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La suppression du poste de premier ministre : une nécessité pour la nouvelle Constitution haïtienne

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La vie publique haïtienne se caractérise par des désaccords et des luttes intestines pour la prise du pouvoir. Pour une fois cependant, le dernier sondage d’opinion publique réalisé par le Bureau de recherche en informatique et en développement économique et social (BRIDES) montre un fort consensus qui se dégage autour d’une nouvelle constitution haïtienne. Ce sondage est fondé sur un large échantillon très représentatif de 14 000 personnes sur l’ensemble du territoire national. En effet, 72,3 % des personnes interrogées optent pour la suppression du poste de premier ministre à l’occasion de la réforme constitutionnelle proposée par le Président de la République.

Les répondants proviennent de tous les secteurs de la vie nationale. Quelles que soient les réserves et préoccupations, 72,3 % de nos compatriotes s’entendent plutôt sur la nécessité d’en finir avec le poste de premier ministre qui, somme toute, n’a fait que favoriser l’instabilité sociale et politique. C’est déjà un grand pas considérable vers un nouveau système ! Vœu légitime et souverain.

Un pacte d’ingouvernabilité

La constitution haïtienne de 1987 nous a légué un pouvoir exécutif bicéphale avec un président élu démocratiquement et un premier ministre choisi par le Président de concert avec le parlement. Alors qu’il n’a obtenu aucun mandat du peuple, le Premier ministre n’est pourtant ni responsable, ni redevable auprès du Président qui, lui, a mené campagne et convaincu le peuple par son offre politique. Ce qui fait que de nombreux acteurs de la vie nationale considèrent la fonction du Premier ministre comme étant une source de tensions entre les pouvoirs publics. Autrement dit, ils se prononcent en faveur de la suppression du poste de Premier ministre dans la nouvelle constitution haïtienne. Certaines institutions comme, entre autres, le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) considère cette réforme constitutionnelle comme étant « une opportunité pour relancer le pays ».

Par ailleurs, en dépit des bonnes intentions manifestées par les constituants de 1987, ils ont créé un monstre en accordant autant de prérogatives au Parlement. On est donc passé à côté du jeu d’équilibre entre les pouvoirs. La dictature a seulement changé de camp.

Chronique d’un rapport de forces au sommet

24 Premiers ministres et 17 chefs d’État ont défilé en l’espace de 32 ans, soit de 1988 à 2020. Seuls cinq présidents ont été élus démocratiquement pour ne voir que deux boucler leur mandat. Cette permanence de l’instabilité politique, inscrite au cœur de la Constitution, fait tort au pays. Au point que feu l’ancien président René Préval qualifie la Constitution de « source d’instabilité pour les institutions haïtiennes ».  

En fait, depuis plus de 20 ans on assiste à une prise d’otage de l’administration publique par le Parlement. Le Président, chef de l’exécutif impuissant, doit se plier aux quatre volontés des parlementaires toujours plus exigeants. Ce qui coûte trop cher au peuple haïtien qui, pourtant, n’a de cesse de réclamer une démocratie tournée vers la justice sociale. Ensuite, ce genre de tensions provoquent parfois un vide institutionnel au sein de nos institutions régaliennes. Par exemple, de 1997 à 1999, à la suite d’un conflit ouvert entre le Président de la République et son premier ministre d’alors, le pays est resté sans premier ministre pendant 2 ans, le Parlement ayant refusé tous les choix qui lui ont été soumis par la présidence. Cela a abouti à un grand vide constitutionnel, soit le constat de la caducité du Parlement haïtien en janvier 1999.

La constitution haïtienne de 1987, dans sa version amendée, a encore rendu plus difficiles les relations entre le chef de l’État et son premier ministre. Car toute vacance présidentielle ou tout empêchement définitif propulse le chef du gouvernement à la présidence, notamment au cas où le chef de l’État n’est pas encore arrivé à sa quatrième année de mandat, selon l’article 149. Certes, l’esprit de l’article évoqué cherche à favoriser une issue institutionnelle, néanmoins on néglige une question importante : qui fabrique le premier ministre ? En effet, le gouvernement étant l’émanation du Parlement, la suspicion s’installe facilement entre la présidence et la primature. Tel ne serait pas le cas, si le remplaçant était désigné suivant un autre mode opératoire. Une franche collaboration aurait plus de chance, avec la stabilité politique à la clé.

Dans l’objectif de rompre avec cette instabilité chronique au plus haut sommet de l’Etat, selon le tout dernier sondage du BRIDES, la grande majorité serait d’accord pour supprimer le poste de Premier ministre. Mais aussi pour le remplacer par un.e vice-président.e. Ce serait là l’expression la plus sûre de la volonté du peuple haïtien. Définitivement, place au Souverain !

Richenel Ostiné

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