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Yves Marie Gustave, part à l’aventure dans le théâtre

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Yves Marie Gustave est connu dans le milieu de la scène comme un jeune comédien, pétri de talent, qui promet un grand avenir. Depuis six ans, le poète dirige la compagnie de théâtre Les ateliers d’encriture, et coordonne l’Espace culturel des jeunes de Turgeau, un centre culturel communautaire. Pour le natif de Port-au-Prince, un vrai artiste doit avoir la capacité de se réinventer dans les moments de crise sociale aiguë. Il en témoigne dans ce numéro.

Amant de la poésie, mordu de théâtre, ami des beaux-arts en général, Yves Marie Gustave embellit son existence avec ce qui le passionne le plus : son rôle sur une scène. Gamin, il prenait déjà son pied en interprétant le rôle des parents dans le jeu traditionnel, très connu chez les enfants en Haïti : Jwet manman ak papa. « J’adorais jouer à ce jeu », confie le comédien, affirmant avoir pris du plaisir à ce jeu. « Quand on y pense, on pourrait se demander s’il ne s’agissait pas d’une forme de théâtre », se demande Yves Marie Gustave, se remémorant les souvenirs de son enfance à Cité Gabriel. « Évidemment, c’est du théâtre, parce qu’on interprète la vie des plus âgés, de nos parents, de ce que font notre père et notre mère à la maison », ajoute  l’activiste culturel.

Yves Marie Gustave se souvient aussi du son léger des pages des livres (de son père), soumises au mouvement passionnant de ses doigts. Son père était un bouquiniste, « ce que Dominique Batraville appelle les libraires du soleil », dit-il. À chaque fois que mon père rentrait à la maison avec de nouveaux bouquins, je m’amusais à cacher ceux dont la couverture me paraissait attrayante »,confie celui qui chérit encore sa passion pour les livres. C’est en somme dans cette ambiance pleine de joie et d’imagination qu’a grandi celui qui côtoie les scènes du théâtre depuis quelques temps.

« Il fallait que je trouve un moyen de me retrouver, de me remonter le moral, après le décès de ma mère. À cette époque, je venais d’obtenir ma carte d’accès à la Bibliothèque Monique Calixte (BMC). Je commençais à lire des poèmes , à les mémoriser, à les réciter, je participais aussi à des ateliers d’écriture à la bibliothèque. C’est dans ce contexte que j’ai appris le théâtre », raconte le comédien, qui étudie l’art dramatique à ACTE. Pour le natif de la capitale, le théâtre est une forme d’expression qui lui permet de lutter chaque jour contre son impuissance.

« J’ai découvert ma passion pour le théâtre en regardant des films. Je me suis dit que si l’acteur arrive à le faire, avec un peu de volonté je peux aussi le faire », explique le poète, amoureux des choses de l’esprit, qui se faisait le plaisir d’assister à des spectacles de théâtre. « Personne ne peut avoir la prétention de devenir un comédien professionnel sans avoir assisté à des spectacles de théâtre pour admirer les aînés, pour voir comment ils jouent, parlent et incarnent leur personnage sur scène », déclare Yves Marie Gustave.

Sur scène, le poète se sent envahi d’un sentiment de liberté qui le submerge, à en croire ses dires. « Je veux toujours me donner cette liberté », affirme-t-il. « Sur scène, Yves Marie Gustave n’est plus le même; c’est quelqu’un d’autre, un autre  corps qui cherche son identité », déclare le comédien qui aspire à devenir metteur en scène. Il admet toutefois qu’il n’est pas toujours facile pour lui d’abandonner ses soucis avant de monter sur la scène. « Néanmoins, ce sont mes soucis qui créent le génie comédien que je suis », se targue le directeur des Ateliers d’encriture.

Plus loin dans l’interview accordée au journal, il affirme qu’il n’y a pas de création artistique sans position politique. « J’utilise le théâtre pour prendre position. Je fais passer les revendications à travers un texte, ou une émotion ». Selon lui, il est important pour un artiste de combiner conscience politique et sens de l’esthétique dans ce qu’il propose. « Fok atis yo sispann nan lalin », ne cesse de répéter le coordonnateur du Centre Culturel Communautaire, Espace Culturel des jeunes de Turgeau.

La crise sécuritaire qui sévit dans le pays depuis plus d’un an, ne laisse pas indifférent le natif de la capitale. « Cette situation que l’on vit dans le pays affecte notre secteur à tous les niveaux », déclare-t-il. «L’insécurité est un obstacle pour la qualité de création que nous voulons proposer…Moi, personnellement, cette crise me met en retard quitte à me décourager »,  le poète, indiquant que « la création artistique dans ce pays est un acte de résistance puisque l’on crée dans la précarité. »

Tout au long du « Peyi Lòk », Yves Marie Gustave n’a jamais cessé de réfléchir, de lire, de méditer et de coucher par écrit ses projets. En effet, dans ces moments de confinement dû aux troubles dans les rues, il a transformé sa maison en résidence artistique. « Je n’oublierai jamais que j’ai dû parcourir la capitale à pied, de Delmas 24 à Carrefour-feuilles, pour aller animer l’atelier Psycho-théâtre, chaque jour pendant un mois », témoigne l’artiste passionné, avant d’ajouter qu’un vrai artiste doit avoir la capacité de se réinventer dans les moments de crise aiguë.

Enthousiaste et passionné de son état, Yves Marie Gustave écrit une belle page dans le milieu de la scène en Haïti. Même s’il connaît les difficultés qui sévissent dans le secteur, il prend son chapeau de voyageur et part à l’aventure dans ce chemin que son père lui refusait par le passé.

La rédaction lui souhaite une excellente aventure !

Statler Luczama

Luczstadler96@gmail.com

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