la déforestation. Le tout est agrémenté d’attractions telles Presse-café pour les concerts rétro, Barak, the Groove, Mona’s Cafe plaza, le Fun House, qui partage la culture dominicaine, la brasserie du Quartier Latin, La Vinothèque pour les mordus du vin et le Regency tenu par un Mauricien.
Pétion-Ville est une ville dite privilégiée à cause du métissage des cultures qui s’y trouvent. Durant la période 2012-2017, de nouveaux hôtels ont été construits et des activités internationales ont été délocalisées telles CARIFESTA, le sommet de la CARICOM. Des artistes pour la PAP Jazz et le carnaval ont pu y loger et visiter les anciennes habitations de Pernier, Chateaublond et le parc historique Fort-Jacques et Alexandre qui fait la grandeur de la commune. Avec un tracé plus ou moins régulier de ses rues, d’élégantes résidences, voire des villas, son centre commercial et des équipements urbains adéquats, la commune appelle à la découverte.
Le tourisme, développé à partir du marché local, des apports de la diaspora, du marché caribéen et américain, a été renforcé par ce qui a été appelé la politique de 4S (sécurité, stabilité, salubrité et satisfaction). Un forfait tout inclus fut annoncé et, avec son slogan « Vivez l’expérience », la ville offrait au monde les merveilleuses facettes de son territoire.
Cependant, victimes d’absence de vision, les activités du tourisme ont ralenti peu à peu jusqu’à disparaître de la commune. La fête patronale de Saint-Pierre a disparu des traditions. Le dynamisme économique en termes d’investissements a beaucoup baissé à cause de l’insécurité qui prend de l’ampleur et des projets ont été annulés. L’hôtel Best Western a plié bagages quelques années après son inauguration. Le club Fubar a dû fermer et l’exode s’accélère. La commune perd peu à peu ce qui faisait sa singularité et son attrait, mais tente encore de garder une image positive. Les Pétionvillois, aussi orgueilleux que fiers, créent des organismes pour essayer de reconquérir la gloire de leur ville. Des projets sont élaborés et des plans se préparent. Mais en attendant, aucun préparatif n’est mis en place pour les 190 ans de la commune. On espère encore. On se remémore les prouesses d’autrefois avec mélancolie au cours des conversations dans les taps-taps. La génération d’aujourd’hui, qu’aura-t-elle à raconter plus tard?
Geneviève Fleury