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Myriam Merlet, une figure particulière du féminisme haïtien!

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Femme brillante et engagée dans la recherche féministe, Myriam Merlet est un pilier indiscutable du mouvement féministe haïtien. Activiste politique, économiste, elle a mis son savoir au service de la communauté haïtienne. Elle a élaboré diverses théories à caractère féministe et a mené courageusement le combat pour donner à la femme haïtienne un statut juridique et social. Durant une carrière qui s’étend sur 25 années, Myriam a posé une pierre fondamentale sur le chantier de la construction d’une société fondée sur l’égalité et le respect.

Née le 14 octobre 1956, Myriam Merlet est la fille de deux bourgeois issus du régime duvaliériste. Cadette d’une fratrie de six frères et sœurs, elle a un frère aîné et quatre petites sœurs. À l’âge de 14 ans, elle quitte Haïti pour s’installer en Europe et vit brièvement en France et en Italie. En 1974, elle part s’installer à Montréal où elle demeure pendant treize années. Poursuivant ses études au Canada, la brillante jeune femme obtient, en 1985, un master en sciences économiques à l’Université du Québec. Pendant son riche cursus universitaire, elle en profite pour entamer des études sur les questions féminines, la sociologie politique et la théorie féministe qui lui ont toujours tenu à cœur.

Refusant d’endosser le statut d’émigrante toute sa vie, elle a décidé après la chute de Baby Doc de revenir sur sa terre natale et de se mettre au service de son pays. De retour sur le sol haïtien, en juillet 1987, la jeune diplômée de l’Université du Québec s’est donnée pour mission de travailler avec et pour les femmes haïtiennes en vue de renverser les barrières discriminatoires de la société et de donner une voix à celles qui sont prisonnières d’un mutisme forcé. Ainsi, sans perdre de temps, la féministe dont la détermination était sans mesure, fonda « Enfo Fanm », un centre de documentation et d’information qui défend les droits des Haïtiennes, l’année même de son retour.

« Enfo Fanm » s’intéressait, notamment, à la communication, à la formation, au plaidoyer et à la documentation spécialisée en littérature et actualités féministes. « Enfo Fanm » était entièrement au service de la population, elle produisait des émissions radiophoniques et télévisées très enrichissantes et avait un journal : « Ayiti Fanm » qui divulguait des informations en créole pour faciliter la compréhension par toutes les femmes haïtiennes. « Enfo Fanm » était, entre autres, la voix des femmes haïtiennes que le système patriarcal tentait d’étouffer depuis des lustres. À travers cette plateforme, Myriam a non seulement formé, informé, et défendu les Haïtiennes mais a aussi hurlé leurs déboires, leurs peines et leurs indignations.

Entre-temps, parfaitement installée en Haïti et totalement impliquée dans le domaine de la recherche féministe, Myriam a écrit un essai personnelintitulé « The more people dream », dans le recueil « Walking on fire: Haitian women’s stories of survival and resistance ». Outre cet essai, la spécialiste en recherche féministe a également publié « Situation économique des immigrantes haïtiennes », son mémoire de maîtrise en 1985 ; Discrimination sur le marché du travail : les cas des femmes haïtiennes « femmes immigrantes noires », en 1986 ; Entre l’amour, la colère et la folie : Construire la paix en Haïti ; Le rêve de plus de gens en 2001 et Haïti : les femmes en conquête d’une citoyenneté pleine et totale dans une transition sans fin en 2010.

Myriam Merlet a eu un parcours professionnel plus que flatteur, elle a été une économiste de grand calibre. Elle a participé à la création et a été porte-parole de la Coordination Nationale pour le Plaidoyer des Femmes (CONAP) et a lutté contre le sexisme, précisément dans le monde publicitaire. Elle s’est impliquée sans retenue, dans la lutte pour la criminalisation du viol en Haïti et militait ardemment, pour dénoncer la culture du viol qui est extrêmement néfaste pour la santé mentale et émotionnelle des victimes. Ainsi, elle a joué un important rôle dans la reconnaissance du viol comme crime en 2005.

Entre autres, elle était de 2006 à 2008, cheffe du cabinet ministériel à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes et a été également conseillère de haut niveau dans ce cabinet. Myriam était, parallèlement, la représentante nationale à l’Association Caribéenne pour la recherche et l’action féministe. Cette grande observatrice qui se battait pour que les femmes cessent d’être invisibles dans les différentes sphères de la vie nationale, a également pris l’initiative de mener une campagne de sensibilisation en vue de nommer des rues d’après des noms de femmes célèbres, car très peu de rues portent le nom de femmes.

Myriam Merlet a laissé ce monde le 12 janvier 2010, à 53 ans. Brillante et disciplinée, elle a su représenter Haïti avec tact. Myriam fait partie de ces femmes qu’on ne peut oublier, de ces femmes dont la simple présence suffit pour enseigner. Elle a consacré sa vie à défendre, d’une manière ou d’une autre, la cause des femmes haïtiennes. La communauté haïtienne, d’ici et d’ailleurs, lui porte une appréciation particulière. On se souviendra toujours d’elle, comme celle qui a prêté sa voix aux femmes haïtiennes.

Leyla Bath-Schéba Pierre Louis

pleyla78@gmail.com

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