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« La situation économique est extrêmement grave », se lamente l’économiste Kesner Pharel, président directeur général du Group Croissance.

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Il a présenté à l’aide d’un graphique les faibles taux de croissance enregistrés dans le pays au cours de cette décennie. « L’économie haïtienne croît en moyenne pendant les 10 dernières années à un rythme de 0,8% », a-t-il soutenu. La dernière fois que l’économie haïtienne a connu un taux de croissance au moins de 2%, a fait remarquer le patron du Group Croissance, remonte à 2014.  Quand la croissance démographique représente en coefficient 1,5 % et  que la croissance économique reste figée sous la barre de 1%, cela montre que l’économie haïtienne ne produit pas suffisamment de richesses pendant les cinq dernières années pour éradiquer la pauvreté.

Pour l’exercice 2018-2019, le ministre de l’Économie et des Finances, Ronald Décembre, a annoncé récemment en conférence de presse que le taux de croissance de l’économie sera inférieur à 1%.  Sur ce point, l’économiste Kesner Pharel a souligné une contraction du secteur agricole de 2% en dehors de toute considération d’un éventuel désastre naturel. Quant au secteur manufacturier, il va connaitre aussi une contraction à cause des problèmes rencontrés au niveau des chaines d’approvisionnement.

Le détournement des marchandises sur les routes nationales devient de plus en plus fréquent et a des impacts sur l’agriculture et les entreprises de manufacture. L’économiste Kesner Pharel a souligné que les agriculteurs peinent à écouler leurs produits sur les marchés de la capitale et quant aux entreprises de Port-au-Prince, elles ne peuvent pas transporter, sans grandes difficultés, leurs produits vers les villes de province. 

 « Nous produisons la pauvreté et l’extrême pauvreté dans ce pays », a dénoncé Kesner Pharel qui a étayé ses propos à partir d’un autre indicateur économique, l’inflation. Il a souligné que le taux d’inflation d’octobre 2018 à mai 2019 se chiffre à 16,04%. En ce sens, Kesner Pharel a expliqué que la gourde a perdu 16% de sa valeur durant cette période. « Dans un pays où 25% de la population vit en situation d’extrême pauvreté et plus de 60% dans la pauvreté, un taux d’inflation de 16%  est très élevé. Autrement dit, lorsque le taux d’inflation en glissement mensuel varie entre 1% et 2%, il s’approche du niveau de 20% en rythme annuel », a fait valoir le patron du Group Croissance.

Le taux de change est l’autre paramètre considéré par l’économiste pour faire comprendre comment le quotidien devient de plus en plus difficile pour ceux qui vivent en Haïti sous le seuil de la pauvreté. En dix ans, le taux de change est passé de 40,29 gourdes pour un dollar à 92,73 gourdes pour un dollar. Dans  son analyse, Kesner Pharel a critiqué la décision prise l’année dernière concernant la dédollarisation de l’économie haïtienne. « Quand l’année dernière, le gouvernement croyait procéder à la « dédollarisation » de l’économie haïtienne sur le papier avec un arrêté, le résultat obtenu concrètement est mitigé. Le taux de change a dérapé et la gourde a perdu 30% de sa valeur par rapport au dollar américain », a-t-il déploré.

Compte tenu du taux de change et du niveau de l’inflation, l’économiste Kesner Pharel a affirmé que le pays vit des moments difficiles qui rappellent les périodes du coup d’État de 1991 et du tremblement de terre de 2010. « En 2010, le tremblement de terre avait causé la mort d’environ 200 000 personnes. À cette époque, la population haïtienne se chiffrait à près de 10 millions d’habitants. La croissance économique, boostée par l’aide internationale, était de 5,5% pour l’exercice 2010-2011. Aujourd’hui, le pays compte environ 12 millions d’habitants, soit 2 millions de personnes de plus en moins de 10 ans à nourrir. Or, on produit moins », a fait remarquer M. Pharel, invitant les hommes au pouvoir et ceux de l’opposition à mesurer l’ampleur de la crise économique et à trouver une solution politique pour sortir le pays de ce marasme.

Pour sa part, Francisco Jovin, coordonnateur de l’Observatoire de la société civile  sur les finances publiques, a attiré l’attention sur l’absence d’un budget voté au Parlement à trois mois de la fin de l’exercice fiscal en cours. « Nous sommes à trois mois du prochain exercice, on risque de reconduire de nouveau le budget 2017-2018 inadapté aux priorités du gouvernement pour l’exercice prochain 2018-2019 », a-t-il indiqué. Il a fait comprendre que le budget représente un instrument permettant au gouvernement de réaliser sa vision et d’améliorer les conditions de vie de la population. En termes de recommandations, l’Observatoire demande, entre autres, aux pouvoirs exécutif et législatif de prendre des mesures nécessaires afin de doter le pays d’un budget.   

Quant à Jo-Ann Garnier, représentante de l’Impact au sein de l’Observatoire de la société civile sur les finances publiques qui a pris parole lors de cette conférence, elle a présenté un autre aspect du budget national. « Le budget, ce n’est pas uniquement les chiffres, c’est aussi les droits des citoyens. Le budget a un impact sur les droits humains, les droits des enfants, les droits des personnes ayant une déficience quelconque », a soutenu madame Garnier, précisant qu’une évaluation de la politique budgétaire fondée sur les droits de l’homme s’avère nécessaire en raison de l’impact  de la crise financière actuelle sur la jouissance des droits humains de la population haïtienne. 

Le Nouvelliste

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