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Vers l’allongement de la liste des « territoires perdus » avec Mariani ?

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Le 1er novembre dernier, la localité de Mariani, zone limitrophe des communes de Carrefour et de Gressier, s’est réveillée sous haute tension. Des individus armés  ont envahi ce quartier où vivaient paisiblement des milliers de citoyens qui, depuis, ont fui leurs maisons pour la grande majorité.

Les groupes armés continuent leur conquête du territoire national, en particulier dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Après Carrefour-Feuilles, les hommes armés ont mis le cap sur la communauté de Mariani. En effet, dans la nuit du 31 octobre, ces malfrats ont pris d’assaut la localité. Dès les premières heures du jour, les habitants ont constaté leur présence. Les bandits ont investi, entre autres,  l’abattoir de Mariani et le marché de cabris de la zone, situés à proximité de la route nationale #2.

Selon les témoignages concordants de plusieurs riverains, ces hommes armés dont le nombre exact n’a pas pu être déterminé, sont des anciens enfants de la communauté, qui ont été chassés pour diverses raisons et qui ont rejoint les groupes armés de Martissant et de Village de Dieu. Une information confirmée par une vidéo mise en ligne le lendemain du débarquement, par l’un des principaux « chefs » de ce groupe.

« Mariani est attaqué par ses fils. Les individus qui sèment la terreur aujourd’hui ont grandi à Mariani, », explique Moïse Cinéus, un enseignant vivant dans les zones avoisinantes de Mariani. « Les individus armés sont arrivés à Mariani dans la matinée du 1er novembre. Ils circulaient librement dans la zone avec leurs armes en main. La situation allait s’aggraver au moment où les agents de la Police Nationale d’Haïti ont essayé de les repousser. Les bandits ont riposté. Ils ont saboté un véhicule de la PNH », explique M. Cinéus soulignant que des dizaines de résidents de Mariani ont dû fuir leurs maisons pour échapper à la terreur des individus armés. « Moi et ma famille nous n’avons nulle part où aller. Nous sommes obligés de rester dans le quartier », a-t-il poursuivi en dénonçant l’irresponsabilité des autorités de l’État. « C’est l’État le responsable de tout ce qui se passe aujourd’hui à Mariani », affirme-t-il.

En ce qui concerne l’objectif de ces individus armés, un habitant sur place nous confie : « Cela fait longtemps que ces gens (les hommes armés) veulent établir une base dans cette zone stratégique où beaucoup d’intérêts économiques sont en jeu. Plusieurs tentatives ont échoué… ».

C’est presque le même son de cloche pour le maire de la commune de Gressier, Jean Vladimir Bertrand, qui intervenait sur les ondes radiophoniques  au cours du week-end écoulé. « Ils chassent les gens de leurs domiciles et s’installent en maîtres et seigneurs dans ces lieux », explique le premier citoyen de la commune. « Ils s’installent surtout dans les hauteurs pour pouvoir dominer toute la zone », à en croire M. Bertrand.  « Malgré la présence de plusieurs unités de la PNH, les gangs armés ont toujours le contrôle de Mariani. Si ces individus prennent définitivement Mariani en otage, ils auront le contrôle de plus de quatre départements », affirme-t-il.

La PNH, étant informée de la situation, a tenté dès le 1er novembre de dénicher ces hommes armés. Une opération qui s’avère difficile du fait de la maîtrise du terrain par les hommes armés. Effrayés par les bruits des rafales automatiques quasi quotidiennes et craignant pour leurs vies, les habitants fuient les quartiers par dizaines, voire par centaines.

 « Je n’ai plus de voisins désormais, ils sont tous partis. C’est la désolation totale », se désole une jeune résidente restée sur place. Elle ajoute par ailleurs que, depuis le début de l’invasion des hommes armés, elle assiste à une augmentation exponentielle quasi quotidienne des gens fuyant la zone. « Je n’ai nulle part où aller, c’est pour cela que je ne suis pas déjà partie. Si la situation s’aggrave, j’ai bien peur de ne pas avoir d’autres options que de me rendre en province », se plaint la demoiselle.

Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), plus de 2 500 personnes ont fui la zone entre le 1er et le 6 novembre. Un chiffre largement en dessous de la réalité, selon plusieurs observateurs.

À côté du déplacement massif de ces habitants, des victimes sont à déplorer dans le camp de la population civile. En fuite pour échapper aux gangs, Josué (nom d’emprunt) nous confirme avoir recensé plusieurs cadavres sur la route nationale #2. « Quand j’ai pris la route pour me rendre à Gressier [le centre-ville de la commune, ndlr], j’ai compté au moins trois corps sans vie qui jonchaient la route ». Par ailleurs, plusieurs personnes sont portées disparues, dont le policier Junior Berlus, qui travaillait dans la zone au moment de l’invasion des hommes armés, selon le Syndicat National des Policiers Haïtiens (SYNAPOHA).

Mariani est-il en train de devenir un « territoire perdu » de plus ? Les habitants de cette localité ne veulent pas se faire d’illusions. « Il est encore tôt pour l’affirmer, mais en même temps si on regarde les autres zones qui ont été envahis par les bandits armés et les actions qui ont été entreprises, il paraît évident qu’on ne peut compter ni sur la police ni sur l’État pour libérer la zone », nous dit un [ancien] leader de la zone qui a été, lui aussi, contraint de fuir sa maison. « Seule une opération sur le terrain pourrait permettre de libérer la zone », ajoute-t-il.

Après Carrefour-Feuilles, Canaan, une partie de la Croix-des-Bouquets, Martissant,  pour ne citer que ceux-là, Mariani semble être en bonne position, malheureusement,  pour allonger la liste des zones de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince où les hommes armés dictent leur loi, laissant planer la perplexité des citoyens quant au contrôle du territoire par l’État.

Faut-il le rappeler, la prise de Mariani peut avoir des conséquences néfastes sur le pays, notamment pour la région des Palmes, ainsi que les départements des Nippes, du Sud’Est, du Sud et de la Grand’Anse. En effet, cette zone stratégique constitue la seule voie terrestre permettant de se rendre dans ces départements ainsi que dans une bonne partie du département de l’Ouest.

En visite dans le pays, l’expert indépendant sur la situation des droits humains en Haïti William O’Neill a tiré la sonnette d’alarme sur le nombre de déplacés qui ne cesse de s’accroître du fait de la montée en puissance des gangs armés. Selon l’expert, le nombre de déplacés seraient plus de 200 000, dont 131 000 dans la seule zone métropolitaine de Port-au-Prince, selon des chiffres publiés par OIM en août 2023. Beaucoup vivent dans des conditions infrahumaines dans des camps de fortune, sans aucun accès aux services de base. Une situation qui risque de s’aggraver si rien n’est fait pour contrecarrer l’expansion continue des groupes armés dans le pays.

La Rédaction

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