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Visite d’une école spécialisée dans l’instruction des enfants à besoins spéciaux

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Logée à Tabarre, l’École Saint Joan Margaret de la Fondation Saint Luc, est une institution spécialisée dans l’instruction des enfants à besoins spéciaux, fondée en 2010 après le séisme dévastateur. Espace bien aéré, avec des arbres aux alentours, la grande cour de cet établissement semble bien adaptée aux conditions des handicapés. A preuve, çà et là on peut voir, aux heures de récréation, ces enfants épanouis qui s’amusent en toute quiétude.

Il est 10h 45 du matin en ce vendredi 27 novembre 2020. Les enfants affectés par différents handicaps rejoignent à peine leurs classes respectives, après la récréation sur la cour. Jenny Vilsaint Dory, Secrétaire de ladite école, éclaire le journal sur la situation de chaque enfant. « On reçoit ici des enfants sourds-muets, des handicapés visuels, à savoir des non-voyants et des malvoyants, des enfants à mobilité réduite, ceux qui souffrent de Trisomie 21 et de déficience intellectuelle, des autistes, entre autres ». « Les enfants ont droit à au moins un plat chaud par jour. Ils ont droit également à des consultations médicales », explique la Secrétaire Jenny Dory.

Les élèves sont encadrés par des instructeurs chevronnés, à en croire la Secrétaire, dont la plupart ont eux aussi un handicap. En effet, M. Hercule Sylias, tuteur de la deuxième année fondamentale, est non-voyant depuis l’âge de six ans. Musicien et compositeur, le professeur Sylias, ancien étudiant de la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Port-au-Prince, a de l’or au bout de ses doigts. Comme on le dit communément, son sixième sens est bien aiguisé.

« Le fait qu’on ait un handicap visuel n’implique pas pour autant qu’on ne  puisse pas percevoir le monde. On perd la vue mais on ne perd pas la vie », précise M. Muller Lundi, instructeur en réhabilitation des personnes handicapées visuelles à Saint Joan Margaret, qui, lui également, a des problèmes visuels. « Ce n’est pas une question de sixième sens sans lequel le non-voyant serait voué à l’échec. Ce sont, au contraire, les autres sens que le non-voyant va exploiter davantage que les voyants », précise-t-il. Ainsi, le non-voyant, explique le traducteur en écriture braille, M. Lundi, se sert de son toucher pour lire une écriture qui lui est propre.

« Pour s’instruire, le non-voyant a nécessairement besoin d’une machine Braille avec laquelle il va pouvoir écrire », déclare M. Lundi. Or, cette machine coûte plus d’un millier de dollars (us). Selon l’instructeur, il est extrêmement difficile, voire quasiment impossible que chaque enfant en détienne une parce que le parents n’en ont pas les moyens. D’où la nécessité d’une subvention de l’État. « L’État devrait en ce sens subventionner les matériels d’apprentissage des personnes handicapées. S’il ne le fait pas, c’est parce qu’il ne prône pas une éducation inclusive », dénonce M. Muller. Le non-voyant a besoin entre autres, d’un magnétophone qui lui sert de cahier sonore, d’un ordinateur portable, de cubarith   pour l’arithmétique, et d’une tablette Braille.

« Nous garantissons à l’école l’éducation de plus d’une centaine d’élèves de différentes déficiences et ce, avec nos propres moyens. Les responsables au niveau de l’État, auxquels revient pourtant une responsabilité de supervision, ne nous rendent même pas visite,  ni ne nous accompagnent, de quelle que manière que ce soit », déplore la Directrice de l’établissement depuis 2010, Mme Marie Judith Nicolas. « Qu’est-ce qui les empêche de subventionner l’éducation des enfants à besoins spéciaux, s’ils ne peuvent pas les prendre eux-mêmes en charge, si ne n’est justement le manque d’intérêt ? », s’interroge-t-elle.

Sur environ 120 000 enfants handicapés, selon les derniers chiffres de la Commission de l’Adaptation Scolaire et de l’Appui Social (CASAS), seulement 2019 enfants (soit 1.7%) étaient scolarisés. Qui pis est, cet infime pourcentage se trouve dans des écoles privées, puisqu’il n’y a pas en Haïti d’école spécialisée publique. « Par conséquent, nous doter de matériels didactiques adaptés à l’apprentissage de ces enfants, serait, bien entendu, la moindre des choses », fait valoir la Directrice, Judith Nicolas, qui a une trentaine d’années d’expérience dans l’éducation des enfants à besoins spéciaux.

Selon l’esprit de l’article 24 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, les États doivent garantir, sur une base d’égalité avec les autres, un l’enseignement primaire de qualité et gratuit, et l’enseignement secondaire inclusif. L’article 10 de la Loi sur l’intégration des personnes handicapées du 21 mai 2012 va dans le même sens. En effet, le petit alinéa d de cet article fait obligation à l’État haïtien de garantir aux personnes handicapées l’accès à l’éducation à tous les niveaux et au travail. Or, la CASAS reconnaît que l’État n’a aucune institution scolaire spécialisée. N’est-ce pas là une violation flagrante des droits des personnes handicapées en Haïti ?

Statler LUCZAMA

Luczstadler96@gmail.com

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