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Bicentenaire, la cité maudite

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Au cœur de Port-au-Prince, la cité du Bicentenaire a connu des mois de gloire lors de sa création. Elle a accueilli des princes, des artistes et des millionnaires à l’occasion de l’Exposition du Bicentenaire en commémoration des 200 ans de la fondation de Port-au-Prince. Transformée en un quartier populaire, le Bicentenaire est devenu la cité perdue de l’histoire.

Située dans la troisième circonscription de Port-au-Prince, le Bicentenaire a été au départ le nom accrocheur pour plus de six mois d’exposition dans la capitale haïtienne. Du 8 décembre 1949 au 8 juin 1950, la baie bordée de palmiers autour du parc des expositions, la place des Nations Unies, l’installation d’une grande roue, d’un aquarium, d’un cinéma, ainsi que l’organisation de combats de coqs et des représentations folkloriques dans le jardin paysager du Théâtre de Verdure ont été mis en valeur. Le Président Dumarsais Estimé profitait de la fin de la Seconde Guerre mondiale pour présenter Port-au-Prince au monde entier comme une capitale visionnaire, dynamique et moderne.

La cité de l’exposition s’étendait sur 30 hectares. Plus de 250 000 visiteurs venus de 15 pays respiraient la brise de la baie en se rafraîchissant sous les palmiers qui bordaient la ville. Avec  l’intensification des relations internationales, la promotion du tourisme et de la culture haïtienne,  Dumarsais Estimé milita pour la défense de la langue française lors de la création de l’Organisation des Nations unies en 1945. Il prôna le maintien de la langue française comme langue de travail. Ce qui amena le 17 février 1950 à la prononciation du discours de M. Jacques de Lacretelle, le délégué de l’Académie française à l’hôtel de ville de Port-au-Prince.

Après cette grandiose exposition, le Président Dumarsais Estimé fut victime d’un coup d’État commis par la junte militaire ayant à  sa tête Paul Eugène Magloire. Les bâtiments furent vendus et d’autres devinrent parties intégrantes de l’architecture de Port-au-Prince, tels que l’Office du tourisme qui n’existe plus, le Pavillon des postes, la Fontaine lumineuse et le Théâtre de verdure qui ont eux aussi disparu avec l’âge d’or du tourisme haïtien.

Dès lors, le bord de mer qui  s’était approprié le nom de « Bicentenaire » commença sa descente aux enfers. Les visites qu’il reçut furent réduites aux dates qui coïncidaient avec la fête des morts. D’où les adeptes du guédé qui empruntent les rues du Bicentenaire pour se rendre au Grand Cimetière en se trémoussant avec leurs composés pimentés. Ensuite, est venue la période des manifestations où les jours de congé historiques sont bafoués.Les défilés de guédés se sont réduits, fini le parcours des mordus du carnaval qui rentraient à Carrefour les trois jours gras. Avec la guerre des gangs, la zone a fini par disparaître des annales du tourisme en emportant avec elle les traces de l’exposition de 1949. Le Bicentenaire n’existe plus que de nom. La malédiction  s’acharne avec l’évacuation des occupants de la zone qui s’enfuient pour sauver leur peau et peu à peu, la ville meurt. Plus personne n’en parle plus. Les larmes du Bicentenaire coulent encore sur les tableaux des peintres haïtiens comme Jacques-Enguerrand Gourgue, médaillé d’or, et Gesner Abelard, médaillé de bronze durant l’exposition.

Genevieve Fleury

genevievef359@gmail.com

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