mer. Avr 24th, 2024

Le Quotidien News

L'actualité en continue

« Si on choisit d’être une démocratie, il faut rendre possible l’organisation des élections », soutient le professeur Alain GUILLAUME

4 min read

Sous l’égide de la Constitution de 1987, il est rare d’assister à une alternance politique suivant les normes en Haïti. Pour les premières fois de son histoire, le pays a connu de longues vacances présidentielles en l’espace de cinq ans. S’agit-il d’une crise de système ? Faut-il changer le mode de scrutin et revenir vers les élections présidentielles indirectes ? Le professeur Alain GUILLAUME répond.

Jusqu’en 1950, les présidents haïtiens étaient élus au suffrage indirect par le pouvoir législatif. Mais depuis cette date qui vit l’avènement de Paul Eugene Magloire au pouvoir selon ce nouveau mode de scrutin, une nouvelle tradition semble s’être instaurée. Pour Me Alain GUILLAUME qui est avocat au Barreau de Port-au-Prince, Docteur en Droit Public, chercheur et Professeur d’université depuis 2001, le mode de scrutin n’enlève ni n’ajoute rien au caractère démocratique de l’État, l’important c’est d’agir suivant les règles établies.

En effet, le respect des règles du jeu démocratique ne semble pas être la priorité des acteurs sur la scène politique haïtienne. Les dispositifs constitutionnels sont constamment bafoués et aujourd’hui, le pays se retrouve en plein dans une situation qu’il conviendrait de qualifier d’ « aconstitutionnalité ». Des institutions prévues par la Constitution n’ont jamais vu le jour après 35 ans,  comme le Conseil Électoral Permanent, la Cour Constitutionnelle ou des Conseils Interdépartementaux. De même, le renouvellement du personnel politique au niveau de l’État semble être un véritable casse-tête, et organiser des élections représente un lourd fardeau pour le pays.

Faut-il revenir au suffrage indirect ?

Peu de gens semblent vouloir se rappeler cette époque où le suffrage indirect servait à élire le Président de la République. Aujourd’hui en Haïti, le suffrage universel direct veut s’installer dans la tradition politique, mais c’est une tradition qui bat encore de l’aile, les élections ne semblent pas être une affaire haïtienne. « Le suffrage direct donne à la population l’impression de participer réellement. Ce mode de scrutin est également devenu depuis un certain temps une tradition. Quand on a introduit le modèle du suffrage direct pour la présidence de la République, ça a été considéré comme étant une conquête même s’il y avait eu quelques contestations avec l’élection du Général Paul Eugene Magloire. Nous savons tous les problèmes qu’il y a eu avec l’élection du Président François Duvalier mais le peuple veut se reconnaître à travers le Chef de l’État qui est la personnification de la nation. Donc, dans le contexte haïtien, il est très difficile de demander à la population haïtienne d’accepter d’avoir un Président définitif qui ne soit pas élu directement par elle, » rappelle le professeur Alain GUILLAUME.

Cependant, pour le Docteur en Droit Public, le mode de scrutin permettant d’élire le pouvoir exécutif ne détermine en rien le niveau de démocratie d’un État. « Il est important de préciser que les deux modes de scrutin sont démocratiques, il n’y a pas un qui soit plus démocratique que l’autre dès lors que l’on respecte les normes, dès lors que les députés qui vont élire le Président sont des députés préalablement élus par les assemblées primaires, ce sont des élections démocratiques. Haïti n’est pas plus démocratique que l’Allemagne où le Chancelier et le Chef de l’État ne sont pas élus par l’ensemble du peuple. Personne n’est élu par l’ensemble du peuple au Royaume-Uni ; personne n’est élu par l’ensemble du peuple en Espagne ou en Allemagne. Et en dépit de cela, c’est un modèle démocratique », argumente-t-il.

Des élections indirectes de la Constitution de 1987

Combien savent que la Constitution de 1987 prévoit des élections indirectes aux cotés des suffrages universels directs ? Le non-respect des dispositions de la Constitution et le manque de volonté des pouvoirs en place font qu’aucun système ne semble convenir au pays. « En réalité, peu importe le système choisi, il est possible de le pervertir. Actuellement en Haïti, nous avons un système électoral basé sur un suffrage universel direct pour presque tous les postes –  sauf le Conseil Interdépartemental qui n’a jamais été véritablement mis sur pied – et pourtant il est perverti », explique le professeur.

« Les différents régimes qui se sont succédé au pouvoir n’ont pas particulièrement brillé par leurs options démocratiques. Les procédures sont le plus souvent ralenties par les détenteurs du pouvoir pour que les élections indirectes n’aboutissent pas. D’autant plus que les élections devant conduire à celles indirectes sont très souvent contestées. Ces contestations freinent tout le mouvement pendant que ceux qui sont au timon des affaires ne sont quant à eux, pas très intéressés à mettre en place des institutions qui vont leur ravir une parcelle de leur pouvoir. […] Les Conseils départementaux ont vocations à avoir un poids important au moins dans la gestion administrative du pays. Il y a donc une crainte par rapport à cet émiettement du pouvoir administratif dans les départements », fait-il savoir. 

Clovesky André-Gérald Pierre

cloveskypierre1@gmail.com

Laisser un commentaire