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Ma chère copine est toujours vivante

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                     À Sandrine ESTIMÉ, le centre de mon monde malgré elle. Et dont sa mort a chambardé ma vie…

  « Ci-gît Sandrine ESTIMÉ, cette âme qui savait partager l’amour et non la haine. Née le 07 juin 1999 et décédée le 06 juin 2019 ».

C’est ce qui est inscrit en grande lettre sur sa tombe. C’est aussi le dernier souvenir que j’ai d’elle, de ma chère copine défunte. Non non non! Elle ne peut pas être morte, parce que ma chère copine est toujours vivante dans mon cœur et dans mes plus fines pensées. Je marche avec le regard dans le vide comme si je contemple des créatures cauchemardesques de l’ailleurs. Je balade plusieurs fois par jour dans le cimetière. C’est là que je viens prendre mon repas de midi d’ailleurs, et ne jamais rien mettre dans ma bouche jusqu’au lendemain. Depuis, sa mort gravée à jamais dans ma mémoire, ma vie a complètement gâché. Je deviens anormal selon l’avis des grands hommes. Des hommes qui se croient en entier dans le panier de la normalité. Les autres, en dehors, ont jetés pêle-mêle parce qu’ils ne les plaisent pas. Ils les condamnent avec leurs dénigrements qui tuent souvent. Depuis la mort de Sandrine, je traine avec moi un corps anormal, un corps vide de belles attentes et de belles choses. Un corps que personne ne souhaite soutenir pour ne pas contaminer. D’un coup, je deviens contagieux et que personne n’ose me regarder en face. Ma folie était devenue une pandémie qui ravage.

 Sandrine là-haut ou là-bas, (j’ai l’impression qu’elle est à mes côtés) j’ignore où elle est, me regarde et observe mes instants. Même lorsque je dors, ses yeux me fixent tel un tableau conçu pour regarder uniquement avec des yeux assassins. Je fais mes activités, elle me regarde pour étiquer le mal être en moi. J’écris elle me regarde comme l’aurait fait ma muse. Je dessine, ses yeux volent les âmes aux modèles pour les mettre dans mes tableaux. Je lui rends hommage, elle me regarde encore. Et même lorsque je mange mes ongles, ses yeux scrutent pour de vrai en dedans de moi. De son vivant, elle l’avait fait clandestinement, quand je la voyais la main dans le sac, elle baissait ses yeux phosphorescents et souriait. Elle me regarde parce qu’elle m’aime toujours, même dans sa mort. On ne développe pas jusque là une relation de mort vivant, c’est comme si elle était vivante ou bien j’étais mort. Ça explose trop entre nous pour ne plus aimer, c’est bien pour ça qu’elle ne peut pas reposer en paix comme disent les grands hommes. Moi aussi, je pouvais d’ailleurs pas surmonter sa mort tragique ( Une jeune violoniste abbatue de trois cartouches par des gangs sans cœur, en sortant d’une répétition). Ses yeux étaient la plus belle partie de son corps. La deuxième c’était son cœur, parce qu’elle savait aimer sans faire semblant, ce qui la différencie des grands hommes. Ses yeux, allumés de l’intérieur, étaient toute une immense frontière qui prêt à s’ouvrir au monde. Les yeux, la plus grande œuvre artistique qu’une personne puisse avoir. Demandez à Louis Aragon ce qu’il avait constaté des yeux d’Elsa et il vous dira.

Je me demande mon Dieu comment elle pouvait mourir la veille de ses vingt ans. Comment elle pouvait me faire ça à moi, ( qui avait plein de projet pour son lendemain ). Quel gâchis ces projets!

Pendant je réfléchis au projets que j’avais pour Sandrine il y a un mois, jour pour jour et date pour date. Je regarde ma montre, et l’aiguille parcourt quelques secondes sur l’heure exacte de la réunion. Je suis déjà en retard. Même si c’est à quelques pâtés de ma maison. Je prends mon cahier de notes et je cours à vitesse effarante comme un troublé qui ne voulait rien gâcher encore. Pendant que j’arrive là bas, seulement six minutes de retard, je vois seulement Monsieur Pasteur Bélisaire. Cela m’étonne, puisque je suis dans une réunion des grands hommes. Des gens qui se disent normaux, qui respectent l’heure, le mariage, Dieu, la misanthropie, l’hétérosexualité, leurs costumes et cravates…

Comment personne d’autre ne peut arriver à l’heure ?

Uniquement ce Monsieur à double titre. Je suis Monsieur Pasteur Bélisaire. C’est ce qu’il m’a dit en rentrant, sans même me saluer ( ces grands hommes ne saluent jamais n’importe qui ), et a ajouté de l’Église de Dieu Apostolique des saints du cinquième jour.

Tout désespéré, ( souvent dans cet état ) j’assiste la réunion en prenant des notes sur ce qui sont dits et sur leurs comportements. La nature a horreur du vide, tandis que moi j’ai horreur des gens normaux. Je sais pas vraiment quand finira la réunion mais je sais que je dois partir à midi pour aller rendre visite à Sandrine, même si j’ai l’impression qu’elle est à mes côtés, pourtant je dois me rendre chez elle. Je dois partir. Je sais au moins ce que je dois faire sur cette terre à part d’aimer. Je n’ai pas trop de devoir ou de responsabilité comme les grands hommes mais je sais quand même aimer authentiquement. Eux, ils aiment avec de l’indifférence. Triste réalité!

Je passe chez moi pour récupérer mes bagages pour mon rendez vous de midi. J’ai acheté pour Sandrine de la banane bouillie à la sauce poisson et un avocat bien sec ( Sa nourriture préférée ). Ne jamais oublier sa tranche d’avocat même dans les périodes où il n’y avait pas. Et du riz et du poulet pour moi. Je suis grand fan de riz. Du jus d’orange pour elle, et moi, je me suffis avec mon Coca. C’est notre repas de midi, tous les jours, depuis son obsèque. Déjà trois semaines. Je ne rate jamais un meeting. Je prends aussi son violon pour jouer un peu de musique pour elle. Elle savait jouer plein de musique, tandis que moi, je tiens toujours maladroitement le violon d’une main et l’Archet de l’autre pour jouer seulement Frère Jacques. C’est cette musique qu’elle m’avait montré avant sa mort. Si le fameux peintre haïtien TIGA pouvait nous observer, il pourrait faire ce jour là notre portrait. Et donnant un titre à son tableau par exemple « Une jeune violoniste et son copain, moment intime ».

Arrivée sur sa tombe, je fais un trou au bord de sa tombe pour mette la nourriture pour Sandrine, bien arrangée dans le trou avec les tranches d’avocats. Puis, je jette aussi le jus en son nom et je mange la mienne et bois le mien en regardant les oiseaux d’en haut. J’aime manger dehors, contrairement aux gens normaux qui mangent à table. J’aime manger dans l’ombre et en regardant les oiseaux d’en haut. J’ai l’impression qu’ils m’observent  eux aussi. Tandis que moi, j’observe leur sagesse. Ils vivent tellement bien, sans se soucier de demain. Ils vivent instinctivement leurs instants. Ils mangent quand ils ont faim, s’accouplent quand le besoin se fait ressentir, se voler librement pour prendre les airs et se reposer dans leurs nids quand leurs ailes ne peuvent plus faire leurs exercices. Ils se souviennent juste de l’instant et non de demain qui nous cause parfois tant de souffrance. C’est comme ça ils vivent avec amour, ils ont un art de vivre. En les regardant, je me suis souvenu d’une citation de Anatole France : « En art comme en amour, l’instinct suffit ».

  Après ce rituel, j’ entonne Frère Jacques. Je prends plaisir dans ce que je fais. Je joue et je pense à elle.

Soudain, je commence à pleurer, c’était pour la première fois depuis sa mort. Ça peut paraître un peu bizarre mais je n’ai jamais pleuré sa mort, car je l’ai senti toujours vivant. Je ferme mes yeux un bon moment, je joue et mes paupières ne peuvent empêcher aux larmes de couler à flot. Brusquement je vois Sandrine devant la porte du cimetière, me fait signe de venir pour qu’elle puisse me prendre dans ses bras, je dépose sur sa tombe le violon et j’approche à petit pas. Je sens que le soleil brille plus fort que jamais, comme si c’était le seul endroit qu’il avait à éclairer. J’entends des cris partout, comme si ce lieu silencieux sort de son mutisme. Puis, Sandrine me prend dans ses bras et on a fini par se baiser fortement. J’ouvre mes yeux au moment qu’on se baise et je me suis réveillé…

Mon corps en trempe avec des gouttelettes de sueur. Je suis conscient que j’étais en train de rêver. Et si je redors encore un peu pour oublier ce cauchemar ?

Je prends mon portable au côté de moi sur ma petite table à ouvrage. Je l’allume et je vois une notification. C’était un message de Sandrine sur un numéro inconnu.

« Bonjour chéri!

Comment vas-tu ? Tu as bien dormi?

Mon téléphone est déchargé parce qu’il y avait pas d’électricité hier soir. Je vais à la répétition de mon cours de violon. Je t’écrirai à ma venue. Prends soin de toi, je t’aime follement, bisous mon amour!

#Nouvelle

#Sphérithéiste.

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