« Je ne crois pas que l’organisation des élections soit une nécessité première aujourd’hui », selon Hugues Mondésir
4 min readUne légitimité qui fait défaut .Nombreux sont celles et ceux qui estiment que la légitimité au pouvoir est un pré-requis nécessaire pour qu’un gouvernement puisse se lancer dans un processus électoral. Cependant, dans cette conjoncture où personne ne peut prétendre être détenteur d’une once de légitimité avis tendent à laisser de côté le cadre de la légitimité des dirigeants, pour pointer plutôt une crise de système.
C’est ainsi que pour Hugues Mondésir, militant en droits humains et responsable d’organisations, l’État s’est effondré, et cela crée une situation où la nécessité de renouvellement du personnel politique est nécessaire, mais l’organisation des élections ne saurait être la première étape. « Je ne crois pas que l’organisation des élections soit une nécessité première aujourd’hui », dit-il. « L’État, poursuit-il, n’est pas en mesure de le faire. Nous sommes en face d’un appareil juridico-administratif qui est à l’arrêt, qui déserte, qui n’existe plus en tant que tel. Au niveau de la sécurité nationale, de la défense des vies et des biens, l’État a failli à sa mission et s’est transformé en un espace de banditisme légal, une mafia économique et politique, un cartel qui œuvre en la faveur d’oligarques.
Les gangs armés ont les pleins pouvoirs, ils détiennent entre leurs mains le pouvoir de vie et de mort sur la population, et aucune institution étatique ne semble être en mesure de les affronter. De plus, nous fonctionnons dans une conjoncture de vide institutionnel qui nous empêche d’avoir un CEP qui soit légal, légitime. Dans ces circonstances, on ne peut pas oser parler d’organisation d’élections ».
Toutefois, pour faire bouger les choses, il pense que le renouvellement du personnel politique est une nécessité. Mais avant de parvenir à l’étape électorale, il croit nécessaire de lancer une grande mobilisation, une campagne de sensibilisation pour que la population organise ce qu’il nomme un « congrès patriotique haïtien entre la masse et l’élite pour la refondation de l’être haïtien et de sa nation », un prérequis à l’organisation d’élections.
Tétanisés par le goût de la transition
« Le pays est privé de dirigeants. Dans cette conjoncture de transition, tous les groupes essayent d’imposer leur propre dirigeant, de faire valoir leur parti, ce qui nous empêche d’avancer. Si nous arrivons à renouveler le personnel politique par des élections, au moins nous aurons six mois de paix. L’équipe en place est tétanisée par les bénéfices du pouvoir, elle ne compte pas organiser des élections parce qu’elle perdrait ses avantages », estime Agathe Moise qui œuvre dans la communication sociale.
Pour Djim Guerrier, un manque de volonté manifeste des dirigeants depuis des décennies empêche le pays de se stabiliser politiquement. Les dérives auxquelles se laisse aller le personnel politique sont criantes. Pour lui, les élections sont nécessaires, mais la volonté politique se fait toujours attendre. « Il va sans dire que l’organisation des élections en Haïti est une nécessité, mais le vrai débat réside dans la question du « Comment ? ».
Le pays se retrouve dans une situation de dérive politique avec un degré d’inconstitutionnalité qui va au-delà de l’entendement, et qui provoque à son tour des dérives économiques et sociales, plus de misère, plus de craintes et d’incertitudes. Il s’avère donc nécessaire d’organiser des élections pour pouvoir au moins retrouver une normalité politique. Mais le manque de volonté politique constitue le premier obstacle à l’organisation d’élections. Et l’insécurité à laquelle nous faisons face aujourd’hui découle directement de ce manque de volonté », confie-t-il à la rédaction du journal. Pour lui, le premier pas vers les élections est d’aboutir à un consensus politique qui doit se dégager entre les différents acteurs, car sans cela, aucune élection n’est possible.
Pour Elfauda aussi, elle qui est styliste, couturière de talent et sur le point de décrocher une licence en sciences politiques, les élections sont une nécessité urgente mais ceux qui assurent la transition ne semblent pas encore prêts à se lancer dans le processus. Depuis l’assassinat du Président Jovenel Moise, dit-elle, le pays fait face à un changement de circonstances où il faut désormais composer avec un gouvernement de transition depuis maintenant dix mois. Selon elle, le climat d’insécurité n’est pas favorable à l’organisation de bonnes élections, mais il faut des élus pour arranger la situation, d’où un épineux dilemme.
« Dès qu’il y a une transition, les détenteurs du pouvoir ont toujours essayé de la maintenir le plus longtemps possible, et ainsi, ils contribuent largement à créer ce climat d’insécurité et d’instabilité politique. Pour mettre fin à cette dérive, l’élection de nouveaux élus reste la première option envisageable. Pour moi, actuellement, c’est le gouvernement en place qui représente le premier obstacle à l’organisation des élections. Ils ne font qu’en parler sans agir », dit-elle.
Clovesky André-Gérald Pierre
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