Moralement, oui!
3 min readLes conditions dans lesquelles vit la population haïtienne témoignent de l’histoire d’un peuple mis en esclavage par ses propres dirigeants. Une nation surprise par ses gouvernants qui installent un système marginalisant, corrompu et féroce. Un peuple dont les dirigeants cautionnent la violation systématique des droits de l’Homme.
Pour preuve: les dernières sanctions imposées à plusieurs membres de l’élite nationale. Le récent dossier éclaboussant l’Église Épiscopale d’Haïti. L’affaire de la cargaison d’armes à Port-de-Paix. Tout cela, entre autres, prouve ce que la population dénonce depuis des décennies. Ces faits expliquent le niveau de barbarie et d’insouciance des hommes politiques, des élites morales et économiques d’Haïti. Ceux qui sont placés pour protéger, exécuter et produire les lois les foulent aux pieds en s’adonnant à leur propre enrichissement illicite et en se maintenant au pouvoir par tous les moyens, la corruption et des pratiques égoïstes et malsaines. L’immoralité envahit l’Église et d’autres cultes religieux. Tout est en chute libre en Haïti.
Les évènements lamentables se succèdent. Les choix politiques sont, depuis un certain temps, des actions qui ne reflètent pas la protection du bien commun. Les crimes se multiplient pendant que ceux qui ont la responsabilité de la barque du pays font semblant de ne rien voir ni entendre. Ils se complaisent dans la détresse populaire caractérisée par une forte immigration qui se fait, pour la plupart, de manière clandestine et dangereuse.
Bien avant l’assassinat du feu Jovenel Moïse, la situation était calamiteuse. Deux ans après sa disparition tragique, le moins qu’on puisse dire d’Haïti, c’est qu’elle est devenue invivable. C’est un pays à l’agonie. Une communauté où les gangs font école. Une nation, à trop subir les exactions et la malveillance de ses élites, sombre dans la soumission et la résignation. Elle capitule en acceptant tacitement la fatalité.
De jours en jours, la population se plaint de moins en moins contre les enlèvements, les assassinats, les massacres. Les organisations des droits humains dénoncent moins fréquemment les violences multiformes qui s’établissent dans le pays. La misère est à son comble. Le désespoir et la peur prennent le dessus. Les statistiques existant sur l’insécurité alimentaire en Haïti sont préoccupantes mais pour le Gouvernement, tout va bien. Aucun effort n’est envisagé pour apporter un minimum de sérénité à la nation, ni pour amortir le coût de la vie, l’inflation, le désordre récurrent qui se fait dans le commerce pétrolier ou l’armement clandestin des groupes armés. Aucun signe ne montre la volonté des hommes d’État de limiter les actions de ces terroristes.
L’État ne devient qu’une vile expression en Haïti. Un espace d’enrichissement pour des gens malhonnêtes. Un couloir pour s’enrichir frauduleusement. Un terrain pour faire chanter ses adversaires politiques. Cette perception résulte d’une longue construction et est en train de prouver ses effets. Qui est présent pour dire « Halte-là » ? Comment faire pour repartir sur de nouvelles bases ? Comment va-t-on procéder pour réconcilier la nation sans des actions fortes ? Qu’implique la notion de réconciliation que prêchent les acteurs ? L’amnistie peut-être ? Le prolongement de l’impunité sous une autre forme ?
Dans la foulée, l’accord du 21 décembre 2022 du pouvoir et de ses alliés peine à être appliqué. Le Haut Conseil de Transition (HTC) continue d’être l’ombre de lui-même. L’autre organe de contrôle prévu par ledit accord n’est toujours pas constitué. Près de quatre mois après, les acteurs tergiversent, la crise s’accentue, la réalisation des élections au cours de cette année nage dans des eaux troubles pendant que la population continue d’avaler son breuvage insipide. Il est temps que des sanctions soient imposées aux différents acteurs malfaisants. Adoptons ce moyen pour compenser le phénomène de l’impunité minutieusement entretenu par les hommes d’État haïtien qui a conduit à cet état de fait.
Daniel SÉVÈRE