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On finit par mourir en s’adaptant!

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C’est un secret de polichinelle que plus des trois quarts  de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Otage d’une crise multidimensionnelle depuis des années, le pays  meurt en raison de ses fils et filles habités par  le brûlant désir de s’enrichir au frais de l’État.

De nos jours, tout est en train de s’envenimer dans le pays. Même la liberté de circulation n’est plus un acquis. Néanmoins, à chaque nouvelle circonstance qui se présente (même celle qui est la plus déshumanisante), la population haïtienne se crée une échappatoire. Depuis plusieurs années déjà, c’est la survie qui est devenue le principal objectif de la population.

Nous vivons comme des grenouilles qui adaptent leur température à leur environnement. Sans argent, sans emploi, sans sécurité, avec un État prédateur et un environnement dégradé et hostile, la population ne fait que s’adapter.  Elle se  console même avec ce vieux dicton créole : «  Pito nou lèd nou la ».

 Sans penser à invoquer le respect des droits humains, la nation se conforme. Pas d’électricité, on s’arrange. Pas de carburant, on s’en accommode. Pas d’emploi, on fait de son mieux. Pas d’abri, on se débrouille. Pas de circulation, on se fraie des chemins parallèles. D’un autre côté, certains citoyens désespérés s’aventurent en haute mer vers des cieux plus cléments au risque de mourir ou de se faire humilier en retour. Ils s’adaptent, même en traversant la « méditerranée » caribéenne, à bord de voiliers surchargés.

La population est  taxée pour des services non assurés. Elle entretient toute une administration publique budgétivore. Elle en supporte le poids pour, en échange, végéter dans la misère la plus abjecte. Quoi qu’il arrive, elle trouve toujours des moyens pour s’habituer.

Vivant avec moins d’un dollar américain par jour, ne pouvant pas se rendre à l’hôpital, frustré de voir ce qu’est devenu l’État, le citoyen haïtien, le plus souvent, est prêt à conclure n’importe quel marché pour continuer de faire face à ses dures réalités. Certains n’ont même pas hésité à prendre les armes et à se transformer du coup en bandits en intégrant un gang. Les plus honnêtes se créent un petit « demele » dans l’informel. Chacun essaie de fuir la réalité à  sa manière. « depi gen lavi gen espwa ».

À force de s’adapter, la population haïtienne ne cesse d’entretenir sa situation de misère. Ceux qui sont en position de diriger en profitent largement, car ils ont la garantie que, quelle que soit la  situation dans laquelle ils mettront la nation, elle cherchera toujours à s’adapter plutôt qu’à faire front commun et à changer la situation. Ils complotent pour détruire les institutions, créer l’instabilité politique et changer de régime politique, alors que, de son côté,  la population à bout laisse faire, tout en essayant de survivre et de laisser au temps le soin de gérer son destin.

En pensant à la grenouille qui s’adapte  à la température de l’eau du récipient placé sur le feu jusqu’à en mourir, le citoyen haïtien doit arriver à la compréhension qu’il lui faut gérer sa communauté et son développement à long terme, parce que la chaudière sociale commence aujourd’hui à prendre sérieusement de la chaleur. Et, face à cette situation, il est raisonnable de se poser cette question : serons-nous toujours capables d’adaptation ?

Daniel SÉVÈRE

danielsevere1984@gmail.com

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