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Quelles sont les sources du droit du numérique en Haïti ?

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Le numérique est devenu indispensable dans les sociétés modernes et dans tous les secteurs d’activités. À titre d’illustration, selon les dernières estimations, le commerce en ligne a rapporté plus de cinq (5) trillions de dollars américains en 2022. Les experts prévoient que ce chiffre atteindra plus de huit (8) trillions d’ici 2026. Ce phénomène mondial n’épargne pas la vie nationale. En Haïti, de plus en plus d’individus se tournent vers les réseaux sociaux pour promouvoir leurs activités  entrepreneuriales ou monétiser les contenus de leurs comptes sur ces plateformes. En outre, les technologies de l’information et de la communication ont permis aux individus d’avoir un plus grand accès à l’information de qualité et de nouveaux moyens d’exercer leurs droits fondamentaux.

Cependant, force est de constater que les TIC sont porteurs d’autant de défis que d’opportunités. Cette ambivalence du numérique laisse perplexe les différents acteurs de la société, et même des juristes chevronnés quant aux règles de droit qui ont pour vocation à s’appliquer à celui-ci. Cette situation est entretenue en Haïti du fait qu’il existe un déficit juridique dans la réglementation du numérique et les quelques lois spécifiques dans le domaine sont très peu connues des citoyens et même des professionnels du droit.

Procédure d’abrogation d’un texte de loi

Ubi societas, ibi Jus, dit l’adage. Cela revient à dire que dès lors qu’il existe des interactions humaines dans un environnement, nous devons nous questionner sur les règles de droit qui s’y appliquent. Cette question retrouve toute sa pertinence dans le cyber espace qui est caractérisé par l’interactivité.

Le numérique présente des caractères nouveaux qui rendent difficile l’application des lois traditionnelles. De plus, l’absence de sensibilisation sur les enjeux juridiques des TIC ont favorisé des conceptions qui soutiennent que les lois antérieures au développement des TIC n’y sont pas applicables. Face à cette conception erronée, il est important de rappeler la procédure d’abrogation d’une loi du point de vue du droit haïtien.

Dans la législation haïtienne, un texte juridique publié dans le Moniteur (Loi, décret, Arrêté, etc.) ne peut être abrogé que par un autre texte de même rang ou supérieur, de manière directe ou indirecte. Quoique la Constitution invite le législateur à faire évoluer le droit en fonction des évolutions sociales, aucune évolution sociale ou technologique aussi disruptive qu’elle soit ne peut abroger un texte de lois.

« De ce fait, il est erroné de croire que les lois antérieures aux TIC sont abrogées  du fait qu’elles n’ont pas été spécifiquement prévues pour ces dernières. »

Cet exemple tiré de la pratique états-unienne établit la survivance de la législation antérieure au numérique à celui-ci.

Ainsi, le Presidential Record Act (PRA) de 1978 prévoit que tous les discours, vidéos et publications faits par un Président américain en fonction deviennent la propriété des États-Unis après sa présidence. Cette loi est antérieure à la création du Web, créé en 1989 par Tim Berners-Lee et aux réseaux sociaux qui ont vu le jour au début des années 2000. Cela n’empêche pas qu’elle continue de s’appliquer à la présence des Présidents américains sur les réseaux sociaux. En effet, une visite sur les anciennes pages officielles des anciens Présidents Barack Obama et Donald J. Trump nous apprend que les données de ces comptes sont gérées par le National Archive and Recors Administration.

Définition et objets du droit du numérique

Le droit du numérique est une branche du droit transversal et éparse. Il a pour vocation de règlementer les technologies numériques et les interactions qui s’y déroulent. Le droit du numérique s’est développé durant ces dernières années en différentes sous-branches telles le droit des télécommunications, le droit de l’internet, le droit de la protection des données à caractère personnel, le droit de la cybersécurité et le droit de l’économie numérique, etc.

Du fait de l’impact du numérique sur tous les secteurs d’activités et leur omniprésence dans la vie quotidienne, cette branche du droit tend à s’appliquer à des objets variés, tels  la propriété intellectuelle, le commerce électronique, les droits fondamentaux, les données personnelles, les services financiers et bancaires, la presse,  le sport en ligne, la criminalité informatique, les contrats, le travail à distance, la gouvernance électronique, etc.

Envisagées comme telles, les sources normatives du numérique se trouvent au niveau international (1) et national(2).

  1. Les sources internationales

Les normes internationales du droit du numérique sont institutionnellement  issues  du soft Law, entre autre.

Étant donné qu’Haïti ne fait pas partie de l’Union Européenne, nous n’aborderons pas les normes européennes du droit international du numérique. Nonobstant le fait que ces normes soient considérées dans beaucoup de domaines comme les plus avancées dans le monde.

Au niveau onusien, les débats sur les règles de droit ayant vocation à réguler les technologies de l’information et de la communication remontent au tout début de ces technologies. Récemment, plusieurs groupes d’experts gouvernementaux et indépendants mobilisés par l’Assemblée générale se sont succédé pour étudier l’applicabilité du droit international public aux TIC, notamment au cyberespace.

Il faut préciser de prime abord, qu’à ce jour il n’existe aucun traité au niveau onusien spécifique aux TIC. Les objectifs des groupes d’experts étaient d’étudier l’applicabilité du droit international, particulièrement la Charte des Nations Unies, aux États dans le cyberespace. Il ressort des différentes recommandations de ces groupes que la Charte de l’ONU et le droit international en général continuent de s’appliquer aux États dans le cyber- espace.  Une autre évolution remarquable émanant de ces discussions est les normes de conduite recommandées par les experts qui sont destinées à être appliquées par les États.

[…].Les normes internationales du numérique sont également  issues du soft law.

En raison de l’absence d’organismes capables de fixer des règles contraignantes, on a constaté durant ces dernières années le développement d’une certaine souplesse dans la formulation des règles de droit international applicable au numérique, comme en témoigne l’usage intempestif des recommandations, des déclarations et plan d’actions qui font appel plutôt au volontarisme.

En outre, le développement des normes applicables au numérique, au cyberespace particulièrement, a pour particularité de remettre en question le monopole normatif de l’État. En effet, plusieurs acteurs autres que des organes intergouvernementaux, issus de la société civile, du secteur privé et académique ont aussi formulé des normes qui ont pour vocation de règlementer les interactions dans le cyberespace.

  1. Les sources nationales

Nous pouvons distinguer des normes en fonction des acteurs, celles applicables aux institutions publiques et aux individus.

  1. Les sources applicables aux institutions publiques

Comme nous l’avons  indiqué précédemment, les obligations des institutions publiques subsistent dans le cyberespace, même si de nouvelles règles sont nécessaires pour faciliter les actions des institutions dans bien des cas. Spécifiquement, ces textes possèdent des dispositions qui abordent de manière directe les questions juridiques du numérique dans le cadre de l’action institutionnelle:

  • Arrêté du 25 mai 2009 portant organisation et fonctionnement de l’Office de Management des Ressources Humaines (OMRH)
  • Arrêté du 9 juillet 2014 créant le Comité interministériel sur les technologies de l’information
  • Décret du 6 janvier 2016 reconnaissant le droit de tout administré de s’adresser à l’Administration publique via les moyens électroniques
  • Loi du 14 février 2017 sur la signature électronique adaptant le droit de la preuve aux technologies de l’information et élargissant les compétences du Conseil national des télécommunications
  • Décret du 26 octobre 2015 portant organisation et fonctionnement du Ministère de la Défense
  • Loi  de 2012 sur les Banques et autres Institutions Financières
  • Les sources applicables aux particuliers

À l’instar des règles applicables aux institutions, les actions des particuliers continuent d’être soumises aux règles de droit promulguées même avant l’avènement du numérique. Par exemple, en matière contractuelle, quoique les dispositions du Code civil datent du 19e siècle, le citoyen qui contracte une obligation doit respecter les principes généraux des activités contractuelles. Autre exemple, les individus gardent leurs droits fondamentaux en ligne et ne peuvent pas outrepasser leurs limites dans le cyberespace.

Toujours est-il que les règles traditionnelles s’accommodent mal aux caractéristiques du cyberespace. L’État doit prendre de nouvelles mesures juridiques et institutionnelles afin de réguler les activités dans le cyberespace, mais surtout créer de nouvelles prérogatives ou élargir celles existantes afin de favoriser les actions des organes de contrôle.

En guise de conclusion, plaisons-nous a répéter que les sources du droit du numérique sont éparses et diverses. À l’heure actuelle, il n’existe pas de code du numérique dans le pays, de ce fait, la connaissance des règles ayant pour vocation de régir les interactions et les technologies numériques restent difficiles même pour des juristes chevronnés.

Afin d’éviter des gaspillages de fonds en passant directement à l’action sans une planification stratégique, il est primordial que le Gouvernement lance  un audit juridique et institutionnel du secteur des TIC en vue de proposer les normes et les institutions adéquates, nécessaires à l’émergence de ces civilisations numériques. Par ailleurs, cet audit fournira à l’État « les clés de lecture » pour agir de manière stratégique et non pas dans le seul but de donner un air de modernité juridique sans pouvoir réellement faire appliquer les nouvelles règles. 

Jameson PIERRE-LOUIS

Spécialiste en droit du numérique

E : connectjamesonpierrelouis@gmail.com

T : +509 3567  34 95

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