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Un rapport d’enquête à faire gémir le p’tit chien de Martine

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Par Max Dorismond

Se déplaçant sous bonne escorte dans les rues du Cap-Haïtien, la veille des funérailles du président sauvagement assassiné, le DG de la PNH, le sieur Léon Charles fut interpellé par un effronté dans la foule : « Eh, chef, regarde toute la sécurité autour de vous, est-ce que le défunt président en avait autant ? ». C’est une impertinente interrogation à double volets, à glacer le sang d’un suspect, ou à le forcer à chier dans son froc.

Action – Réaction : Je m’attendais à une certaine contre-attaque pour adoucir certaines mœurs débridées dans la cohue. Pris de court, les culottes à terre, deux jours plus tard, à bride abattue, les officiels sur qui plane un doute national ont refilé à la presse un rapport d’enquête, écrit par les officiers de service, témoins du triste évènement de la nuit du 7 juillet 2021.

Certains journalistes en mal de célébrité sautent sur la « Nanann1 » et crient au scoop, scoop, pour exposer avec panache leur heureuse trouvaille. Les policiers ravis se frottent les mains d’aise. Un certain soulagement leur conforte l’échine, face à cette réception divine des médias de ce document digne d’un film du Far West, un scénario de cow-boys spaghettis des années 60, raconté par des adolescents.

En plein 21e siècle, le rapport en question me transporte dans l’arrière-pays avec, dans le décor, non pas un cadre de la police comme auteur, mais un « chef de section communale », rédigeant une narration après un vol de cabris dans la campagne environnante. 

Tout cela n’est que de la poudre aux yeux pour brouiller la vision de quelques excités de la rue. Si l’enquête laisse couler ces niaiseuses informations, c’est qu’il existerait un point d’intérêt : faire du cover-up pour créer une diversion et protéger plusieurs suspects. Certains sentent la soupe chaude et jettent l’anathème sur les petits policiers, ces petits pions qui avaient reçu l’ordre de se la fermer.

À l’ère de la haute technologie, sur n’importe quel téléphone ordinaire, on peut suivre en temps réel tout ce qui se passe chez soi, allez voir chez un président. Les cadres de la police haïtienne n’ont pas été formés en Haïti, mais bien à l’étranger. À titre d’exemple, Dimitri Hérard a étudié en Équateur. Donc, ils s’y connaissent tous en protection électronique.

Par conséquent, point n’est besoin de ma part d’effectuer des recherches pour mon commentaire. Les responsables de la sécurité devraient recevoir sur leur téléphone de service, scripté, sur leurs écrans chez eux, une alerte en direct de tout ce qui cloche chez le premier citoyen de la Nation. C’est indéniable. Ne venez pas écrire : « Le président m’a téléphoné pour me dire qu’il est en danger ». C’est comique. Pendant que les balles lui fracassent le crâne, il téléphone. Ton-nè !

 En principe, pour une maison sécurisée, un intrus à 50 mètres aux alentours devrait être signalé électroniquement aux responsables, aux gardiens de sécurité, via un écran. Avec un simple cellulaire aujourd’hui, plusieurs Haïtiens en voyage à l’étranger regardent tout ce qui se passe chez eux. S’il y a des intrus, ils reçoivent une alerte automatiquement, quel que soit le point où ils se trouvent sur le globe.

À titre d’exemple, allez faire un simple geste d’envoyer une mangue en cadeau à travers les airs pour l’ambassadeur américain et vous me direz ce qui vous arrivera dans une fraction de seconde. Et ceci vaut pour toutes les ambassades de Port-au-Prince. Tous les Haïtiens le savent. C’est pourquoi, quand la populace crie au « Pays Lock », elle connaît instinctivement son parcours et ses limites. Elle n’a point besoin d’œillères ni de balises.

Messieurs les policiers, n’essayez pas de faire croire au public que vous êtes des imbéciles. En tout cas, le plus imbécile n’est pas le peuple haïtien. Point n’est besoin d’entrer dans les détails! Un budget spécial a été voté pour une sécurité sophistiquée du premier citoyen. Dites pourquoi ça n’a pas fonctionné ? L’expression « caméra de sécurité » n’a jamais été prononcée jusqu’à présent. Pas une fois. Cherchez l’erreur ! Où est passé le drone du Village-de-Dieu ?

Aujourd’hui, vous pouvez doter votre enfant de 6 ans d’un téléphone cellulaire ou d’une simple puce électronique achetée dans les magasins en vrac et le laisser sortir seul pour aller chez ses copains et vous l’aurez à l’œil. Messieurs les policiers, vous qui avez étudié la sécurité à l’étranger, le pays hôte qui vous avait instruits vous attendait dès le premier jour avec sa panoplie de gadgets électroniques pour offrir à votre gouvernement toutes sortes de bébelles de sécurité. En réalité, qu’en avez-vous fait ?

Oh oui, le président a téléphoné : je suis en danger, viens me sauver.

Messieurs, cessez ce carnaval risible. Nous ne sommes pas en février. Cessez de faire les clowns. Ou bien les journalistes jouent aux fanfarons avec leurs auditeurs naïfs, ou bien c’est une fausse primeur (scoop). Ce n’est pas sérieux.

Le président savait que sa vie était en danger. Il répétait souvent, à qui voulait l’entendre, qu’il restait tard la nuit, sur internet, cherchant les prix réels des matières premières, pour mieux confondre les contrebandiers qui voudraient lui vendre à prix d’or le kilogramme d’asphalte. De la même façon, il aurait pu aller pianoter sur son ordi, en écrivant simplement sur son navigateur : « Comment sécuriser ma maison ».

En guise de réponse, plus de 10 000 accessoires de sécurité à vendre sur la toile seraient disponibles par ce simple geste. Donc, il lui aurait suffi d’en commander, et le voilà avec un écran et des « boutons colorés » à presser à chaque 5 mètres chez lui pour contacter le vigile concerné. Nous ne sommes plus au temps où l’agent de sécurité faisait sa ronde, les yeux rougis par le sommeil et une clochette à la main pour effaroucher les chats.

Que faites-vous de l’alarme insonore, connue sous le titre de « Alarme invisible », qui résonne au bureau de la police seulement, annonçant que votre maison n’est pas sécurisée et qu’il y a un intrus ? Je ne veux nullement penser que je suis mieux protégé que le président d’Haïti qui essuie à longueur de journée la hargne des impatients qui rêvent de le remplacer devant la caisse sonnante et trébuchante. Voyons donc !

D’ailleurs, si la vie du président était assurée par une quelconque compagnie d’assurance, cette dernière lui aurait conseillé un kit de sécurité. C’est l’abécédaire de la protection.

Cette enquête résumée avec panache par certains « radioman », friands de scoops, si je me permets cette nuance, me laisserait perplexe. Heureusement qu’il en existe d’autres journalistes, moins avides de reconnaissances et plus circonspects, pour l’expliquer avec une certaine réserve et un certain détachement, pour éviter d’être manipulés. Vous percevez leur gêne et non le triomphe de l’acceptation, lors de la lecture de ce rapport bidon qui nous ramène dans les campagnes haïtiennes, à l’époque où les « Chef sections » remplissaient des procès-verbaux pour quelques voleurs de poules.

Je sais que, globalement, Haïti est en retard, mais sur le plan individuel, beaucoup d’Haïtiens ont évolué, ont étudié, et ont vu du pays. Donc, ils ne sont pas prêts à laisser tordre le cou à la vérité aussi facilement. Comme l’avait répété Jean Dominique : « Ne prenez pas les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages ». Tout cela sent la magouille, le cover-up, pour cacher la vérité, créer la diversion pour noyer l’évènement, et faire la part belle aux vrais coupables qui sourient de toutes leurs dents en se disant : « Lankêt fink kare se pouswi ».

Max Dorismond

Note – 1 : « Nanann » : Expression comique dans le savoureux créole haïtien désignant un appât pour attirer et piéger un animal retors, un rongeur nuisible, un pigeon craintif, etc. Elle vient d’un diminutif du mot « banane » utilisée ici pour appâter les journaleux.  

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