ven. Mai 10th, 2024

Le Quotidien News

L'actualité en continue

Initiation à la peinture à l’Université Quisqueya

4 min read

Melissa Sainfa est étudiante en sciences comptables. Victime du séisme du 12 janvier, en fauteuil roulant.

Dans le cadre de « Haïti, le Printemps de l’Art », l’Université Quisqueya a proposé la tenue d’un Atelier d’initiation à la peinture, animé par Eddy Joseph PIERRE, peintre haïtien reconnu qui expose à New York, Miami, en Haïti, à Mexico, à Barcelone et dans des pays de la Caraïbe.

Le concept est audacieux.

Il aurait pu être d’inciter l’artiste à exposer ses tableaux et à les commenter devant un public étudiant invité pour l’occasion ; cela aurait été une version améliorée d’action « pédagogique » en galerie où les tableaux ne sont pas simplement proposés à la contemplation et à la vente, mais où le créateur explique son œuvre, la situe dans son parcours, ce qui est déjà fort instructif.

Il aurait pu être de faire appel aux services de l’artiste pour qu’il peigne lui-même en direct devant un public étudiant intéressé, un certain nombre de tableaux, qu’il aurait commentés selon différents points de vue : le thème choisi, l’idée directrice, la technique du dessin, le choix des couleurs, l’effet recherché, etc. Cela aurait été une autre forme de pédagogie par l’exemple, mais exclusivement fondée sur la transmission ex cathedra d’un savoir et d’un savoir-faire que l’étudiant doit assimiler et reproduire.

L’innovation principale de l’Atelier en ce mois de janvier qui mène beaucoup de jeunes au désespoir a consisté à donner carte blanche à des étudiants et étudiantes pour la réalisation d’une œuvre. La seule consigne qui leur a été donnée a été de laisser libre cours à leur imagination tout en bénéficiant de l’encadrement et des conseils d’un professionnel haïtien confirmé, bien connu sur le campus puisque c’est Eddy Pierre qui a réalisé la fresque sur la façade du Centre de Conservation des Biens Culturels construit avec l’aide de la Fondation Smithsonian, une référence dans le monde de l’art. Le peintre a indiqué simplement aux participants des techniques de base de peinture. « Nous leur avons appris comment utiliser le matériel, comment agencer les couleurs, comment utiliser acrylique et huile, quand utiliser les marqueurs, etc. » 

Fidèle à sa devise (« La connaissance et l’action au service de l’Humain »), l’Université Quisqueya a choisi résolument cette dernière option, partant du principe que les meilleurs apprentissages ne résultent pas d’un enseignement dicté par le professeur omniscient et omnipotent, mais d’un processus interactif fait d’échanges de connaissances et d’expériences dans un climat de confiance mutuelle.

Les étudiants ont donc été mis en situation de créer une œuvre. Cette idée a rencontré tout de suite un grand succès puisque 75 participants se sont inscrits à l’Atelier et réalisé une œuvre. La Direction des Affaires Étudiantes, l’Unité de communication de l’Université (ComUniQ) et la Direction des Technologies de l’Information et de la Communication, l’Administration et le peintre ont travaillé la main dans la main pour mettre en place en peu de temps cette activité originale qui correspond doublement à l’esprit du « Printemps de l’Art » initié par Le Nouvelliste, et  à la conception originale de l’enseignement de l’Université Quisqueya.

  En effet, c’est non sans fierté que la majorité des « peintres en herbe » se sont lancés dans cette expérience nouvelle, stimulante, « libératrice ». Ils l’ont fait non une certaine hésitation, une peur de s’exposer, de rencontrer des critiques. En effet, certains ont peint un tableau, pour expliquer une histoire cachée, transmettre un sens. Une forme d’expression personnelle, intime. D’autres se sont emparés de l’occasion offerte soit pour dénoncer par le pinceau la violence que subissent les femmes,  soit pour évoquer l’histoire du vodou, soit pour exprimer un espoir : « Matisan dwe viv ankò 2022 », soit pour peindre la nature sous un jour harmonieux et paisible ou de manière stylisée. Une forme d’expression libératrice. La plupart n’avaient jamais manié un pinceau de leur vie !

Cette activité a été une belle initiative. Elle a permis de démontrer que la créativité et le talent ne sont pas réservés à une minorité. La créativité, c’est un état d’esprit, une attitude intérieure, elle n’est nullement réservée aux artistes. Chacun peut faire de sa vie une œuvre d’art, à travers ses études, son métier, ses loisirs, ses relations, la décoration de sa maison, au cours d’une conversation…). Elle requiert, non pas seulement de l’intelligence, mais surtout de la curiosité, de l’empathie, de l’estime de soi, de l’adaptabilité, et l’ouverture à ses émotions. Être créatif, c’est ajouter à la vie de la vie. Il faut avoir confiance en soi.

Merci à Eddy Pierre et aux jeunes de Quisqueya de nous avoir rappelé cette vérité.

Alain SAUVAL

Laisser un commentaire