Vers une meilleure représentation du café avec « kafe anmè, kafe solèy »
4 min readL’Association touristique d’Haïti (ATH) a réalisé une exposition historique et culturelle et quatre journées de conférence portes ouvertes sur le café et l’esclavage. L’événement s’est déroulé du 25 au 28 novembre 2023 au Salon Guiteau de l’Hôtel Oasis sur le thème : « Kafe anmè, kafe solèy ». Cette exposition était l’occasion de revivre le XVIIIe siècle, à l’époque de Saint-Domingue, sur le site de l’Habitation caféière de Guyon.
Pendant la période de la colonisation française, le café était l’une des denrées les plus exploitées dans la colonie de Saint-Domingue. Pour répondre aux besoins des économies de plantations, la traite négrière a connu un essor spectaculaire au XVIIIe siècle. Chaque semaine, des esclaves arrivaient par bateaux dans la colonie pour travailler dans les champs de café, de canne à sucre, de coton, entre autres. On est passé ainsi, à Saint- Domingue, de 200 000 esclaves en 1713 à 500 000 en 1789. Le café et l’esclavage ont été ainsi très liés dans l’histoire du peuple haïtien. Le café est à la fois une histoire sombre et glorieuse. Sombre, parce que cela rappelle les moments de torture des esclaves. Glorieuse, parce que, après l’indépendance haïtienne en 1804, l’économie du pays reposait sur la production du café. Son exploitation occupait plus de 100 000 hectares de terres, soit 3,6 du territoire. Donc, le thème « Kafe anmè, kafe solèy », traduit des moments de douleur et de célébrité dans l’histoire haïtienne.
En effet, à travers cette initiative, les organisateurs visaient également à mettre en avant deux sites de la chaîne des Matheux. L’habitation Dion qui est l’une des anciennes plantations caféières et le fort Drouet, une ancienne forteresse. Selon la Présidente de l’ATH, Raina Forbin, interviewée à l’émission Panel Magik, l’Association intervient sur ces sites depuis 3 ans. Pour ces interventions, ils ont reçu une subvention pour procéder à la réhabilitation partielle du fort et pour le financement d’un projet à caractère social auprès des habitants des zones avoisinantes de l’habitation Dion, afin de les aider à relever leur niveau de vie et de leur permettre de revaloriser le café, qui est un patrimoine national.
« Suite à l’ensemble des travaux réalisés avec les habitants de ce site, nous avons jugé nécessaire de porter ce projet sur le devant de la scène pour la grande majorité afin qu’elle puisse comprendre ce que représentait cette habitation et les opportunités qui peuvent en découler aujourd’hui », a déclaré Mme Forbin sur les raisons qui motivent cette exposition, souhaitant que, par ailleurs, ce site devienne à l’avenir aussi prisé que la Citadelle Henry Christophe.
Pendant ces quatre jours, des matinées d’animation en archéologie et des conférences ont eu lieu sur des thématiques diverses telles l’identité, le patrimoine, la mémoire entre autres. Le panel constitué de plusieurs experts nationaux, était l’occasion pour divers intervenants de souligner l’importance de nos patrimoines. En effet, l’intervention de l’ex-ministre de la Culture Monique Rocourt a mis en avant « l’importance, pour un peuple, de reconnaître et de faire la paix avec son histoire et de relever le niveau de son identité dans l’espace où il vit ».
Par ailleurs, l’ingénieur Elsoit Colas, de l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN) est intervenu sur la sauvegarde des monuments. Michèle Oriol, du Comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT), a été invitée pour une présentation du Parc national historique des Matheux. Le directeur du Bureau national d’ethnologie (BNE), Erol Josué, a présenté sa conférence sous le thème « Le patrimoine immatériel sur les sites des Matheux».
Pour clôturer cette activité qui, selon la Présidente de l’ATH, a été une réussite, Monique Rocourt et Raina Forbin en ont profité pour présenter le projet ATH-Matheux au grand public. Ensuite, Daniel Elie, a présenté une conférence sur le thème : « La réhabilitation d’un site : Quelle option adopter ? ». Enfin, Douglas Wiener est intervenu autour du thème : « Rendre au café ses lettres de noblesse ».
Le projet de l’ATH sur ces sites dans les Matheux constitue un projet pilote, a indiqué Mme Forbin. Elle en a profité pour appeler d’autres groupements de la société à supporter d’autres projets visant la protection des patrimoines du pays, précisant que la protection de ces sites n’est pas seulement la responsabilité de l’État.
Fondée en 1951 par des opérateurs touristiques, l’ATH est une association nationale regroupant des entreprises issues de tous les secteurs d’activités touristiques. Sa mission est de s’engager activement à promouvoir le pays comme destination touristique, afin de contribuer au développement de l’image d’Haïti qui se distingue des pays de la Caraïbe par sa culture, son histoire et son archéologie.
Marie-Alla Clerville