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Quelle transition pour Haïti ?

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Depuis un certain temps, nous constatons la transformation de la bataille politique en une guerre de concepts sans fondement. Chacun des acteurs en produit sans faire bouger d’une miette la situation. On dirait qu’on a changé de paradigme comme si la classe politique traditionnelle se faisait dépasser par ses outsiders. Place aux concepts ronflants et aux résultats insignifiants.

Dialogue, consensus, table rase, système, transition (…) ce ne sont pas ces beaux mots qui nous manquent. Les politiques haïtiens des deux camps nous ont tellement charmé les oreilles avec ces paroles porteuses d’espoir qu’on est presque arrivé à la phase de vendre même son pantalon pour parier sur un lendemain meilleur. Le mal haïtien est cerné. Le système (contenu vide de sens).

L’État de droit et la transition nous reviennent à tout bout de champ. Le Président en parle tout comme l’opposition politique. Le premier insiste pour dire qu’il est le président de la dernière transition, ses adversaires au contraire pensent autrement. Départ de Jovenel d’abord et, ensuite, établissement d’un autre gouvernement avant les élections. Ce qui sous-entend que le nouveau président élu aura pour prédécesseur immédiat un président qui ne portera pas le nom de Jovenel Moise.

Les convictions de part et d’autre sont formées. Chacun tire la corde de son côté, mais en réalité, ils ne font que corser davantage la crise. La situation s’envenime. On flaire une élection dans les mois qui viennent. Quelle que soit sa nature, elle paraît plus évidente à l’heure actuelle qu’une transition qui fait encore douter.

Partant du principe que la transition est l’étape qui sépare deux mandats constitutionnels, il est légitime qu’on regarde les deux projets qui s’affrontent avec des yeux critiques. Pourquoi faut-il au moins trois ans pour changer ce que Boniface Alexandre n’a pas pu changer, et encore moins Jocelerme Privert? Il nous a fallu toujours ce type de gouvernement pour corriger. 2005 nous a donné Préval, tout comme 2016 nous a livré Jovenel. 2021, 2022, 2023 ou 2024 vont nous gratifier d’un autre président qui sera tout aussi décrié et illégitime et le cycle va ainsi continuer son cours.

Entre quatre présidents élus, on a eu deux transitions et, avec celle, probablement de 2021, on en aura trois. Suffisant pour juger que le problème fondamental n’est pas encore identifié. Que les traditionnelles tactiques politiques sont loin d’être révolues. C’est toujours le même procédé :  » vous avez fait votre temps sous la mamelle, à moi maintenant d’en profiter ».

Les élections aussi peuvent faire l’objet de transition. Depuis 2001, on n’en a réalisé qu’une seule, celle ayant porté au pouvoir Michel Joseph Martelly. Cela étant dit, à ce niveau (on a remplacé un élu par un élu), Haïti vit un mal chronique et, ce n’est pas seulement au niveau de la présidentielle. En réalité, sur cet intervalle, on a réalisé plus de passations du pouvoir à travers un gouvernement de transition que le passage direct par les élections.

Donc, après avoir considéré les griefs de l’opposition, le déficit de confiance populaire manifesté vis-à-vis des leaders, après avoir constaté les divisions des acteurs politiques, l’insécurité, les décisions contestées du chef de l’État, les mésaventures des têtes de pont de l’opposition, il est crucial de se questionner sur la qualité de la transition que nécessite le pays. Gouvernement provisoire ou élections ? Les politiques ont raison de croire que la transition est incontournable. Cependant, cette transition, avant d’être politique, implique un repli sur soi pour rapatrier la confiance à travers les actes, pour amorcer l’incontournable dialogue et réaliser cette réconciliation nationale tant souhaitée. Pour cela, on n’a pas besoin d’un gouvernement de transition, ni la tenue d’élections anticipées.

Daniel Sévère 

danielsevere1984@gmail.com

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