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Ariel Henry ne fait que suivre le diktat des institutions financières internationales, selon le professeur Ismaël P. Volcymus

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Les discours et actions de l’actuel numéro un de l’exécutif semblent être de plus en plus contestés par différents éléments de la société haïtienne. La levée des subventions sur le carburant a ravivé les flammes de l’opposition contre les bénéficiaires de l’Accord du 11 septembre 2021.  Pour le géographe et  professeur d’Université, Ismaël P. Volcymus, Ariel Henry ne fait que mettre en pratique les exigences des institutions internationales sans tenir compte des revendications de la population.

Après son adresse à la nation du 11 septembre qui a été suivie de violentes contestations, un autre discours du Dr Ariel Henry le dimanche 18 septembre 2022 a lui aussi été fortement controversé. Une de ses phrases, par ailleurs reprise par le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies, a fait l’objet de nombreuses  réfutations. « Tout le monde pouvait voir que c’était des individus lourdement armés qui étaient à la tête de diverses manifestations », avait affirmé le Premier Ministre Ariel Henry. Pour lui, les protestations ne sont aucunement des mouvements populaires, mais des actions menées par des gangs armés. La levée des subventions sur les produits pétroliers devront servir à couvrir les dépenses pour le nouvel exercice fiscal qui débutera en octobre prochain.

Cependant, pour le géographe et professeur d’université Ismaël P. Volcymus, l’idée de lever les subventions sur les carburants ne fait aucunement partie d’une quelconque politique, mais est bien plutôt un diktat des institutions financières internationales. « La première raison pour laquelle le Gouvernement s’obstine à lever les subventions sur le carburant, c’est pour satisfaire le FMI qui avait déjà enjoint au Gouvernement de Jacques Guy Lafontant de le faire en 2018. Et à l’époque, cela avait débouché sur les événements des 6 et 7 juillet. Ça a été la fin de son Gouvernement. Il n’y a pas que le FMI derrière cette action, mais également d’autres institutions comme l’IFI (Institution Financière Internationale), ou la Banque Mondiale, tous recherchent la libéralisation totale du marché haïtien », a affirmé le professeur Volcymus.

Pour le professeur et militant politique Hugues-Kapè Mondésir, le Premier Ministre Ariel Henry  est en train d’accomplir sa mission, et le contenu de son mandat n’est précisé que par ceux qui l’ont mis au pouvoir, à savoir la communauté internationale. « Ariel Henry, issu de la communauté internationale, est en train d’accomplir une mission qui est d’affaiblir encore plus la souveraineté de nationale en augmentant la dépendance ; de laisser les mains libres à la bourgeoisie locale et à la République Dominicaine pour alourdir les importations et ainsi détruire le peu qui reste de la production nationale ; de doter le pays d’une nouvelle Constitution pour légitimer ces actions, et organiser des élections ».

Un discours est le bienvenu, mais le contenu est inapproprié

Interviewé par la rédaction du journal Le Quotidien News, l’étudiant en Sciences Politiques Dimitry Jean-Baptiste croit que le Premier Ministre Ariel Henry accuse un déficit total de légitimité à la tête de l’Exécutif. Pour lui, aucun discours, en l’état actuel des choses, ne saurait renforcer sa position au pouvoir. Cependant, il croit qu’après une semaine de « peyi lòk », le Premier Ministre devait faire un discours, mais avec un contenu différent de celui qu’il a prononcé et dans lequel il a tenté de faire passer le problème de la levée des subventions pour une solution. « Politiquement, un discours était approprié  vu le moment. Mais le contenu de celui-ci ne correspond pas à une action politique sensée. Il a sélectionné un problème clé (les émeutes) alors qu’il refuse d’aborder celui du carburant. Il a identifié l’actuel problème comme étant une solution », a-t-il précisé.

Selon lui, les origines du Gouvernement actuel et de son chef ne lui permettent pas d’adresser les véritables problèmes de la population. « La fonction du Dr Ariel Henry comme actuel dirigeant de l’Exécutif haïtien est une situation transversale. Il vient d’un groupe fortement contesté dans le pays (le PHTK) pour ses mauvaises actions politiques et les conséquences qui en découlent », dit-il, avant d’ajouter qu’un système corrompu, une communauté internationale désireuse d’accroître son influence sur la politique nationale et une élite économique  irresponsable sont les éléments ayant conduit au pouvoir le Dr Ariel Henry.

Des mouvements légitimes, infiltrés par les gangs armés

Pour le professeur Mondésir, la présence d’individus armés dans quelques rues de la capitale n’est qu’une tactique pour décrédibiliser les mouvements de la rue. Selon lui, quoique peu encadrés, ces mouvements de protestation  s’inscrivent dans une lutte plus grande et bien plus ancienne, celle de la « refondation totale de l’être haïtien et de son État ». « Les mouvements populaires restent toujours les mêmes dans le pays, avec les mêmes intérêts, une lutte entre l’international sadique, des gouvernements profiteurs, une bourgeoisie insouciante face à une masse qui rêve d’une refondation totale de l’être haïtien et de son État, mais aussi d’une vraie indépendance qui soit totale, c’est-à-dire à la fois économique, sociale, politique, culturelle, intellectuelle, etc. ».

C’est également l’idée de M. Jean-Baptiste qui, lui, croit qu’avec un encadrement politique adéquat, ces mouvements de protestations peuvent représenter un espoir pour le pays. « Cette majorité qui occupe les rues aujourd’hui, représente l’un des plus grands espoirs du pays. Elle a besoin d’être encadrée par ceux qui ont de la bonne volonté, des bonnes idées sans chercher à la manipuler, des connaissances réelles sur le développement durable, qui ne sont pas  celles imposées par l’ordre capitaliste mondial. Il n’est pas possible de parvenir à un changement avec les mêmes acteurs politiques traditionnels présents depuis 1986 », a-t-il affirmé.

Pour le professeur Volcymus, d’autres groupes sociopolitiques devraient appuyer les revendications populaires, afin de contraindre le Gouvernement à revenir sur ses mesures. « Les organisations progressistes, les syndicats, les groupes socio-professionnels, les associations d’étudiants ainsi que les organisations populaires doivent entrer en synergie afin de désapprouver cette politique anti-masse, afin de détourner les plans de la communauté internationale qui veut faire du pays un laboratoire d’expérimentation de leurs politiques anti-masse qui rencontrent de fortes oppositions ailleurs », réclame-t-il.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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