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Magalie Marcelin, une figure inoubliable du féminisme haïtien !

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Femme aux divers talents, Magalie Marcelin est conteuse, danseuse et comédienne. Militante engagée pour les droits des femmes, avocate et consultante en projets de développement, elle est une humaniste sans égale. Usant de son grand cœur, de ses talents artistiques et de ses connaissances multiples, elle a tendu la main à des milliers de femmes haïtiennes et a donné un statut à toutes celles des générations futures !

L’histoire ne retient pas grand-chose sur les circonstances de la naissance de Magalie et sur l’identité de ses parents ; sinon que la jeune femme dynamique est née en 1962 sur les terres d’Haïti et que sa mère est décédée alors qu’elle avait entre 7 et 8 ans.  On sait également qu’elle a été élevée par sa marraine :gérante d’un petit hôtel-restaurant au cœur de la capitale. Dès son plus jeune âge, Magalie s’aperçoit des maux qui rongent les entrailles de la société dans laquelle elle vit, car déjà petite fille sa marraine lui défendait catégoriquement de jouer avec les enfants des rues. Très tôt, elle se rend compte que ces enfants sont les victimes d’un système en  faillite. Déterminée et décidée à y mettre du  sien pour  pour mettre un terme à cette machine destructrice qu’est  système dans lequel elle vit, elle n’était qu’à l’aube de son adolescence, à peine âgée de 14 ans quand elle réalise que la justice haïtienne et la devise nationale : “Liberté, Égalité, Fraternité” ne sont que des mirages et n’existent que sur le papier.

Comme l’a précieusement dit Pierre Corneille dans sa pièce très connue, Le Cid : “Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années !” ; effectivement, Magalie était très jeune et n’avait pas encore atteint sa majorité quand elle fait de l’art un moyen d’exprimer sa révolte contre le système patriarcal et dictatorial qui faisait, à l’époque, la pluie et le beau temps. Abandonnant l’école au secondaire, elle fait des rues de Port-au-Prince une scène composée de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et du soleil son projecteur pour dénoncer les injustices intolérables, les inégalités de genre, les crimes sans motifs, et la sanglante dictature de Duvalier, grâce au théâtre et à la danse. Mais entre le théâtre et la danse sur l’asphalte, la jeune militante était également enseignante à l’école primaire.

L’artiste engagée n’avait que 18 ans lorsqu’elle a épousé un jeune journaliste politique, mais peu de temps après son mariage, elle fut expatriée par Baby Doc, au Venezuela où elle y demeura une année avant de  se rendre au Canada. Arrivée au Québec, Magalie prit la ferme décision de reprendre ses études qu’elle avait suspendues. Entretemps divorcée du jeune journaliste, elle se remarie et donne naissance à Maile, une fille. Elle vit au Québec de 1981 à 1987 et fait des études universitaires en sciences juridiques et en gestion des coopératives. Elle  se donne à fond dans ses études supérieures et se fixe pour objectif de mettre son savoir et ses bras au service de son pays.

Revenue sur sa terre natale, après le départ de Duvalier, l’avocate diplômée a été l’une des fondatrices de Kay Fanm, une association militant pour le respect des droits des femmes, qui accompagne les victimes de violence sur le plan juridique, psychologique et sanitaire. Magalie s’est engagée en tant qu’avocate à défendre personnellement les victimes sans aucune rémunération, et à rédiger des projets de lois qu’elle soumet au Parlement pour le respect des droits des femmes. Elle était à la fois porte-parole, formatrice et conseillère juridique de Kay Fanm. La jeune avocate dotée d’un courage incommensurable accompagne ses clientes jusqu’au bout et travaille sans relâche afin que les lois soient plus en faveur des victimes. En 1997, elle fait un plaidoyer, dans la capitale, à l’occasion de l’organisation d’un tribunal international contre la violence faite aux femmes en Haïti. Grâce à son dévouement et à sa perspicacité, elle a réussi à faire criminaliser cette violence. 

Magalie Marcelin avec toute sa fougue et son grand cœur a consacré sa vie entière à se battre contre le système politique, social et économique à la base de toutes les horreurs qui assombrissent le ciel de la première République noire libre, depuis des siècles. Son militantisme avait une importance capitale à ses yeux,  il a intégré sa vie et son quotidien, chacun de ses gestes, chacune de ses actions ont été imprégnés de son vif désir de se battre pour les martyrisés du système. Elle a usé de toutes les armes en sa disposition pour obtenir des résultats positifs et durables dans le cadre de la lutte pour les droits des femmes. Magalie a été l’une des premières femmes à se battre pour  exiger le fait que les femmes haïtiennes puissent avoir accès à une éducation et une formation de qualité au même titre que les hommes et qu’elles aient les mêmes chances qu’eux d’obtenir un emploi et un salaire décent par rapport à leurs compétences trop souvent sous-estimées.

Etant naturellement artiste, la jeune comédienne prenait parallèlement un plaisir fou a utiliser ses talents pour éduquer et informer les femmes sur leurs droits, par des actions de sensibilisation sur scène. Elle a fait de l’art pour le plaisir et n’a jamais souhaité faire carrière dans ce domaine dans lequel elle se plaît et exprime  tout ce qu’elle ressent. Sur scène, elle exerce ses talents de conteuse, de danseuse et de comédienne. Elle a même fait un peu de cinéma, on a pu apprécier ses talents d’actrice dans « Anita », où elle joue le rôle de restavek (enfant en domesticité) en 1982 et en 1995 dans le film réalisé par Jean-Daniel Lafont : « Haïti dans tous nos rêves ». Elle trouve dans l’art un moyen de s’évader et de se retrouver tout en exprimant ses sentiments.

Magalie Marcelin a laissé ce monde, le mardi 12 janvier 2010, à Port-au-Prince, dans sa demeure, suite au séisme. En 35 secondes, Port-au-Prince toute entière s’est retrouvée dans un perturbant nuage de poussières et environ 300 000 âmes ont emprunté le chemin pour l’au-delà. Le séisme du 12 janvier 2010 lui a pris la vie et ses rêves avec, mais pas tout ce qu’elle a accompli. 12 années après sa mort, la communauté haïtienne, les femmes haïtiennes se souviennent d’elle comme une militante avisée qui a tout fait pour réduire inégalités sociales et combattre un système politique et patriarcal meurtrier, comme celle qui, grâce à ses gestes, ses spectacles et ses talents artistiques, a eu le courage de dénoncer les violences. Elle a toujours su apprécier la beauté du monde en dépit de tout et si elle était encore vivante aujourd’hui, elle nous aurait surement dit en pareille situation de ne pas laisser la beauté du monde nous glisser entre doigts et de ne jamais cesser de vivre, malgré tout !

Leyla Bath-Schéba Pierre Louis

Pleyla78@gmail.com

1 thought on “Magalie Marcelin, une figure inoubliable du féminisme haïtien !

  1. Un grand merci au journal Le Quotidien et à Leyla Bath-Sheba Pierre Louis pour cet hommage! Magalie a vécu en héroïne, est morte en héroïne et doit continuer de vivre dans nos coeurs en héroïne. Merci!

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