« Permettre aux décideurs de s’approprier la problématique de la bonne gouvernance éducative », l’objectif du dernier ouvrage d’Yves ROBLIN

La crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19, mais aussi les catastrophes naturelles multiples auxquelles fait face régulièrement le pays ont mis à mal le système éducatif haïtien. Entre la déperdition scolaire, les défis systémiques du secteur et les nouvelles réalités techniques et technologiques, le professeur Yves ROBLIN analyse et fait ses propositions.

Le pays fait face depuis plusieurs décennies à une situation de crise multidimensionnelle qui touche quasiment tous les secteurs. Le secteur de l’éducation, que ce soit au niveau scolaire, de la formation professionnelle ou universitaire, est frappé de plein fouet par la crise. L’instruction n’est pas à la portée de tous en raison du nombre insuffisant d’institutions éducatives, mais aussi en raison du coût des services dans un système contrôlé à près de 80% par le privé. Ajouté à cela, les troubles sociopolitiques, le manque de moyens économiques et financiers, mais aussi les catastrophes naturelles multiples ne cessent d’affaiblir encore plus un système déjà  à genoux. 

Diplômé de l’Institut International de Planification de l’Education de Paris, de l’Ecole Normale Supérieure, de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince, Cadre au Ministère de l’Education, mais aussi professeur d’Intro à la planification de l’éducation et de Législation scolaire à l’Université depuis plus d’une vingtaine d’années, le professeur Yves ROBLIN a publié « Covid-19 et les Outils de Planification du Secteur d’Education en Haïti », ouvrage dans lequel il analyse les défis auxquels fait face le système éducatif haïtien, et pose les conditions nécessaires pour l’atteinte des objectifs de l’institution éducative qui est de permettre à tous les enfants d’avoir une place assise à l’école. 

La pédagogie inversée, une alternative

La crise de la Covid-19 a imposé à Haïti mais aussi au reste du monde de nouveaux paradigmes en matière d’organisation de la société, surtout quand il s’agit de prévenir la continuité et le relèvement lors des catastrophes à haute intensité. La période de confinement a vu s’émerger un ensemble de dispositifs permettant aux institutions éducatives de poursuivre les activités d’enseignement à distance, mais aussi de permettre aux enfants, jeunes, et autres étudiants d’expérimenter la méthode dite de la pédagogie inversée dans laquelle ils s’apprennent au moyens d’outils technologiques. Cependant, son application requiert, selon le professeur Yves ROBLIN, un certain degré de planification et de capacité technologiques. 

En Haïti, dit-il, pendant la crise sanitaire, le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) a expérimenté la méthode de la pédagogie inversée à travers des dispositifs mis en ligne, cependant elle n’a pas pu être appliquée de façon globale à cause de nombreux défis que le pays n’a pas encore relevés. « Durant la crise sanitaire, le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle a expérimenté la méthode dite de la pédagogie inversée à travers laquelle les enfants peuvent s’apprendre à la maison. Haïti avait fait cette expérience mais pas à grande échelle parce que en raison du problème de connectivité, de l’électricité et de modernité, nous n’avions pas pu la généraliser, elle a donc été considérée comme une expérience pilote. Au niveau du personnel du Ministère également, on avait utilisé la méthode du télétravail où les cadres restent à la maison et cela a très bien fonctionné », précise le professeur ROBLIN.

« Pour qu’on puisse généraliser l’expérience de la pédagogie inversée, il faut qu’il y ait une part importante du budget national qui soit à l’éducation, il faut former les professeurs par rapport au numérique, il faut dans un cadre systémique travailler avec d’autres secteurs par exemple celui de l’énergie. En plus, il faut résoudre le problème de l’instabilité politique, de l’insécurité », dit-il.

Carte scolaire et données statistiques

L’éducation doit être planifiée tout en ayant un objectif bien défini. « Dans cet ouvrage, j’ai souligné la nécessité pour l’État de résoudre certains problèmes, notamment celui politique. Et j’ai dit aussi que le pays doit se doter d’un plan macro de développement. Qu’est-ce qu’on va faire dans cinq ans ou dix ans en matière de santé, d’éducation, de technologie et énergie, dans le domaine social ? Pour l’éducation, il faut tenir compte de la mission de l’institution éducative qui est de ramener tous les enfants en âge d’aller à l’école en salle de classe, quelles que soient leurs origines sociales ou leurs différences », rappelle le professeur.

Pour Yves ROBLIN qui évoque qu’il faut mettre en œuvre de véritables politiques éducatives, des outils de planifications doivent être aussi mobilisés, il s’agit de l’établissement de cartes scolaires et de la collecte de données statistiques. « La carte scolaire met beaucoup d’accent sur la question de l’enquête scolaire. Il faut qu’il y ait des collectes de données afin d’avoir les données statistiques, de manière à alimenter la base de données se trouvant dans un véritable système d’information pour la gestion de l’éducation », indique-t-il. Selon lui, le système ne peut pas fonctionner à l’aveugle, il faut disposer de données fiables pour pouvoir identifier les besoins et poser les actions appropriées.

Pour le professeur ROBLIN, la nécessité de revitaliser le système éducatif haïtien est une nécessité absolue. La crise que connaît le pays aujourd’hui est en partie liée aux difficultés que rencontre le pays en matière d’éducation ou encore de formation à l’emploi. Après la scolarisation gratuite et universelle que recommande le professeur, il rappelle l’obligation de lutter contre la déperdition due aux échecs scolaires. Pour lui, il faut s’appuyer  sur la pédagogie de la réussite avec la passation automatique et l’évaluation formative. 

Clovesky André-Gerlad Pierre

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