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Les sanctions internationales contre des personnalités ne mettent pas en péril le système bancaire haïtien, rassure Jean Baden Dubois

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Intervenant à l’émission « Le grand rendez-vous économique » diffusée sur la Radio Métropole le 2 janvier 2022, le Gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH), Jean Baden Dubois a fait le point sur les sanctions imposées par la communauté internationale contre des politiciens haïtiens et des hommes d’affaires influents pour leur implication présumée dans la corruption, entre autres. Selon M. Dubois, ces sanctions ne mettent pas en danger le système bancaire haïtien…

Le Gouverneur de la BRH Jean Baden Dubois s’est inscrit, et ce, d’entrée de jeu, dans une démarche visant à établir la différence entre les différentes sanctions imposées contre des politiciens haïtiens et des hommes d’affaires influents. Les premières sanctions ont été prononcées par l’Organisation des Nations Unies (ONU)  suite à la résolution 2563 en date du 21 octobre 2022. « […] Les sanctions des Nations Unies sont applicables dans tous les pays membres de l’ONU, incluant Haïti. Quand l’ONU met une personne  sur la liste des personnes sanctionnées, généralement cette liste arrive à la BRH et par la suite pour être redistribuée au niveau du système financier qui, lui, procède au blocage des comptes […] », informe M. Dubois précisant qu’à travers les sanctions de l’ONU, il y a l’interdiction de voyager, le gel des avoirs et l’embargo ciblé sur les armes.

Les sanctions des Nations Unies sont au-dessus des lois du pays, y compris de la Constitution de la République d’Haïti, ce, au regard d’une convention signée entre Haïti et l’ONU à cet effet, souligne le Gouverneur de la BRH. « Si une personne décide de contester en raison de son compte qui est bloqué, elle doit s’attaquer à l’ONU, et non aux institutions haïtiennes », a-t-il indiqué.

Selon lui, les sanctions bilatérales concernent les sanctions imposées par le Canada, les États-Unis à travers l’« Office of Foreign Assets Control (OFAC) et l’Angleterre. « Les sanctions canadiennes sont applicables seulement dans les juridictions canadiennes. Les sanctions de l’OFAC sont applicables dans les juridictions américaines. Cependant, ces dernières sont également applicables sur toutes les transactions effectuées en dollars américains car il est le propriétaire du dollar », explique-t-il.

Comment les institutions haïtiennes doivent réagir ?

« Nous avons rencontré les institutions haïtiennes pour leur expliquer ce qu’impliquent les sanctions afin d’éviter des réactions émotionnelles », rassure M. Dubois soulignant que tous les correspondants bancaires des banques haïtiennes se trouvent aux États-Unis. « En conséquence, les banques américaines étant des banques correspondantes des banques commerciales haïtiennes ne vont pas prendre de risque avec une personne sanctionnée par les États-Unis. Car, selon les  lois américaines, même s’il s’agit d’un transfert de 200 dollars américains vers les États-Unis effectué par l’une des personnes se trouvant sur la liste de l’OFAC, la banque américaine en question peut écoper d’une pénalité allant d’un à cinq millions de dollars américains », précise M. Dubois.

Il explique par ailleurs que la banque correspondante ayant des relations avec Haïti va surveiller les comportements des banques haïtiennes. « De son côté, la banque haïtienne dont le client est sur la liste des personnes sanctionnées par l’OFAC va être très prudente vis-à-vis de ce dernier […] en conséquence, la banque en question va se dire qu’il est préférable de ne plus avoir affaire avec le client sanctionné puisque celui-ci est ingérable », explique le Gouverneur. «  Les banques haïtiennes peuvent aisément se décider, et ceci légalement, de ne plus avoir affaire avec un client, car il est clairement indiqué dans le formulaire d’ouverture des comptes bancaires qu’elles peuvent rompre leurs relations avec le  client concerné à n’importe quel moment », a-t-il ajouté.

Par rapport aux sanctions canadiennes, affirme M. Dubois, la banque haïtienne peut toujours décider de faire preuve de prudence en ce qui  concerne les clients sanctionnés par le Canada. Néanmoins, elle peut estimer qu’une telle attitude peut entraver sa relation avec le Canada. Et à partir de ce moment, souligne le numéro un de la BRH, la banque haïtienne peut juger nécessaire de se passer de ce client en question. « Dans tous les cas, la banque haïtienne ne peut, en aucune manière, s’inscrire dans une démarche visant à geler les comptes des clients. Bien au contraire, en mettant fin à leurs relations contractuelles, la banque haïtienne doit verser le solde à son détenteur », explique le Gouverneur. « S’il s’agit d’une entreprise individuelle, elle aura automatiquement le même traitement que celui qui est réservé à l’individu sanctionné ; cependant, s’il s’agit d’une société anonyme, la banque haïtienne doit vérifier si la personne en question détient plus de pouvoir de décision. Et si c’est le cas, l’entreprise n’aura pas un traitement différent de celui qui sera imposé à cette personne », précise-t-il.

D’après M. Dubois, une douzaine de personnes sont concernées par la fermeture des comptes. « 178 comptes sont concernés, dont 72 comptes  appartenant à des entreprises individuelles », précise-t-il en mentionnant par ailleurs que ces personnes doivent avoir un compte ouvert ce, en dépit des sanctions, en vue de rembourser les prêts qu’elles ont contractés  auprès de ces banques.

Les sanctions ne mettent pas en péril le système bancaire haïtien, rassure Jean Baden Dubois

Les sanctions concernent moins de 500 millions de gourdes et moins de cinq millions de dollars américains par rapport aux personnes touchées par ces sanctions, dont les comptes sont fermés, à en croire le Gouverneur Dubois. «  Ces montants ne peuvent en aucune manière affecter le système financier », rassure M. Dubois soulignant par ailleurs qu’il faut attendre la liste de l’ONU qui, informe-t-il, compte un seul nom pour le moment. « Une fois qu’un individu se retrouve sur la liste de l’ONU, son compte sera bloqué et non fermé ; à partir de ce moment la personne n’aura aucun accès à son solde », dit-il.

Haïti sur la liste grise du GAFI

Haïti se trouve sur la liste grise du Groupe d’Action financière (GAFI), rappelle M. Dubois. « Il y a environ 40 recommandations qui doivent être respectées par tous les pays, mais Haïti est dans l’impossibilité de  respecter ne serait-ce qu’une seule d’entre elles », explique le Gouverneur mentionnant par ailleurs que, pour sortir de la liste grise, il faut une bonne gouvernance et de la transparence. « L’administration publique ne peut pas être un espace pour s’enrichir, mais un lieu pour rendre service », pense-t-il.

Il y a une loi d’une importance capitale qu’on n’a pas en Haïti, c’est une loi sur les jeux de hasard, indique M. Dubois. « Il faut qu’il y a aussi des taxes et des contrôles sur ces jeux », insiste le Gouverneur. Ce dernier indique également qu’il n’y a aucune loi sur le contrôle des capitaux. Selon lui, les hommes politiques ont profité de cela pour sortir leurs capitaux du pays. « Nous sommes en train de revoir la loi sur le blanchiment et c’est l’une des conditions imposées par le GAFIC pour sortir Haïti de la liste grise ».

Jackson Junior RINVIL

rjacksonjunior@yahoo.fr

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